Face au ralentissement européen, l'économie française résiste

L'Insee a maintenu sa prévision de croissance du produit intérieur brut à 1,3% pour 2019. Dans le même temps, les menaces qui pèsent sur l'économie française sont loin de s'apaiser.
Grégoire Normand
L'investissement public est dopé en cette année pré-élections municipales. La consommation n'accélère pas mais elle progresse à un rythme régulier de l'ordre de 0,3% par trimestre. La confiance des ménages se redresse de manière continue et le pouvoir d'achat est globalement dynamique (2,3% sur 2019), 1,8% par tête. Il y a eu des mesures budgétaires pour le soutenir et aussi l'inflation reste contenue  a expliqué l'Insee.
"L'investissement public est dopé en cette année pré-élections municipales. La consommation n'accélère pas mais elle progresse à un rythme régulier de l'ordre de 0,3% par trimestre. La confiance des ménages se redresse de manière continue et le pouvoir d'achat est globalement dynamique (2,3% sur 2019), 1,8% par tête. Il y a eu des mesures budgétaires pour le soutenir et aussi l'inflation reste contenue" a expliqué l'Insee. (Crédits : Philippe Wojazer)

Brexit, escalade de la guerre commerciale et technologique, risques de récession en Allemagne... les signes d'inquiétude se multiplient pour l'économie mondiale. En dépit de tous ces aléas, l'économie française semble, pour l'instant, résister aux soubresauts et tensions planétaires. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée ce jeudi 3 octobre, la croissance du produit intérieur brut (PIB) atteindrait 1,3% en 2019 contre 1,7% en 2018 et 2,4% en 2017. Les statisticiens n'ont pas dégradé leurs prévisions par rapport à celles de l'été dernier mais restent préoccupés par la détérioration de la conjoncture mondiale.

"Au niveau international, les nuages s'amoncellent. Les tensions protectionnistes se concrétisent avec les droits de douane, l'issue des négociations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis reste très incertaine, tout comme la date et les modalités du Brexit. À cela s'ajoutent des interrogations sur l'orientation des politiques économiques dans beaucoup de pays. Tous les principaux partenaires économiques de la France font face à des incertitudes politiques et/ou économiques grandissantes. En zone euro, l'Allemagne s'interroge sur sa politique économique, l'Espagne va vers des élections en novembre, en Belgique le gouvernement fédéral issu des élections de mai n'est toujours pas constitué. Outre-Atlantique, la politique monétaire fait débat et les tensions s'aiguisent avant la présidentielle", a résumé, le chef du département de la conjoncture à l'Insee, Julien Pouget.

La demande intérieure toujours robuste

Les moteurs classiques de l'économie tricolore se portent relativement bien. La contribution de la demande intérieure à la valeur ajoutée reste largement positive (1,5 point). Les dépenses de consommation des ménages devraient progresser de 1,1% en 2019 contre 0,9% en 2018 et 1,6% en 2017. "C'est surtout la demande intérieure qui permet à la croissance française de résister. L'investissement privé a certes ralenti mais il continue de bénéficier de taux d'intérêt très bas", a ajouté l'économiste.

Du côté des investissements, le rythme se maintient au même niveau qu'en 2018 (à 2,8%) après avoir connu un pic exceptionnel en 2017. Dans le détail, ce sont surtout les administrations publiques qui ont investi en 2019 avec une hausse de 3,8% contre 2,4% en 2018 et 0,5% en 2017. Cette soudaine augmentation peut s'expliquer, entre autres, par l'approche des élections municipales qui dopent généralement l'investissement public dans les collectivités locales.

Chez les ménages, les niveaux d'investissement sont beaucoup moins favorables avec 1,1% en 2019 contre 2% en 2018 et 6,6% en 2017. "Le dynamisme des transactions immobilières, générant de l'investissement en services, compenserait la relative faiblesse des mises en chantier passées de logements", explique l'organisme basé à Montrouge.

Pour les entreprises non financières, le coup de frein est moins brutal sur la même période passant de 5% à 3,3%. "En effet, le taux d'utilisation des capacités de production dans l'industrie décroît après son sommet de début 2018, tout comme les tensions sur l'offre. Symétriquement, les entrepreneurs signalent depuis 2019 le retour des difficultés de demande qui étaient devenues moins prépondérantes les années passées", indiquent les conjoncturistes.

Une épargne en hausse malgré un retour de la confiance

Après avoir plongé à la fin de l'année 2018 en plein cœur de la crise des "gilets jaunes", la confiance des ménages s'est fortement redressée pour retrouver son niveau de 2017. L'examen des taux d'épargne des Français indique encore un pic à attendre pour la fin de l'année 2019 à 15,3% au même niveau qu'à la fin du mois de décembre 2018. Après avoir reculé entre le second et le troisième trimestre, le ratio d'épargne des ménages français a de nouveau grimpé. C'est l'un des paradoxes que les économistes ont du mal à expliquer et qui est loin de favoriser l'activité tricolore.

Le commerce extérieur a un impact nul sur la croissance

Longtemps resté un point noir de l'économie française, le commerce extérieur ne devrait pas peser sur la croissance cette année. Sa contribution au produit intérieur brut hexagonal est en effet nulle alors qu'il plombe souvent les résultats de l'économie tricolore. Les économistes de l'Insee s'attendent à d'importantes livraisons aéronautiques et navales en fin d'année pour soutenir le commerce extérieur. "En ce qui concerne la demande extérieure, les exportations françaises ne semblent pas trop affectées par le ralentissement du commerce mondial. On s'attend à des exportations dynamiques au dernier trimestre portées par d'importantes livraisons d'avions et d'un paquebot", a signalé Julien Pouget. En revanche, les perspectives sont loin d'être réjouissantes pour le commerce mondial. L'OMC a divisé par deux ses projections de croissance des échanges internationaux pour 2019.

> Lire aussi : L'OMC prévoit un effondrement des échanges mondiaux pour 2019

Accélération du pouvoir d'achat

Le pouvoir d'achat devrait également accélérer en fin d'année selon les économistes de l'institut public. Les différentes mesures décidées par le président Emmanuel Macron à la suite du mouvement des "gilets jaunes", continuent de gonfler le porte-monnaie des Français. Au cours du premier semestre, le renforcement de la prime d'activité, la défiscalisation et l'exonération des cotisations sociales pour les heures supplémentaires, l'allègement de la contribution sociale générale (CSG) ont permis de répondre en partie à l'attente de certains ménages.

Pour le second semestre, la seconde vague de baisse de la taxe d'habitation devrait accélérer le revenu des ménages concernés. "Le pouvoir d'achat du revenu des ménages progresserait de 2,3% en 2019 (soit 1,8% par unité de consommation), nettement plus qu'en 2018 (+1,2%, soit 0,7% par unité de consommation)". Malgré tout cet arsenal, la consommation des Français n'a pas augmenté en proportion, reflétant un attentisme qui se prolonge.

Outre cette batterie de dispositifs, l'évolution modérée de l'indice des prix à la consommation continue de favoriser le pouvoir d'achat des Français. Il devrait progresser de 1,1% en 2019 (glissement annuel au dernier mois du trimestre) contre 1,8% en 2018 et 1% en 2017. Les récentes attaques contre des infrastructures pétrolières en Arabie Saoudite n'ont pas provoqué de flambée durable des prix du pétrole malgré les craintes d'un embrasement dans la région. De son côté, l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire hors prix de l'énergie et du tabac, ralentit à 0,7% en 2019 contre 0,8% en 2018 et 0,5% en 2017. "Les prix augmentent moins vite que les salaires en France", a rappelé Frédéric Tallet de l'Insee.

Le taux de chômage en baisse

Le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT), passant de 8,9% en 2017 à 8,8% en 2018, pourrait atteindre 8,3% en 2019. Cette baisse s'explique en grande partie par des créations d'emplois dynamiques. Ainsi, l'économie française devrait créer 264.000 emplois cette année, contre 183.000 en 2018 et 343.000 en 2017. Malgré un coup de frein de l'activité entre 2018 et 2019, la croissance reste relativement riche en emplois.

Dans le détail, "la croissance de l'emploi total (+166.000) a été particulièrement vive, l'emploi salarié dans les services hors intérim et la construction contribuant notablement à la hausse. Ce dynamisme s'atténuerait un peu au second semestre (+98 000 emplois). Cette année, les emplois aidés ne pèseraient quasiment plus sur l'évolution d'ensemble, contrairement à 2018".

La zone euro patine

Les tensions perdurent en zone euro. L'industrie allemande continue de souffrir de la récession enregistrée en fin d'année 2018. Cette situation, qui est en train de se prolonger, pourrait à nouveau plomber les performances de l'économie outre-Rhin (0,6% de croissance du PIB prévu en 2019). En Italie, les résultats économiques restent décevants avec seulement 0,1% de croissance attendue en 2019. Enfin, en Espagne, le taux de croissance devrait marquer le pas pour passer de 2,4% en 2018 à 2,1% en 2019.

"Ce contexte d'incertitude croissante peut générer de l'attentisme en matière d'investissement des entreprises. Le commerce mondial ralentit. La Chine en souffre directement. La production industrielle est affectée dans certains pays comme l'Allemagne. L'investissement est parfois gelée comme au Royaume-Uni dans le contexte pre-Brexit. Nos prévisions sont revues à la baisse pour la plupart des partenaires économiques de la France. La croissance de la zone euro serait de 0,2% par trimestre, soit en moyenne 1,2% en 2019 contre 1,9% l'année dernière".

Le principal aléa demeure le Brexit en Europe. L'instabilité de la situation politique au Royaume-Uni a plongé de nombreux investisseurs et chefs d'entreprise dans une situation chaotique. "S'il s'avérait brutal et non négocié, il pourrait affecter plus sévèrement l'activité, à la fois britannique et européenne, via les processus de production comme via les comportements des agents", affirment les statisticiens.

> Lire aussi : L'économie française patine, la zone euro atone

Grégoire Normand
Commentaires 8
à écrit le 05/10/2019 à 17:16
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Evidement que les créations d'emplois (suite logique des investissements en augmentation dans la R&D, les usines, la 5G et les infrastructures logistiques et transports, du suramortissement, du booster Bpifrance, de l’accélération dans la digitalisat...

à écrit le 04/10/2019 à 9:15
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C'est l un des avantages d avoir une économie à l l'arret, on ne peut pas aller moins vite :-) Plus sérieusement, l Allemagne n'a pas su régler ses difficultés et a tirer une assurance exagérée d une croissance qu elle doit a l Europe. De plus ses ...

à écrit le 04/10/2019 à 8:48
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À l 'époque d'internet et des millions d'informations dont nous disposons ces sondages imbuvables dans lesquels on fait dire ce que l'on veut aux chiffres sont obsolètes, un ancien réflexe oligarchique, une information préhistorique.

à écrit le 04/10/2019 à 8:23
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Nous pourrions dire bravo si avec cette croissance la dette baissait mais non la dette augmente et dure sera la chute !!!!! ex combien va encore couter les deux jours de vagabondage électoral de MR MACRON

le 04/10/2019 à 11:14
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La dette rapporte puisque les taux sont négatifs.Chaque jour la France s'endette pour s'enrichir.Alors soyez objectif!

à écrit le 04/10/2019 à 8:04
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E, France, il fait toujours beau quand il pleut ailleurs. Comment expliquer, alors, la morosité générale et la dégradation de l'état économique et social du pays? Comme d'habitude, on améliore la situation en faisant appel à la dette; sur ce plan, no...

à écrit le 04/10/2019 à 7:46
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Le pessimisme natif des Français aura raison des meilleures performances économiques du pays. Une preuve? Le taux d'épargne n'a jamais été aussi élevé. Maman bobo ne mettons pas le nez dehors, tels sont mes concitoyens!

à écrit le 03/10/2019 à 21:34
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UN p'tit côté fumée noire

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