À cinq mois de l'élection présidentielle, les propositions du conseil d'analyse économique pourraient faire des vagues. Dans une note dévoilée ce mardi 9 novembre, les économistes du centre de recherches rattaché à Matignon explique que l'immigration du travail "est un facteur de croissance, et ce d'autant plus que les immigrés sont qualifiés, apportent des compétences nouvelles et viennent d'origines diverses". Après plus d'un an de travail, les économistes veulent tordre le coup à certaines idées reçues.
"L'immigration qualifiée est une source de prospérité. Ce sujet est très mal appréhendé dans le débat public. Ce sont surtout sous l'angle identitaire et sécuritaire. Sans surprise, 56% des Français estiment que l'immigration a un impact négatif sur l'économie" a regretté Emmanuelle Auriol, économiste à l'école d'économie de Toulouse (TSE) lors d'un point presse.
La France en queue de peloton pour attirer les talents
Les gouvernements successifs se targuent régulièrement de l'attractivité de la France. En matière d'investissements étrangers, l'économie tricolore serait parmi les pays européens les plus attractifs selon les classements annuels établis par l'agence Business France, même si la pandémie a mis à mal cette position. En revanche, l'Hexagone n'attire pas vraiment d'immigration qualifiée. "Ce qui caractérise la France est le faible niveau de qualification de l'immigration par rapport à d'autres pays. L'immigration est également peu diversifiée. L'immigration est d'abord de droit. Elle est plus souvent familiale, étudiante ou humanitaire. En revanche, l'immigration économique est dérisoire. L'immigration est faible en volume par rapport aux autres pays de l'OCDE" a affirmé l'économiste.
La France "souffre d'un déficit d'attractivité" poursuivent les chercheurs. Sur la dernière décennie, la contribution des immigrés à la hausse du volume des travailleurs qualifiés n'a été que de 3,5% en France contre 10% au Royaume-Uni, en Australie ou au Canada, et de près de 7% aux États-Unis et en Suède. "Les immigrés ne sont pas représentatifs de leur population d'origine. Ils sont plus souvent qualifiés que le reste de la population et ont une aptitude au risque dans certains domaines. Il y a une surreprésentation des immigrés dans les entrepreneurs et les innovateurs dans certains pays comme les Etats-Unis ou le Canada. C'est un premier bienfait dont la France se prive" a ajouté l'économiste Hillel Rapoport de l'économie de Paris et du CEPII (centre d'études prospectives et d'information internationales).
Mettre en place un système de à points
Face à ce constat, les membres du conseil d'analyse économique présidé par l'économiste Philippe Martin recommandent de repenser en profondeur la politique migratoire en France. Parmi les propositions figure une réforme de fond sur un système par points qui s'applique déjà au Canada ou en Australie. Ce système a le mérite d'être "transparent, équitable et efficace", mais aussi "souple" sur les critères privilégiés dans le profil des candidats à l'immigration. "La France a un souci d'attractivité pour les immigrations qualifiées. La mise en place d'un système à point pour les visas serait très utile pour la France avec une pondération en fonction de critères" a indiqué Emmanuelle Auriol. Les critères retenus pourraient être le niveau d'étude, l'expérience, ou encore les compétences linguistiques.
Faciliter la transition entre les études et l'emploi
L'un des autres freins à l'immigration qualifiée en France est le manque de passerelles entre la fin des études et le marché du travail. Certains diplômés très qualifiés arrivent à obtenir des visas pour rester sur le territoire. Mais les critères des visas sont jugés "restrictifs" par le conseil d'analyse économique. "La plupart des jeunes diplômés peinent en France à intégrer le marché du travail à un niveau de responsabilité qui corresponde à leur diplôme. Il leur faut quelques années d'expérience pour pouvoir atteindre des postes en adéquation avec leur niveau d'étude" expliquent les économistes.
Ils recommandent ainsi "d'étendre l'octroi d'un titre de séjour à l'issue des études, notamment des très qualifiés, sans y adjoindre des critères de salaire minimum, ni d'adéquation du travail aux qualifications." En incitant ces immigrés qualifiés à rester sur le territoire, l'économie française pourrait sortir renforcée dans les années à venir. "Un des grands déterminants de la croissance à long terme est la productivité et l'insertion dans l'économie mondiale. Les immigrés forment des réseaux économiques, scientifiques. Beaucoup d'études ont montré l'impact positif de l'immigration qualifié sur le commerce mondial. Elle permet de s'ancrer sur les locomotives de la croissance mondiale" a déclaré Hillel Rapoport.