La "réindustrialisation", le thème est porté par la plupart des candidats à la présidentielle. Au salon du Made in France au mois de novembre, les prétendants à l'Elysée se sont bousculés au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris. Il faut dire que le mot "souveraineté" est revenu sur le devant de la scène.
Lors de la présentation de la présidence française de l'Union européenne (PFUE) la semaine dernière, Emmanuel Macron a utilisé les mots "souveraineté" ou "souverain" à 15 reprises dans son allocution de près d'une heure trente devant un parterre de ministres et de journalistes. A quatre mois du premier tour du scrutin, la Cour des comptes a dévoilé dans une note d'une quarantaine de pages ce mardi 14 décembre, une batterie de leviers à activer sur la politique industrielle française.
Des efforts à faire sur la politique de compétitivité hors prix
La compétitivité hors prix de l'économie française souffre encore "de handicaps structurels". Parmi les freins évoqués figurent notamment la recherche et développement qui se traduit insuffisamment en "innovations industrielles", le manque d'attractivité de l'industrie ou encore l'environnement des affaires qui demeure "perfectible". A cela s'ajoute, la critique du niveau de gamme des exportations françaises. "Bien qu'ayant légèrement progressé depuis 20 ans, le niveau de gamme en France reste inférieur à celui des exportations britanniques, allemandes, néerlandaises ou italiennes alors même que les coûts de production dans ces pays ne sont pas nécessairement plus élevés qu'en France", indiquent les juristes.
Si la part des produits haut de gamme et celle de gamme moyenne diminuent régulièrement depuis des années, le poids des produits bas de gamme dans la structure des exportations est repartie en flèche. La Cour des comptes tacle également la stratégie à l'international des grands groupes. "Les stratégies d'internationalisation, contrairement à d'autres pays européens, ne favorisent pas la production de biens à partir de la France alors que les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) peinent à se développer", indiquent les experts. Sur ce point, les économistes avaient montré dans une évaluation récente que la France était "la championne des délocalisations".
Eviter les effets de captation par certains secteurs, mieux cibler les soutiens publics
Allègements de cotisations sociales, CICE, soutien à la recherche et développement... les conseillers de la rue Cambon ont évalué les montants colossaux des soutiens publics entre 17 et 20 milliards d'euros (chiffres de France Stratégie) chaque année en faveur de l'industrie. Ces soutiens ont encore gonflé cette année avec la baisse des impôts de production pour environ 10 milliards d'euros. Cette politique de l'offre promue par les différents gouvernements depuis plusieurs décennies n'a pas toujours eu les effets escomptés.
En matière de soutien, le plan d'investissement d'avenir (PIA) lancé sous le mandat de Nicolas Sarkozy a permis de soutenir "la modernisation et l'innovation dans les secteurs historiques (aéronautique, automobile, nucléaire, spatial [...] Cependant, les pouvoirs publics ne sont pas toujours parvenus à éviter la captation des aides par certains secteurs", expliquent les magistrats. Afin d'éviter cet effet "captation" par certains secteurs, la juridiction financière recommandent de mieux cibler ces soutiens publics. Ces dispositifs doivent en outre "être encadrées par une gouvernance collégiale la plus indépendante possible". Cela devrait limiter "le saupoudrage" des aides.
En matière de pilotage de la politique industrielle, la Cour des comptes a noté de "récents progrès" avec la réforme de la direction générale des entreprises (DGE), la réorganisation du conseil national de l'industrie CNI ou la mise en œuvre des comités stratégiques de filières (CSF). Il reste de nombreuses limites pointées par les auteurs de la note comme la surreprésentation des grandes entreprises dans les comités stratégiques de filières. Cette surreprésentation est "de nature à accroître les risques de mauvaise allocation des moyens publics", expliquent les juristes.
Lors de la présentation du plan d'investissement France 2030 présenté en octobre par le président Macron, l'absence de pilotage d'une enveloppe de 34 milliards d'euros avait suscité de nombreuses interrogations. Interrogés sur ce point après l'allocution du président, les conseillers du président Macron avaient botté en touche. Le chef de l'Etat a annoncé que "cette gouvernance sera présentée début 2022".
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Quelques chiffres clés sur l'industrie
- 250.000, c'est le nombre d'entreprises industrielles sur le territoire tricolore en 2019 ;
- 3,2 millions, c'est le nombre de salariés travaillant dans l'industrie en France en 2019 dont 2,8 millions dans l'industrie manufacturière ;
- 80%, c'est la part de l'Etat dans l'ensemble des soutiens publics.