Depuis quelques heures, les rumeurs vont bon train dans les rédactions : Emmanuel Macron serait sur le point de présenter officiellement sa candidature à l'élection présidentielle. La République en Marche a ouvert ce jeudi ce qui devrait servir de site de campagne : Avecvous2022. Jusqu'alors, la macronie était plutôt encline à relayer d'autres éléments de langage auprès des journalistes : selon ces « offs » de la fin d'année et du début janvier, il était acté que le président allait se présenter le plus tardivement possible, façon François Mitterrand 1988 (33 jours avant le premier tour !)...
Peu de gens s'en souviennent (ou le rappellent), mais cette idée de se déclarer le plus tardivement possible, Nicolas Sarkozy l'avait eu également en 2012 dans un premier temps... sans finalement s'y tenir. À l'époque, face au succès du grand meeting de François Hollande au Bourget, celui qui était alors le président avait dû se résoudre à se présenter dès février, entamant alors une campagne marathon, avec de multiples meetings (forts coûteux...).
Décidément, l'histoire se répète. Jusqu'à encore récemment, les commentateurs pensaient qu'Emmanuel Macron allait entrer en campagne progressivement, sans vraiment le dire (il a d'ailleurs commencé de nombreux déplacements en ce sens depuis juin dernier). Sur le papier, l'idée était de profiter au maximum de sa « présidence » de l'Union européenne, comme s'il pouvait rester en surplomb, au-dessus de ses concurrents.
Las ! La semaine dernière, son discours devant le parlement européen l'a ramené malgré lui dans l'arène de la politique nationale et de la campagne : alors qu'un président français n'a jamais à s'expliquer devant l'Assemblée Nationale, il a dû cette fois-ci répondre aux invectives de Yannick Jadot et des représentants des différentes oppositions françaises. Autres contrariétés pour Emmanuel Macron : malgré un trou d'air d'Éric Zemmour dans les sondages, le candidat de la droite extrême engrange les soutiens et multiplie les meetings qui sont autant de démonstrations de force. De l'autre côté du spectre politique, Jean-Luc Mélenchon engrange lui aussi les soutiens (la dernière en date étant une écologiste venue des rangs de Sandrine Rousseau, mais aussi, encore plus people, le journaliste Aymeric Caron, grand défenseur de la cause animale), ses meetings sont de plus en plus bondés, son show immersif de Nantes a été salué par toute la presse, et ses interventions télé font mouches.
Un « vote caché » pour Zemmour comme pour Mélenchon ?
Et puis, désormais, en off, responsables politiques, sondeurs, et commentateurs estiment qu'il y aurait en fait un phénomène de « vote caché » pour Zemmour comme pour Mélenchon, les sondages n'enregistrant que les choix les plus légitimes d'une partie seulement de l'électorat. Pour ne rien arranger, Marine Le Pen se maintient dans les sondages et tente même de se rendre sympathique face au danger Zemmour, allant jusqu'à dire qu'en tant que « mère », « elle n'est pas pour la guerre civile », elle.
Sans compter que les déclarations tonitruantes d'Emmanuel Macron début janvier sur les non vaccinés n'ont pas eu l'effet escompté : face au variant omicron, la posture martiale et « scientifique » face au virus est de plus en plus difficile à tenir : le débat sur les libertés publiques a fini par s'imposer tandis que les parents ont été particulièrement gênés par la désorganisation de l'Éducation Nationale. Bref, il est désormais urgent d'agir pour celui qui a adoré en début de quinquennat comme « maître des horloges ». À la manoeuvre coté Elysée, on trouve bien sûr Clément Léonarduzzi, le conseiller spécial et com' du président, cet ancien de Publicis, véritable couteau suisse spécialisé dans la communication de crise. Ce quarantenaire qui a su se faire adopter avec habilité par les personnels de l'Élysée est désormais chargé d'adoucir l'image du président. Bref, il faut éteindre l'incendie. Et justement, Emmanuel Macron excelle généralement quand il est obligé de jouer en contre...
Marseille Connection
C'est dans cette ambiance un peu particulière que certains imaginent dans l'entourage du président la solution idéale pour le lancement officiel de sa campagne : son futur déplacement à Marseille dans une dizaine de jours pourrait être l'occasion de poser enfin son acte de candidature. Marseille est en effet le symbole parfait pour un président qui souhaite se poser en rempart de l'extrême droite. Cette ville a d'ailleurs réservé un accueil glacial à Éric Zemmour alors que le candidat d'extrême droite veut en faire le parfait exemple du « grand remplacement », son obsession centrale.
Marseille « coche toutes les cases » estime d'ailleurs Jacques, notre source qui a connu le cœur de la macronie depuis 2017 (lire ma précédente chronique). Car Marseille, c'est à la fois la défense de la France plurielle que l'extrême droite exècre, mais aussi la ville de la droite républicaine, celle de Renaud Muselier et de Christian Estrosi. Cette ville en lien avec les réseaux socialistes de Christophe Castaner. D'ailleurs, son maire actuel, l'ancien socialiste Benoît Payan, qui a pu connaître par le passé le cœur du système Guérini, pourrait très bien se retrouver ministre en cas de victoire d'Emmanuel Macron. Payan, comme tout bon maire de Marseille (on pense à Defferre ou à Gaudin) sait forcément pratiquer le « en même temps » lui aussi. Durant quelques mois, son communicant a d'ailleurs été Edouard Schmidt, ancien communicant de Jean Castex à Matignon, ancien soutien d'Alain Juppé durant la primaire de la droite en 2016, et désormais au cabinet d'Olivier Véran.
Depuis 2017, Emmanuel Macron n'a cessé de porter son attention sur la cité phocéenne. Il aime ainsi rappeler aux journalistes qu'il est supporter de l'OM. Mais au-delà de l'anecdote facile, le président y a multiplié les voyages, et a décidé d'y engager l'État dans un grand plan de rénovation urbaine. C'est également sur le port de Marseille qu'il a croisé un soir devant les caméras Jean-Luc Mélenchon, député du coin, alors flatté de tant d'attention. « C'est une ville qu'il affectionne particulièrement », me confirme un observateur. Et il ne faut jamais l'oublier : il y a une quarantaine d'années, on retrouvait au cabinet de Gaston Defferre, illustre maire de Marseille devenu ministre de François Mitterrand, des soutiens actifs de l'actuel président, comme Michel Charasse (décédé en 2020) ou Jean-Marc Borello, patron du groupe SOS, mastodonte du travail social, et désormais un des leaders d'En Marche.
Bref, Marseille serait le lieu tout trouvé pour se lancer enfin dans le grand bain. Une carte postale bien plus habile que la Croix Rousse (Taubira), ou Rouen (Hidalgo), pour l'imaginaire des Français. Un scénario qui en vaut donc bien d'autres et pour lequel le président-candidat a un agenda possible et donc une opportunité : le Sommet des deux rives, qui se tiendra les 10 et 11 février prochain. A suivre...