Guerre en Ukraine : le médiateur des entreprises tire la sonnette d'alarme

Le médiateur des entreprises redoute une recrudescence des tensions entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants en raison de la guerre en Ukraine. Après deux années d'activité intense, le niveau de sollicitation et de médiation demeure particulièrement soutenu révèle le dernier bilan d'activité 2021 dévoilé ce 15 mars.
Grégoire Normand
Même s'il n'a pas pu apporter de chiffres précis depuis le début du conflit, le médiateur des entreprises s'attend à être fortement sollicité.
Même s'il n'a pas pu apporter de chiffres précis depuis le début du conflit, le médiateur des entreprises s'attend à être fortement sollicité. (Crédits : Reuters)

Les tempêtes continuent de faire tanguer le paquebot Bercy. Après deux longues années de vagues épidémiques à répétition, l'invasion de la Russie en Ukraine le 24 février dernier risque de dégrader les relations entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants en France. Plus de deux semaines après le début de la guerre, la plupart des économistes tablent sur un fort ralentissement de l'économie tricolore en 2022 et des coûts économiques colossaux pour certains secteurs en première ligne dans ce conflit aux portes de l'Europe. « Le choc sans compensation correspond à une perte de 5 à 6 points de PIB sur l'année 2022 », a prévenu l'économiste et conseiller de la banque Natixis, Patrick Artus, lors d'une récente réunion avec des journalistes.

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Dans ce contexte troublé, le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet s'attend à une recrudescence de l'activité pour ses équipes. « Début 2021, on avait l'impression que la sortie de crise approchait. Les tensions ont rapidement réapparu au moment de la reprise. Je crois que la situation ne va pas s'arranger [...] le contexte géopolitique a des conséquences économiques. Les comités de crise mis en place pendant la pandémie vont perdurer», a-t-il déclaré lors d'un point presse ce mardi 15 mars à l'occasion de la présentation du bilan 2021 de la médiation. Dans un dossier intitulé d'une "crise à l'autre", le médiateur revient en détail sur les douze premières années d'activité d'un service né en pleine crise économique. Face aux répercussions de la guerre, le Premier ministre Jean Castex doit présenter cette semaine un plan de résilience économique et social particulièrement attendu dans les filières affectées.

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35 grands groupes en première ligne et des risques en cascade pour les sous-traitants

Il est encore difficile d'évaluer les répercussions d'un tel conflit sur l'économie tricolore. Les économistes interrogés récemment par La Tribune mettent en garde sur un possible prolongement de cette bataille qui aurait des conséquences désastreuses pour certaines filières. Invité lors du point presse à Bercy, le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, François Asselin, a tiré la sonnette d'alarme. « Avec la crise ukrainienne, 35 grands groupes tricolores sont directement exposés. J'ai demandé au ministre de l'Economie et des finances Bruno Le Maire de bien regarder les filières. Quand un grand groupe fait appel à Bercy, il est nécessaire de bien regarder les sous-traitants et fournisseurs », a déclaré le représentant du patronat. L'une des grandes difficultés exprimée par les pouvoirs publics et les différents membres du gouvernement depuis deux semaines est de bien identifier les acteurs les plus vulnérables.

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« D'après les premières remontées de terrain, les entreprises les plus affectées sont celles implantées là-bas et les fournisseurs, les entreprises fortement dépendantes de l'énergie. Le marché des matières premières est extrêmement tendu », a tenté de résumer Pierre Pelouzet qui s'attend à être fortement sollicité dans les prochaines semaines. « Pour l'instant, les entreprises tiennent sur les stocks et on ne ressent que les frémissements », assure celui qui a traversé plusieurs secousses avec ses équipes depuis le premier confinement en mars 2020. Parmi les secteurs les plus exposés, figure le bâtiment. Olivier Salleron, président de la fédération française du bâtiment (FFB) a souligné que le « bâtiment avait pris trois lames depuis 2020. La première correspond à la chute de l'activité pendant la pandémie. La seconde est liée à la désorganisation des chaînes d'approvisionnement pendant la reprise. La troisième, liée à la guerre, peut être destructrice d'entreprises et d'emploi ». Les difficultés d'approvisionnement en matériaux de construction pourraient bien encore perturber l'avancement des chantiers et les livraisons de bâtiment.

Un niveau de médiation encore bien supérieur à son niveau d'avant crise

Les deux dernières années ont été particulièrement soutenues à Bercy. « Avec la crise du covid, l'activité de la médiation a été fortement impactée. Ce sont souvent les TPE et les PME qui nous ont sollicité, notamment dans l'hôtellerie, la restauration ou le bâtiment [...] Notre rôle a été de renforcer la solidarité. L'objectif a été de traiter les comportements anormaux et de valoriser les comportements vertueux », a indiqué Nicolas Mohr, directeur général du médiateur des entreprises. Plus de 5.200 sollicitations et demandes de médiations ont été adressées au médiateur des entreprises en 2021 contre 9.600 en 2020 et 2.342 en 2019. « On est encore loin de retrouver le niveau d'avant-crise », a rappelé Pierre Pelouzet. Face aux difficultés d'approvisionnement dans le bâtiment, un comité de crise spécifique a été mis en place.

En outre, le comité de crise sur les délais de paiement a connu un élargissement de ses prérogatives aux sujets de tensions sur les approvisionnements. « La mise en place du comité de crise sur les délais de paiement a permis de contenir certaines dérives [..] Là encore, on est loin de retrouver les niveaux antérieurs à la pandémie », a conclu le fonctionnaire qui s'attend à un allongement des délais dans les semaines à venir.  Deux ans jour pour jour après le début du premier confinement, la perspective d'une guerre interminable pourrait encore mettre ses équipes à rude épreuve.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 16/03/2022 à 8:45
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Nos gouvernants n'auraient pas prévu le choc en retour des sanctions US (euh pardon de l'UE!) contre la Russie? Je ne peux y croire!

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