« Je serai un président du Medef plus offensif et plus collectif » (Patrick Martin, candidat à la présidence du Medef)

Patrick Martin est le favori pour remplacer Geoffroy Roux de Bézieux à la présidence du Medef, lors de l'élection du 6 juillet prochain. Le bras droit du président sortant aborde la dernière ligne droite de cette campagne avec sérénité. Face à sa compétitrice, Dominique Carlac'h, il assume la continuité avec Geoffroy Roux de Bézieux, mais souhaite toutefois incarner un président du Medef plus offensif et plus collectif. Il milite pour que les partenaires sociaux retrouvent une place de choix dans le débat, prône moins de réglementation notamment environnementale sur les entreprises, fait de la croissance la pierre angulaire de son programme et propose que les excédents de l'Unédic servent à baisser les charges, notamment sur les salaires plus de deux fois supérieurs au SMIC....
Patrick Martin.
Patrick Martin. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Comment se passe votre campagne pour la succession de Geoffroy Roux de Bézieux ?

PATRICK MARTIN - C'est une campagne très intense comme je les aime. Je reçois les soutiens des adhérents à un rythme très soutenu : les derniers en date, le Syntec, le Conseil du Commerce de France, Prism'Emploi mais de très nombreux Medef territoriaux, dont récemment le Medef Paris et le Medef Sud, et cela me porte.

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Il n'y a plus vraiment de suspense... Vous êtes largement favori.

Je suis tous les jours sur le terrain, de Lille à Marseille en passant par Rennes ou Dijon. Je ferai campagne jusqu'au bout car je respecte la candidature de Dominique Carlac'h. J'entends dire ici et là que ce n'est pas parce que les têtes d'organisations se sont prononcées - dans les territoires ou les fédérations-, que leurs électeurs voteront dans le même sens. C'est un peu spécieux. Toutes ces organisations ont procédé démocratiquement et auditionné les candidats. Mais je respecte trop les électeurs, et aussi la campagne de Dominique Carlac'h pour croire qu'une élection est jouée d'avance. Beaucoup d'adhérents me disent qu'il faut un vote tranché.

Pour les partisans de Dominique Carlac'h, il y a aussi l'idée qu'il faut une femme à la tête du Medef, comme il y a deux femmes à la tête des deux principaux syndicats... Ce serait une image plus moderne du patronat ?

Ce peut être un axe de campagne, mais l'argument du genre me paraît contestable et réducteur. Il y a déjà eu une présidente femme au Medef. Beaucoup de femmes disent d'ailleurs, que ce qui compte, c'est d'être capable. Je ne suis pas là dans le commentaire, je suis dans l'action.

Il se joue en ce moment, une vraie compétition. A la loyale. Dominique Carlac'h mène la sienne. Après, on ne peut pas me reprocher que la métallurgie, le bâtiment, l'intérim, les établissements thermaux, me soutiennent... Tout comme le Medef Ariège, Auvergne-Rhône-Alpes ou les Medef ultra-marins...

Dominique Carlac'h a eu les ralliements de Pierre Brajeux, Olivier Klotz, ou de Guillaume Cariou. Cette diversité pose la question du projet qu'elle porte, de la cohérence... Sont-ils tous sur la même ligne et ont-ils les mêmes valeurs ? Cela dit, nous avons une relation très courtoise, très respectueuse et nous aimons tous les deux la compétition. Que le meilleur gagne...

Imaginons que vous êtes élu le 6 juillet : quel président du Medef voulez-vous être ?

J'assume le bilan de ces 5 années sous la présidence de Geoffroy Roux de Bézieux. Je veux prolonger cette dynamique. Je serai un président plus collectif et plus offensif... Non pas que Geoffroy ne le soit pas, mais nous avons des enjeux urgents à traiter. Par ailleurs, c'est mon ADN de patron d'ETI familiale de l'être. Mon parcours au Medef, c'est l'Interprofessionnel. Je serai le représentant de tout le monde, - pas d'un métier plus que d'un autre. C'est peut-être aussi cela qui séduit dans ma candidature

Le Medef et les entreprises doivent être plus et mieux considérés, nos idées doivent être mieux entendues dans le débat public. C'est pour cela que j'installerai, dès mon élection, une vice-présidence Prospective au Medef. Il y a une forte attente dans nos rangs. Il faut que nous réfléchissions en amont aux effets de l'intelligence artificielle, au climat...Je m'appuierai sur un pôle d'experts.

Denis Kessler vient de nous quitter. Il était la tête pensante du Medef sous la présidence d'Ernest-Antoine Seillière, il avait créé les Universités d'été. Qui sera votre Denis Kessler ?

Son exemple doit être une référence pour nous. C'est dans cette lignée que je veux replacer le Medef au centre du débat d'idées.

L'époque a changé... Les enjeux ne sont pas les mêmes. Il faut s'intéresser à l'impact des nouvelles technologies de l'intelligence artificielle, sur l'organisation des entreprises, sur le travail.

Il faut aussi étudier les effets de la démographie sur le marché de l'emploi, les changements sociétaux... Nous sommes trop souvent dans l'immédiateté, la tactique. Ce n'est pas une critique. Mais, c'est de l'intérêt des entreprises d'être plus prospectif. Parce que les dirigeants, pour l'immense majorité d'entre eux, sont le nez dans le guidon, happés par l'opérationnel - et je le comprends pour être moi-même un entrepreneur

Si je suis élu, je contacterai immédiatement tous les responsables syndicaux pour les inviter à parler de la croissance et du climat et leur nécessaire réconciliation. Il me semble qu'un diagnostic partagé est possible. Je suis convaincu que la plupart des organisations syndicales seront intéressées par un diagnostic partagé. On voit d'ailleurs sur ce sujet, à l'occasion du débat sur la réindustrialisation, un début de conflit entre croissance et climat. Il convient d'aborder ces sujets sans idéologie, de façon concrète et pratique.

Il faut éviter ce qui a été fait dans la loi Climat et Résilience avec le ZAN (zéro artificialisation nette) et les ZFE (Zones à faibles émissions), imposées sans concertation ni étude d'impact. C'est une caricature des débats mal posés... En tant que chef d'entreprise, nous avons une forme de pragmatisme et d'exhaustivité dans nos approches qui fait que l'on doit se faire entendre. Car l'enjeu de la décarbonation se pose à nos entreprises, et que pour le moment, nous sommes loin du compte...

C'est-à-dire ? Vous allez à Bercy et vous demandez des aides ?

Il faut un accompagnement de la transition écologique. Aux Etats-Unis, les Américains ont mis 400 milliards de dollars avec l'IRA. Notre loi « Industrie Verte » ne met pas beaucoup d'argent sur la table, 2 milliards d'euros... Il y a des aides européennes, mais ce n'est pas suffisant !

Le rapport Pisani-Ferry propose un ISF vert... Emmanuel Macron aurait dit à ce propos que cette idée est « un piège à la con ». Et vous ?

Cela ne vous étonnera pas mais, comme pour toute hausse d'impôt, j'y suis totalement opposé. Mais ce rapport a le mérite de poser la question du financement de la transition écologique. Ce sujet est complexe, car le risque, est de braquer des gens qui sont sincèrement conscients du péril climatique... Comment réagiraient-ils si on les empêchait de se loger ou de circuler.... Je ne crois pas à l'écologie punitive.

La seule voie de sortie que j'identifie, c'est la croissance.  Elle ne doit pas être entravée par la réglementation. Or, la Commission européenne est, dans ce domaine, très créative. Il faut d'ailleurs que le Medef soit plus présent à Bruxelles. C'est très déséquilibré : il y a 500 représentants des patronats et des syndicats et 5000 des ONG. Je veux réallouer des ressources et installer une vice-présidence du Medef Europe parce que les sujets européens sont transverses.

Vous voulez, comme Emmanuel Macron, que l'Europe fasse « une pause réglementaire » ?

Rien que pour les entreprises, vous avez le texte sur le devoir de vigilance, celui sur la taxonomie, les critères extra-financiers.... Les chefs d'entreprises sont en risque judiciaire sur des choses sur lesquelles ils n'ont pas toujours prise. Prenez la loi sur le devoir de vigilance. Les entreprises de 250 salariés n'ont pas forcément les moyens d'aller vérifier ce que font les sous-traitants de leurs sous-traitants. Je le vois dans ma propre entreprise.

Je revendique mon côté praticien. Il faut stopper ce délire réglementaire. Dans l'opinion, c'est perçu comme une forme d'évitement, de déni de la part des chefs d'entreprises... mais ce n'est pas ça... L'enjeu est de résoudre l'équation de la croissance propre. Comment aura-t-on des augmentations de salaires, des créations d'emplois, si on s'inscrit dans une trajectoire de décroissance ? Ces dernières années, le déficit s'est creusé à une vitesse stratosphérique, la dette augmente. Mais si l'Unédic dégage des excédents aujourd'hui, c'est bien grâce aux créations d'emplois, donc à la croissance.

Justement, si vous êtes élu, un des premiers textes que vous aurez à suivre sera la loi Plein Emploi ... Comment allez-vous vous positionner ?

Je crains par exemple que la création de France Travail ( en lieu et place de Pôle emploi), ne soit un clone de France Compétences. Sur l'Unédic, nous engagerons la négociation sur la gouvernance. L'Unédic dégage actuellement des excédents. Il ne faut pas que l'Etat en profite. Je propose que les excédents de l'assurance chômage soient redistribués via une baisse des charges sociales. Il faut remettre de la compétitivité sur les salaires supérieurs à deux fois et demi le SMIC. C'est sur ces emplois que nous décrochons par rapport à nos concurrents en termes de compétitivité salariale. Ce sont les salaires des classes moyennes qui ressentent le plus le problème du pouvoir d'achat et qui sont exclus de tous les dispositifs d'aide.

Vous plaidez une baisse des charges sur les classes moyennes et supérieures ?

En France, on a plus de cadres que d'ouvriers. Notre problème de compétitivité salariale n'est plus sur les bas salaires. Or, dans l'économie dite de la connaissance, ce sont les métiers les plus sensibles, les chercheurs, ingénieurs qu'il faut préserver. Les partenaires sociaux ont leur mot à dire sur ce sujet.

 Donc en fait, vous voulez revenir à un paritarisme des origines ?

Dans ce contexte, il me semble que les partenaires sociaux peuvent reprendre la main sur un certain nombre de dossiers. Ce n'est pas forcément la pente naturelle du président de la République. Notre pays souffre terriblement de la déconsidération des corps intermédiaires. Il y a un besoin de médiation, de proximité. Si l'État était meilleur gestionnaire des partenaires sociaux, pourquoi pas ? Mais ce n'est pas le cas. Aussi, avec Frédéric Souillot à FO et Marylise Léon à la CFDT, nous pourrions peut-être nous mettre d'accord pour dire qu'il y a un sujet de compétitivité sur les salaires moyens. Les excédents de l'Unédic peuvent permettre de baisser les charges, d'augmenter les salaires et de retrouver de la compétitivité sur les emplois à forte valeur ajoutée.

Quels sont les autres sujets sur lesquels vous pourriez avancer avec les syndicats ?

Il faut faire une réforme des lycées professionnels et fournir un effort colossal sur la formation. C'est une responsabilité de la Nation mais aussi des entreprises. On ne peut pas dire d'un côté que l'on a les pires difficultés pour recruter et ne pas aller plus loin en matière d'inclusion. Il faut que les entreprises s'impliquent plus dans l'orientation, l'accueil des stagiaires. Le maintien des seniors dans l'emploi aussi. C'est notre responsabilité de chef d'entreprise mais aussi notre intérêt.

Vous serez peut-être le président du Medef qui aura à travailler avec le successeur d'Emmanuel Macron... qui verra peut-être arriver au pouvoir un ou une candidat(e) de l'extrême-droite. Qu'est-ce que vous faites ?

Est-ce que le Medef a à s'exprimer là-dessus ? Je ne le pense pas. Mais, nous n'en sommes pas là. Je rappelle simplement que le Medef est européen, sans naïveté . Le Medef soutient une philosophie économique libérale et souhaite la réduction des dépenses publiques.

Le Medef travaille avec les politiques, de tous bords. Aujourd'hui, le paysage politique est dominé par un exécutif, dont le président de la République, au fonctionnement très vertical et un Parlement au fonctionnement illisible. Je souhaite que la voix des chefs d'entreprises soit entendue dans ce paysage, c'est une urgence. Je m'y emploierai !

Est ce que vous craignez un budget 2024 qui serait moins pro-business?

Je serai vigilant. Je vous le dis : je serai le président du Medef qui inscrira beaucoup plus le poids des entreprises dans le débat public.

Commentaires 4
à écrit le 17/06/2023 à 10:57
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Son discours : On croirait un remake du film «  la zizanie » des années 70 avec Louis de Funès et Annie Girardot …sur un ton chiraquien ….il est déjà has been !!

à écrit le 17/06/2023 à 10:57
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Son discours : On croirait un remake du film «  la zizanie » des années 70 avec Louis de Funès et Annie Girardot …sur un ton chiraquien ….il est déjà has been !!

à écrit le 16/06/2023 à 12:54
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Ah oui, représentant des grandes entreprises pro immigration à tout va sans en assumer les risques sociaux, représentant du maxi profit avec un discours bien ficelé (modération salariale mais celle des profits), représentant des grandes entreprises q...

à écrit le 16/06/2023 à 7:24
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Le discours d'un politicien et oui c'est péjoratif.

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