
La crise fait des ravages dans les rangs des micro-entreprises. Selon le bilan de la caisse nationale des Urssaf dévoilé ce vendredi 29 janvier, le chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs a chuté lourdement de 19% à la fin du second trimestre 2020. Sur près de deux millions d'indépendants enregistrés sous ce statut, seuls 846.000 ont déclaré un chiffre d'affaires positif avec un recul de l'ordre de 8% sur un an. Ces travailleurs ont ainsi déclaré 3.792 euros de revenus contre 4.303 euros auparavant entre avril et juin. En outre, le nombre d'auto-entrepreneurs économiquement actifs baisse dans toutes les régions françaises.
Avec la pandémie, beaucoup de travailleurs ont adopté ce statut pour exercer leur activité dans des conditions parfois rudes. Si les Français n'ont jamais crée autant d'entreprises, ce record masque aussi un plus grand risque de paupérisation d'une partie de la population active dépourvue de filets de sécurité.
Aucun secteur n'est épargné
Le bilan de l'Accoss est particulièrement angoissant. En effet, les données montrent l'ampleur des dégâts accélérés par la propagation du virus sur l'ensemble du territoire et la mise sous cloche de l'économie tricolore lors du printemps 2020. Ainsi, quasiment tous les secteurs ont enregistré une perte de chiffre d'affaires. Les domaines de la culture, des arts et spectacles ont été frappés de plein fouet (-35,7%). Viennent ensuite le commerce de détail sur les marchés (-32,3%), les activités sportives (-26,2%) ou encore l'hébergement restauration (-20,5%). Les secteurs des transports et de l'entreposage ont également subi des pertes colossales (-25,4%).
Derrière cet effondrement quasi généralisé, certains secteurs ont tiré leur épingle du jeu. Sans surprise, les activités de poste et de courrier (+21%), les secteurs du nettoyage (+21%), de l'informatique et de l'information-communication (+7%) ont été les gagnants de cette crise immense.
Une généralisation du statut
Ils sont coiffeurs, livreurs, maçons, bouchers, graphistes, comptables... tous les secteurs de l'économie française font désormais appel à ce type de prestation. La libéralisation du statut d'auto-entrepreneur mise en oeuvre sous la présidence de Nicolas Sarkozy a contribué à accélérer le mouvement de "plateformisation" de l'économie française. Le doublement du plafond de chiffre d'affaires autorisé depuis 2018 a également contribué à renforcer le nombre de créations de micro-entreprises. "Les activités liées de façon générale à l'ubérisation de l'économie ont été boostées et amplifiées par la crise sanitaire. Il s'agit de la vente à distance, les activités de livraison à domicile, comme Uber Eats, Deliveroo. A chaque fois ce sont des créations de micro-entreprises qui viennent alimenter cette dynamique. Les enseignes de distribution ont fait appel à des micro-entrepreneurs pour assurer leur livraison. C'est cette dynamique du e-commerce et des livraisons qui est à l'origine du boom des immatriculations en 2020" expliquait l'économiste de Xerfi Laurent Freulat lors d'un récent point presse organisé par l'ordre national des greffiers des tribunaux de commerce.
Un risque de précarité accru
Depuis maintenant plusieurs semaines, les organisations d'auto-entrepreneurs et d'indépendants tirent la sonnette d'alarme sur les risques de paupérisation. Si certains ont pu bénéficier du fonds de solidarité mis en oeuvre par le gouvernement, beaucoup passent entre les mailles des filets de sécurité. Faute de cotisations, beaucoup de micro-entrepreneurs ne sont pas couverts par un système de protection sociale. Dans un récent communiqué, l'Union des auto-entrepreneurs et des travailleurs indépendants a indiqué que la reprise d'activité des auto-entrepreneurs "est aujourd'hui insuffisante pour assurer leur pérennité. Cette population de nouveaux travailleurs est en risque de précarisation".
"Si l'on n'y prend pas garde, plusieurs centaines de milliers d'auto-entrepreneurs seront dès demain des chômeurs supplémentaires, qui plus est non indemnisés sauf par les minimas sociaux. Une situation tragique qui mérite un regard urgent des pouvoirs publics et la mise en œuvre du «quoi qu'il en coûte» pour eux aussi."