La crise du Covid-19 accouchera-t-elle d'une génération sacrifiée ?

Les jeunes non-diplômés pourraient être les plus touchés par les conséquences de la crise sanitaire. L'une des pistes de réflexion avancées par la ministre du Travail Muriel Pénicaud consiste à investir davantage dans l'apprentissage. Mais pour Florence Lefresne, directrice du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq), "les entreprises recrutent des apprentis parce qu'elles voient leur intérêt de former des jeunes lorsque leurs carnets de commandes sont pleins." Qu'en sera-t-il s'ils sont vides?
Selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, l'accent mis sur l'apprentissage pourrait permettre de diminuer les effets de la crise.
Selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, l'accent mis sur l'apprentissage pourrait permettre de diminuer les effets de la crise. (Crédits : Reuters)

Les 700.000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif envisagent avec appréhension leur arrivée sur un marché du travail bouleversé par l'épidémie, avec une baisse de 8% du PIB attendue cette année.

Nina, 24 ans, devait enchaîner avec un stage après son BEP de montage vidéo cet été. Le secteur audiovisuel est à l'arrêt, et elle prévoit désormais de cueillir des fraises dans le Sud en attendant une éclaircie. Robin, 30 ans, travaillait dans le tourisme en Chine. Rapatrié en France, il envisage une complète reconversion pour enseigner dans le circuit des écoles à l'étranger.

"J'ai eu un accord oral pour un stage, mais j'ai beau l'assaillir de mails, mon correspondant ne me répond pas pour formaliser son accord", se désespère Mathieu, étudiant en 1ère année de communication.

"Les jeunes sont en position d'entrants sur le marché du travail et subissent à la fois les effets conjoncturels du rétrécissement des emplois en temps de crise et les changements structurels du marché du travail", observe Florence Lefresne, directrice du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq).

"Les économistes disent qu'il surréagissent à la conjoncture, avec un effet amplificateur. Ils sont aussi en première ligne des effets structurels, car même si le CDI reste la norme d'emploi (trois quarts des jeunes vont aboutir à un CDI), cette norme a tendance à s'éroder", poursuit-elle.

Elle note que "malheureusement, ce Covid est intervenu dans un contexte certes de remontée de l'emploi, de diminution du chômage, mais alors qu'on n'avait toujours pas retrouvé le niveau de chômage d'avant la crise de 2008. Les jeunes étaient encore sous l'effet de cette cicatrice là".

Le Cereq a comparé le parcours sur 7 ans des jeunes sortis du système éducatif en 2010, en plein contre-coup de la crise financière de 2008, avec celui de la génération de 1998.

Les plus diplômés sont surtout affectés en termes de salaires et de progression de carrière. "Le pouvoir d'achat du salaire médian d'un jeune diplômé de master de la génération 2010 a baissé de 12% en 2017 par rapport à la génération 98", observe Florence Lefresne.

Alerte pour les non qualifiés

"Les non-diplômés sont les plus durablement touchés. Un non-diplômé a passé moins de la moitié de ses 7 premières années après sa sortie du système scolaire en emploi, soit une baisse de 20 points par rapport à la génération 1998", observe-t-elle.

"Ceux-là vont avoir passé 3 ans et demi sans emploi, avec un effet de marginalisation. Il y a donc une alerte essentielle sur les 12% de jeunes non qualifiés", estime-t-elle.

La France comptait 12,9% de jeunes "Neet", "ni en études, ni en emploi, ni en formation" en 2018, soit un jeune sur sept de 16 à 25 ans.

Pour la ministre du Travail Muriel Pénicaud, interrogée par la mission d'information de l'Assemblée nationale la semaine dernière, "beaucoup de réponses vont dépendre du plan de relance: ce plan aura un volet compétences et un volet emploi très importants, notamment par rapport aux jeunes."

"Il faudra prendre une décision collective, que je crois très possible quand j'en discute avec les professionnels: c'est de continuer à investir massivement, notamment sur l'apprentissage", pour lequel "nous étions sur une dynamique exceptionnelle", rappelait-elle.

Le nombre de jeunes entrés en apprentissage a connu un bond de 16% en 2019 avec 368.000 jeunes sous contrat.

Mais pour Florence Lefresne, "les entreprises recrutent des apprentis parce qu'elles voient leur intérêt de former des jeunes lorsque leurs carnets de commandes sont pleins." Qu'en sera-t-il s'ils sont vides?

Engie, qui prévoit "de gros besoins de techniciens en sortie de crise, car la maintenance a pris du retard", selon son directeur des ressources humaines Pierre Deheunynck, maintient son objectif de 10% d'étudiants en alternance en 2021, même si la mise en route de son Centre de formation des apprentis (CFA) est repoussée à janvier.

Mais beaucoup d'entreprises, encore dans le brouillard sur la sortie de crise, risquent de ne pas maintenir leurs engagements. "Il faudra une politique très volontariste avec des partenariats forts entre entreprises, branches, régions et État", estime Mme Lefresne.

Commentaires 18
à écrit le 08/05/2020 à 10:12
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Actuellement le principal frein a l'embauche des jeunes reste leur mentalité. Il est dommage que ceux qui sont respectueux et bossent bien y perde a cause des nombreux profiteurs... Le second problème de notre pays reste aussi l’abus de diplômes, pou...

à écrit le 07/05/2020 à 23:06
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Ce qui est sûr, ce sont les jeunes qui vont payer.

le 08/05/2020 à 10:13
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Mais non tout les plus pauvres vont payer, les patrons et les riches eux vont continuer a s'offrir des augmentations...

à écrit le 07/05/2020 à 15:31
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Cette crise , 2 ou 3 vague ou un autre virus «  alibi »... va faire glisser l’humanité vers une déshumanisation assumée ( voulue par les Élites technologiques et financières ) Sacrifice ? Est ce un dogme religieux ou kabbaliste ? Une nouvelle ère mo...

le 07/05/2020 à 22:10
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Les apôtres du transhumanisme ont pris le pouvoir (Musk, Gates , lui ça fait longtemps et les start upeurs fintech-iens...). Avant cette étape, il y aura l'eugénisme, une idée géniale remise au gout du jour au 20e siècle par Adolf, Heinrich , Joseph ...

le 08/05/2020 à 10:18
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Vous savez quand vous bossez pour seulement un SMIC, vous avez pas grand chose a perdre... Dans notre pays qui sous paye ces employés ceux qui ont le plus a perdre et vont y perdre sont les patrons et les financiers! C'est pour cela qu'ils pressent a...

à écrit le 07/05/2020 à 15:29
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L'article se fonde sur des sources dépendantes du ministère du travail. Au secours !! La propagande macronienne a fond ! Joseph revient, ils ne savent pas ce qu'ils font...

à écrit le 07/05/2020 à 12:36
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Bon déjà il n'y a pas qu'eux : à 50 ans quand on est sans emploi et sans le moindre revenu avec cette crise ces personnes vont manger des cailloux. Et avec la réforme des retraites ils n'auront droit à rien du tout. Et pas la peine de mettre de l'arg...

le 07/05/2020 à 14:03
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Qui a 50 ans est sans revenu ? vous avez droit au chomage et au pire au RSA. ce qui n est pas le cas pour un jeune de 18 ans ! Et je suppose qu a 50 ans vous avez des economies voire etes proprietaire de votre logement. il faut penser aux jeunes ava...

le 07/05/2020 à 15:02
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Réponse à cd : vous êtes sérieux là ? Vous rendez vous compte des âneries, pour ne pas dire mieux, que vous écrivez ?

le 07/05/2020 à 17:01
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@cd: non si vous avez 50 ans vous n'avez pas forcément un bien immobilier ni même des milliers d'euros de côté. Ça en dit long sur la deconnection du réel de certains privilégiés.

le 08/05/2020 à 12:03
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@Fredo30400 Conbien ont 50 ans et plus et se retrouvent sans economies (je considere qu etre proprietaire est aussi une sorte d economie meme si votre compte bancaire est a 0) ? Il y a evidement des cigales qui ont tout flambé et qui ont divorcé (l...

le 10/06/2020 à 12:52
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Mes parents ont pu s'acheter une belle maison en étant secrétaire médicale et agent de surveillance. Ils ont bénéficié de la flambé immobilière, etc... Le même parcourt pour les jeunes actuels est impossible. Si aujourd'hui vous n'avez rien à ...

à écrit le 07/05/2020 à 11:45
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Arrêtons de dire des sacrifiés. A quel titre doit-on dire que les générations suivantes seront sacrifiés ! Aucun gouvernement le leur demandera de payer en un seul fois ces sommes énormes. Cela c'est toujours passé comme cela depuis les années 70 ou ...

le 07/05/2020 à 14:01
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un peu quand meme non ? Ils vont avoir du mal a trouver un travail. Il sera moins payé et on va leur demander de payer les dettes accumulees depuis 40 ans. Cerise sur le gateau, le baby boom arrive a la retraite, ils vont devoir payer encore plus d ...

le 07/05/2020 à 14:01
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un peu quand meme non ? Ils vont avoir du mal a trouver un travail. Il sera moins payé et on va leur demander de payer les dettes accumulees depuis 40 ans. Cerise sur le gateau, le baby boom arrive a la retraite, ils vont devoir payer encore plus d ...

le 07/05/2020 à 17:20
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@cd "le baby boom arrive a la retraite" Il est en retraite, puisqu’ils ont entre 64 et 75 ans aujourd'hui.

à écrit le 07/05/2020 à 11:02
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Nos jeunes étaient déjà sacrifiés bien avant cette crise. IL y a eu la génération des trentes glorieuses et maintenant ce ne sont plus que des années piteuses. La cupidité de nos mégas riches en étant l'unique cause.

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