François Bayrou et le retour en grâce du Plan, sans la planification

La France possède une longue tradition en matière d'économie administrée par l'État. Du général de Gaulle à Nicolas Sarkozy, en passant par le celui qu'Emmanuel Macron vient de nommer "Haut commissaire au plan" pour la relance face au Covid-19, le dirigisme à la française, organisé par des administrations pléthoriques, a su traverser les époques.
(Crédits : POOL New)

Le Haut-commissariat au plan, dont François Bayrou prend la direction ce jeudi, n'aura qu'un lointain rapport avec son prestigieux ancêtre, artisan de la modernisation de la France à une époque où c'était l'Etat qui commandait aux entreprises, et non l'inverse.

Dans la France de l'après-Seconde guerre mondiale, "c'est à l'État, aujourd'hui comme toujours, qu'il incombe de bâtir la puissance nationale, laquelle, maintenant, dépend de l'économie", déclare le général de Gaulle en 1945 pour justifier les futures nationalisations. Lesquelles répondent aussi à la volonté de sanctionner le patronat, compromis dans la Collaboration.

Mais si l'idée même d'une planification économique semble saugrenue à l'heure de la fragmentation extrême des chaînes de valeur, le Commissariat général du Plan (CGP) peut au moins renouer avec sa vocation ultérieure, celle de "ré-éclairer l'action publique d'une vision de long terme", selon l'objectif que lui a fixé le Premier ministre Jean Castex.

Lire aussi : Relance: Castex fixe l'objectif de 160.000 emplois créés en 2021, les principales mesures du plan détaillées

Un "système fermé, piloté par des élites fermées"

A l'origine, la mission du CGP est de définir les priorités économiques et concentrer les moyens de l'État sur quelques secteurs clés. C'est lui qui valide les projets d'investissement des grandes entreprises publiques et qui juge si les demandes de subventions adressées à l'État sont conformes aux objectifs du plan.

Le principe de "ce colbertisme high-tech" dont les maîtres mots sont "autonomie technologique" et "indépendance stratégique" : "les laboratoires publics transféraient les résultats de leur recherche à des entreprises publiques (Thomson, Alcatel), lesquelles se voyaient garantir la commande publique dans le cadre de grands plans d'équipement du territoire", explique l'économiste Elie Cohen.

Un "système fermé, piloté par des élites fermées" (issues des corps des Mines, des Ponts ou de l'Inspection des finances) qui a donné Ariane, Airbus, le TGV, le Minitel, le Mirage ou le Rafale... et quelques ratés (Bull).

Mais "tout ça, c'était avant le marché unique et l'OMC (Organisation mondiale du Commerce). Avant la mondialisation", rappelle M. Cohen.

A partir des années 1960, le CGP devient un lieu de concertation avec les partenaires sociaux où l'on discute de la manière de partager au mieux les fruits de la croissance.

Une vocation qui s'étiole en même temps que la croissance, à compter du choc pétrolier de 1973. Son acte de décès est signé en 2005 et seule la dimension prospective subsiste dans ce qui prend le nom de France Stratégie.

2020, la fin du marché libre

La crise du Covid-19, en révélant l'impuissance de l'Etat, agit comme un électrochoc. "Nous sortons d'une période où le marché devait être totalement libre, et l'Etat le plus discret possible. Cette période est finie", commentait mercredi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, en présentant à la presse les grandes lignes du plan de relance.

Si l'Etat retrouve un rôle de premier plan, c'est Bercy qui est à la manœuvre. Ainsi, le CGP renaît de ses cendres le jour-même où est annoncé, relève Elie Cohen, "un plan de 100 milliards d'investissement à l'horizon 2030, dont la responsabilité politique et opérationnelle est confiée au ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, et qui dispose de la meilleure administration française, à savoir l'administration des Finances".

Dans cette perspective, "que voulez-vous que M. Bayrou fasse avec les quelques équipes sympathiques de prospectivistes qui sont réunies du côté de la rue de Martignac?".

Jusqu'à 3.000 personnes travaillaient au Plan

Henri Guaino, qui fut Commissaire au plan entre 1995 et 1998, se satisferait pour sa part que ce qui est devenu une simple "cellule d'expertise" redevienne un "creuset", un lieu où les "forces vives" de la nation, syndicats, chercheurs, fonctionnaires, politiques, se retrouvent pour "donner une vision d'ensemble et dans le temps".

Nostalgique d'une institution où "tout le monde venait, participait sans jeu de rôles", et qui fit travailler jusqu'à 3.000 personnes, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy juge que "c'est tout de même mieux que les commissions de citoyens tirées au sort!".

M. Guaino y voit aussi une instance où repenser le rôle des entreprises françaises dans le cadre de l'Etat-nation. "Parce qu'à la fin, le critère c'est: est-ce que ça accroît la prospérité de ce machin qu'on appelle la France?".

Lire aussi : Les principales réactions au plan de relance présenté ce jeudi

Commentaires 13
à écrit le 06/09/2020 à 12:44
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Le modem ? Complètement aveuglé, slalom entre la gauche et le LREM sans avoir le courage d’être «  des démocrates qui tapent sur la table «  en disant STOP aux dérapages. Pas d’opposition sérieuse et correcte qui œuvre pour les intérêts des populati...

à écrit le 03/09/2020 à 21:29
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he les gars, j'ai plein d'idees! si la france planifiee menait de grands projets envies par le reste de l'univers? je sais pas, moi, construire un avion supersonique genre concorde ou creer un truc planifie dans le nucleaire? une centrale epr, tie...

à écrit le 03/09/2020 à 19:05
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Ferrand mis examen Bayrou mis en examen la république en marche fait honte à la france .......................tout ces haut fonctionnaires ont paye avec nos impôts à rien faire .augmentation du smic et des petites retraites .vivre avec 1000 euros se...

à écrit le 03/09/2020 à 18:41
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Toute cette élection prétendûment nouveau monde pour en arriver là ! C'est pathétique. Et si encore il n'y avait que ça! Même pas.

à écrit le 03/09/2020 à 17:02
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Comment François Bayrou justifie sa nomination malgré sa mise en examen "Par chance, je ne suis pas dans l’exécutif. Ce n’est pas un poste de ministre”, a argué le maire de Pau." Effectivement quelle chance . "J'ai choisi d'exercer cette fonction...

le 04/09/2020 à 9:18
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Ça fait encore plus peur quand ce qu'ils gagnent on ne peut pas le voir.

à écrit le 03/09/2020 à 15:42
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C'est sur avec un Bayrou , vieux briscard de la politique et qui n'a aucune experience de l'entreprise, on a l'homme de la situation.... Si ce n'était pas comique on en pleurerait

le 03/09/2020 à 16:33
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Triste en effet . Notre pays aurait eu besoin d'un jeune entrepreneur dynamique de quarante ans max et non d'un vieux de bientot 70 ans qui n'a jamais créé de richesse pour le pays .

à écrit le 03/09/2020 à 15:23
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Un plan sans planification, sans vision, sans indicateur objectif: autant dire une vessie pour une lanterne. La France déclinante pourra continuer ainsi à vivre l'illusion de sa grandeur.

à écrit le 03/09/2020 à 14:06
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Le gouvernement réformateur fait appel au monde d'avant responsable de la situation de notre pays pour créer le monde d'après. C'est comme si on souhaitait qu'un nouveau cyclone vienne balayer les dégâts du cyclone précédant.

à écrit le 03/09/2020 à 11:59
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ce n'est pas du dirigisme, aujourd'hui. c'est du partenariat public-privé. le modèle français marche pas mal. l'Hexagone est le pays le plus équilibré/vertueux (investissement public/privé, compétences/R&D, entrepreneuriat, fécondité, santé/soins, ...

à écrit le 03/09/2020 à 11:16
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Voici la 3e arnaque de l'ère Macron : un commissariat au plan, dénué de vision, dont l'unique objectif est de vendre les bijoux de famille aux banques et fonds etrangers (tant qu'à faire) au nom de la finance mondialisée. Avec un deuxième apprenti d...

à écrit le 03/09/2020 à 10:58
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Où, vu l'état de notre "démocratie", plutôt un salaire fictif et une volonté de faire croire que c'est le politique qui influerait encore sur l'économie tandis que l'actualité nous hurle un peu plus tous les jours que ceux qui décident de tout sont l...

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