L'économie française sur le chemin périlleux de la reprise

La croissance de l'activité dans le secteur privé est passée pour la première fois en territoire positif depuis le mois d'août dernier selon les derniers indices PMI. Si certains clignotants passent au vert, les risques qui menacent l'économie française sont encore bien présents.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Après un premier trimestre 2020 poussif, les moteurs de l'économie française redémarrent. Les derniers indicateurs PMI dévoilés ce vendredi 23 avril, très observés dans les milieux économiques et financiers, indiquent que l'activité globale s'est redressée en France dans le secteur privé à 51,7 en avril contre 50 en mars. Il s'agit d'un plus haut de neuf mois. Au dessus du seuil de 50, l'économie française est en expansion. Malgré les mesures de restriction renforcées par le président de la République Emmanuel Macron au début du mois, l'activité retrouve peu à peu le chemin de la croissance. Le gouvernement a confirmé jeudi 22 avril la levée progressive des mesures de restriction et beaucoup de secteurs ont déjà commencé à préparer la reprise.

"Dans cette phase de transition, les mesures de restriction sanitaire seront progressivement levées. La reprise économique pourra redémarrer à plein. Nous attendons un rebond fort de l'économie française d'ici la fin de l'année 2021" a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lors d'un point téléphonique avec des journalistes à l'issue d'une réunion avec les partenaires sociaux jeudi 22 avril. Il reste que de nombreuses difficultés pourraient venir freiner ce rebond économique.

L'industrie se stabilise, les services sortent enfin la tête de l'eau

Sans surprise, l'industrie moins dépendante des mesures de restriction poursuit son accélération. Si l'indice PMI se replie légèrement en avril à 57,6 contre 58,3 en mars, il demeure bien au-dessus de sa moyenne de long terme. Cette tendance est confirmée par le climat des affaires mesuré par l'Insee. Les chefs d'entreprise interrogés au mois d'avril ont fait part de leur optimisme avec un climat des affaires qui gagne 5 points pour retrouver un niveau inédit depuis février 2020 avant le premier confinement. Ce retour de la confiance est marqué notamment par une hausse de la demande et des carnets de commande.

Du côté des services, l'interprétation des indicateurs rendus publics ces derniers jours est plus délicate. Après une année 2020 dramatique, l'indice PMI a pour la première fois dépassé le seuil fatidique des 50 depuis 8 mois pour s'établir à 50,4 contre 48,2 en mars. En revanche, le climat des affaires de l'Insee dans le tertiaire perd un peu de terrain en avril (91,2) par rapport à mars (94,1). Les restrictions dans le commerce ont pu peser sur le moral des dirigeants.

"L'activité dans les services français en avril 2021 a été bien meilleure qu'anticipé, le PMI du secteur atteignant 50,4 contre seulement 45 selon les attentes et après 48,2 en mars. Cette amélioration est surprenante au regard du durcissement des mesures de confinement depuis fin mars. L'accélération de la campagne de vaccination, combinée à l'adaptation des acteurs, semble offrir de bien meilleures perspectives économiques" a expliqué l'économiste de BNP-Paribas Louis Boisset en charge du suivi de la zone euro dans une note.

Avec la réouverture progressive de l'économie dans les prochaines semaines, beaucoup de secteurs bloqués administrativement depuis des mois comme les bars et restaurants devraient pouvoir redémarrer leur activité si la situation sanitaire ne se dégrade pas. Conscient de cette transition cruciale, Bruno Le Maire a insisté sur un redémarrage contrasté.

"Les différences sectorielles sont marquées avec des contrastes importants dans la reprise. L'économie française tourne à 95%. Beaucoup de secteurs se portent bien. Ils ont redémarré vite et fort. C'est notamment le cas de tous les secteurs industriels à l'exception de l'industrie aéronautique et d'une partie de l'industrie automobile. Pour tous les autres secteurs, le redémarrage est fort. Dans d'autres secteurs, le choc a été particulièrement rude dans le tourisme, l'événementiel, les restaurants. Ce qui suppose d'avoir des accompagnements différenciés."

Un niveau de croissance bien inférieur à sa tendance de long terme

Si le gouvernement a maintenu dans son programme de stabilité envoyé à Bruxelles sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) à 5%, la plupart des instituts économiques ont révisé leurs chiffres à la baisse pour l'année 2021. La semaine dernière, les économistes de l'OFCE rappelaient dans leurs dernières perspectives que la croissance du PIB de 5% pourrait masquer des pertes d'activité encore importantes en 2021. La trajectoire de la croissance en 2021 est encore bien inférieure à son niveau d'avant-crise. Et les récessions économiques ont généralement des effets prolongés sur la croissance potentielle d'un pays. L'écart de production entre le produit intérieur brut potentiel et le PIB réel risque de se poursuivre pendant des années si l'issue de la crise sanitaire est encore repoussée.

OFCE Croissance

En outre, il faut rappeler que ce chiffre de 5% masque "un effet de base". Après un plongeon inédit de 8,3% en 2020, la probabilité que le chiffre de la croissance accélère fortement cette année est très importante. Ce phénomène était particulièrement criant au troisième trimestre 2020 au moment de la réouverture de l'économie. Les statisticiens de l'Insee avaient enregistré un bond significatif du PIB supérieur à 18% après un creux d'environ -14% au second trimestre et -6% au premier trimestre.

Des effets de long terme

Il est difficile d'évaluer à ce stade l'ensemble des répercussions de la pandémie sur l'économie française. Beaucoup d'incertitudes demeurent sur la durée de la crise sanitaire et les capacités de rebond dans certains secteurs. Certains économistes redoutent des effets "d'hystérèse" (tel un chômage structurel et durable ndlr) sur le long terme avec de nombreuses faillites et destructions de postes. Au delà des effets conjoncturels, la pandémie risque aussi d'avoir conséquences structurelles sur le tissu productif de l'économie tricolore, notamment dans l'automobile ou l'aéronautique. La pandémie a accéléré certains mouvements comme la transition numérique encore complexe à appréhender.

En outre, si les mesures d'urgence ont permis de maintenir à flots un grand nombre d'entreprises, les administrateurs judiciaires et les tribunaux de commerce s'attendent à une hausse des faillites d'entreprises cette année. Ces fermetures pourraient faire des dégâts considérables sur le marché du travail. Une évaluation menée en fin d'année 2020 par l'économiste de l'OFCE Eric Heyer aboutissait à 175.000 destructions de postes liées aux faillites. Conscient de ces enjeux, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé le prolongement des prêts garantis par l'Etat jusqu'à à la fin de l'année 2021 avec la possibilité de régler les dettes fournisseurs avec cet instrument. "La progressivité et la lisibilité sont nos deux axes de travail. Les entreprises pourront continuer de bénéficier du soutien des pouvoirs publics tant que les règles sanitaires seront encore imposées et la lisibilité doit leur permettre de se projeter" a indiqué le locataire de Bercy. Il a également annoncé une baisse progressive du fonds de solidarité qu'il veut mettre en place "en concertation avec les organisations syndicales et patronales". La fin du "quoi qu'il en coûte" pourrait faire des ravages.

>Lire aussi : Le PGE va rester accessible jusqu'à la fin de l'année

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 25/04/2021 à 12:46
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les francais attendent toujours le plan de relance de m macron et ceux depuis la crise gilet jaune et l'enterrement des cahiers de doleance passe par la case déchiqueteuse des prefectures et remplacer par le tirage au sort d'une liste ecolos pour...

à écrit le 25/04/2021 à 11:56
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Peugeot Renault fermeture pour délocaliser pour la Hongrie ....ext.. Pauvre France avec le soutien de,,,? au bénéfice de' la Chine un fiasco

à écrit le 25/04/2021 à 11:48
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Je ne crois pas à la reprise de l'industrie en France les entreprises Française ont trop de charges sociale par rapport aux autres pays de l'UE .

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