« Malgré un démarrage du projet en 2017, il n'y aura pas d'ouverture avant 2027 au plus tôt. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre dix ans pour que nos projets industriels aboutissent, lorsque nos concurrents allemands mettent deux ans à construire une usine. »
Trois jours après une nouvelle manifestation de 500 personnes, samedi 5 novembre à Liffré près de Rennes (Ille-et-Vilaine), Louis Le Duff est sorti de son habituelle réserve pour dénoncer, lors d'une conférence de presse, le combat « politique et idéologique » en Bretagne qui bloque depuis plusieurs années le démarrage de son usine Bridor.
Le président fondateur du Groupe Le Duff (Bridor, Del Arte, Brioche Dorée), qui affiche plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires (mais presque 3 milliards estimés avec les dernières acquisitions) et emploie 30.000 salariés dans le monde (le groupe est présent dans 100 pays), a choisi, mardi 8 novembre, de mettre la pression sur les élus.
À Liffré, petite commune marquée par la fermeture en 2016 de l'abattoir SVA Jean-Rozé et de l'équipementier automobile Delphi (400 emplois directs perdus au total), le groupe, dont le siège est à Rennes, envisage de construire un site « ultra-moderne » de production de viennoiserie et de pain pour l'exportation et d'y créer 500 emplois directs.
L'usine devait ouvrir fin 2021 après deux ans de travaux, mais les procédures multiples ne permettent pas au d'envisager l'obtention du permis de construire avant 2025, soit, après deux ans de construction, une ouverture en 2027... si les opposants n'exercent pas leur droit de recours.
Appelant au passage à un soutien de Jean-Yves Le Drian, ancien président de la Région, Louis Le Duff a dévoilé l'investissement de Bridor dans trois projets complémentaires aux États-Unis, au Portugal et en Allemagne afin d'assurer sa croissance mondiale.
3.000 emplois créés à l'étranger et moins d'export depuis la Bretagne
« Pour répondre aux besoins du marché américain dans le pain et la viennoiserie, nous avons acheté en juin une usine dans le Connecticut et avons doublé la capacité de Bridor Montréal. En conséquence, l'export depuis la Bretagne diminuera », fait valoir l'industriel, dans ce qui ressemble un peu à un chantage.
Afin de répondre aussi à la croissance européenne, la marque aux 50.000 clients dans le monde (supermarchés premium, restaurants et hôtels 4 et 5 étoiles), a aussi acheté au Portugal une usine de pain et de viennoiserie « de la même taille que le projet de Liffré ». Elle est dédiée aux marchés d'Europe du Sud, du pourtour méditerranéen, d'Afrique et d'Amérique du Sud. En Allemagne, Bridor construit une usine de production de pain dans les environs de Düsseldorff.
L'ensemble de ces trois sites représente la création de 3.000 emplois, dont près de 1.800 emplois directs et 1.200 emplois indirects.
« La France se désindustrialise. Je rejoins l'avis de l'ancien ministre Pierre Moscovici, qui rappelait récemment qu'une industrie qui décroche, c'est un pays qui se déclasse » s'agace Louis Le Duff.
Alors que le projet d'usine est soutenu par Loïg Chesnais-Girard, actuel président PS de la Région Bretagne et ancien maire de Liffré, le patron de Bridor met nommément en cause l'opposition frontale menée par deux personnalités régionales : d'un côté, Thierry Burlot, candidat malheureux aux élections régionales de Bretagne soutenu par LREM et actuel président du comité de bassin à l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, et de l'autre, l'élue régionale EEVL Claire Desmares-Poirrier.
190.000 m3 d'eau potable et 75.000 m3 de rejets et effluents par an
La future usine est notamment contestée parce que sa construction conduirait à l'artificialisation d'une parcelle de 12 hectares, à une consommation d'eau de près de 190.000 mètres cubes par an et à 75.000 mètres cubes de rejets annuels.
Les opposants critiquent aussi le permis de construire et la modification faite du plan local d'urbanisme (PLU). L'inter-organisation espère enclencher un projet alternatif à celui de Bridor, « fondé sur des installations paysannes en circuit-court ».
Pour l'heure, Bridor ne remet pas définitivement en cause son projet, mais Louis Le Duff s'inquiète des menaces de création d'une zone à défendre (ZAD).
Faisant aussi valoir la fibre sociale de son groupe, Louis Le Duff a conclu son intervention auprès de la presse en indiquant que son groupe doit pouvoir continuer à se développer sereinement pour répondre à la demande.
« Beaucoup de nos salariés sont là depuis 20 ou 30 ans et m'ont aidé à construire cette entreprise en bénéficiant de la promotion interne et de l'ascenseur social à mes côtés » a-t-il ajouté.