Le gouvernement veut s'attaquer aux excès de l'intérim chez les soignants

Dans le cadre du budget de la Sécurité sociale pour 2023, présenté lundi en Conseil de ministres, l'exécutif entend contraindre les jeunes soignants « en sortie d'écoles » à exercer au préalable en tant que salarié ou libéral, « pendant une durée minimale » qui sera fixée par décret. D'après le gouvernement, cette pratique « déstabilise les équipes » et coûte de plus en plus en cher aux hôpitaux : 500 millions d'euros en 2013, plus de 1,4 milliard en 2018.
Pour l'hôpital public, le coût de l'intérim a bondi de 500 millions d'euros en 2013 à plus de 1,4 milliard en 2018.
Pour l'hôpital public, le coût de l'intérim a bondi de 500 millions d'euros en 2013 à plus de 1,4 milliard en 2018. (Crédits : Reuters)

C'est une mesure qui devrait contribuer à soulager les comptes des hôpitaux publics et à apaiser les relations humaines au sein de certains services hospitaliers. Dans le cadre du budget de la Sécurité sociale pour 2023, présenté lundi en Conseil de ministres, l'exécutif entend réguler la pratique de l'intérim chez les jeunes soignants, régulièrement accusée de « gangréner l'hôpital » qui peine à recruter dans certaines spécialités.

Pour faire face à la pénurie de soignants dans les hôpitaux français, de nombreux établissements hospitaliers comblent leurs effectifs avec des vacataires ou des soignants intérimaires. Or cette pratique, en plein essor, devient problématique. Aujourd'hui de plus en plus d'infirmières ou d'aides-soignants, en sortie d'école, optent pour ce statut. Malgré cette précarité, dans un contexte de déficit de personnel hospitalier, les intérimaires fixent leurs conditions. Ils peuvent choisir où, quand et à quels tarifs travailler.

A tel point, que pour l'hôpital public, le coût a bondi de 500 millions d'euros en 2013 à plus de 1,4 milliard en 2018, plombant d'autant les comptes des hôpitaux tout en « déstabilisant les équipes » de soins, indique le ministère de la Santé. Cette pratique est dénoncée de longue date, notamment, par la Fédération hospitalière des hôpitaux publics (FHF).

Concrètement les jeunes soignants « en sortie d'écoles » devront d'abord exercer en salarié ou en libéral « pendant une durée minimale », selon l'avant-projet de loi consulté par l'AFP. Cette durée sera fixée par décret.

En outre, à compter du 1er janvier 2023, les entreprises de travail temporaire ne pourront plus mettre à disposition des établissements de santé des soignants débutants. Elles devront s'assurer que les médecins, dentistes, pharmaciens, sages-femmes et autres professionnels de santé, dont la liste sera fixée par décret, aient déjà « exercé leur activité dans un autre cadre (...) pendant une durée minimale ». « Cette durée sera négociée », précise le ministère, qui fait de cette restriction un « enjeu d'éthique ».

Faire appliquer l'encadrement des tarifs

Le gouvernement entend aussi s'attaquer à l'encadrement des tarifs de l'intérim médical. Inscrit dans la loi depuis bientôt sept ans, le plafonnement des rémunérations n'est toujours pas appliqué. Depuis 2017, un décret est censé encadrer la pratique de l'intérim médical. Et depuis 2021, la loi Rist a pour objectif de plafonner les rémunérations des médecins intérimaires embauchés dans les hôpitaux publics. Mais dans le contexte de crise sanitaire, l'application du texte a été suspendue. Le gouvernement avait décalé l'application de cette loi à... 2022. Le décret est passé mais tous les hôpitaux ne l'appliquent pas, faute de soignants.

« Le contexte du Covid ne nous a pas permis de déployer cette mesure », se justifie le cabinet du ministre François Braun, qui promet de vite remettre le sujet sur la table. Le volet santé du Conseil national de la refondation, qui sera lancé le 3 octobre, aura ainsi « vocation à accompagner l'application effective » de ces tarifs maximum.

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ZOOM- Les autres principales mesures du projet de budget de la Sécu

- Comme les années précédentes, le budget ne prévoit pas d'économies sur l'hôpital, mais des économies de 1,1 milliard d'euros sur les médicaments, de 250 millions sur les laboratoires d'analyses médicales, 150 millions sur l'imagerie médicale, et enfin de 150 millions d'euros sur les complémentaires santé sont prévus.

- Le gouvernement veut augmenter de 10% les fraudes détectées (1,5 milliard d'euros cette année) et surtout en récupérer davantage avec une cible fixée à 500 millions en 2024 (contre moins de 300 millions en 2019).

- Les arrêts de travail prescrits en téléconsultation par un autre professionnel que le médecin traitant ou un médecin vu au cours des 12 derniers mois ne seront plus remboursés, sauf exceptions.

- Le prix du tabac « va augmenter comme l'inflation », a déclaré la Première ministre Elisabeth Borne.

- La contraception d'urgence sera gratuite pour toutes les femmes, quel que soit leur âge.

- Les pharmaciens et infirmiers seront dotés d'une capacité de prescription vaccinale. Les sages-femmes pourront vacciner davantage de population, leur champ étant jusqu'à maintenant limité aux femmes, enfants et à l'entourage des femmes enceintes.

- L'internat des médecins généralistes sera allongé d'un an, avec des stages hors de l'hôpital et « en priorité » dans les déserts médicaux, pour mieux les former à l'exercice libéral et accompagner leur installation.

- Quelque 3.000 infirmiers et aides-soignants viendront renforcer les effectifs des Ehpad. S'y ajouteront 4.000 places additionnelles dans les services d'aide à domicile.

- L'aide financière versée aux familles qui font garder leur enfant par une assistante maternelle va être réévaluée, pour que leur reste à charge soit le même que si l'enfant bénéficiait d'une place en crèche.

- Les familles monoparentales percevront désormais l'aide financière à la garde d'enfants jusqu'à l'entrée au collège, et non plus jusqu'au début du CP. Et la pension alimentaire minimale que leur versent les CAF en cas de défaillance de l'autre parent sera revalorisée de 50%, de 123 à 185 euros par mois.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 09/11/2022 à 13:53
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Je suis aide soignante à la retraite depuis décembre 2020 j'étais dans un hopital public j'ai effectué 17 ans car je me suis recyclée après un licenciement économique dans le privé. Aujourd'hui j'ai une petite retraite je n'ai jamais eu de reconnaiss...

à écrit le 27/09/2022 à 13:41
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Quid des rémunérations pharaoniques des cadres des établissements hospitaliers publics?

le 05/05/2023 à 16:58
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Heu...vous voulez parler du privé n'est ce pas ? Pas de penurie d4 médecins pour les riches qui peuvent s'offrir des dépassements d'honoraires ... Plus généralement, je lis" des intérimaires qui ne viennent pas.." pourquoi, ils ont le droit ? La ...

à écrit le 27/09/2022 à 10:08
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Pendant ce temps : Surfacturations, actes fictifs, cumul d'examens : une enquête du parquet de Paris vise depuis l'été 2021 un réseau de centres ophtalmologiques pour des soupçons de fraude estimée à plus de 7 millions d'euros, a-t-on appris lundi...

à écrit le 26/09/2022 à 17:16
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Un empilement d'usines à gaz. On sait depuis des années qu'il manque des soignants, mais on a toujours un numerus clausus et un concours très difficile qui créée une pénurie de soignants. Au lieu de s'attaquer à la racine du problème et former davant...

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