Reconnaissable à son éternelle moustache, le juge Renaud Van Ruymbeke est décédé à l'âge de 71 ans.
« La France perd un grand magistrat et la Justice un immense serviteur » a écrit le garde des Sceaux Eric Moretti sur X (ex-Twitter).
De ses débuts à Caen au pôle financier de Paris, « ce fut un parcours tout sauf paisible, semé d'embûches, mais je n'ai jamais renoncé », a-t-il raconté à l'AFP lors de son départ à la retraite en 2010.
Ce grand amateur de football, pianiste émérite, qui se décrivait comme un « besogneux » à « l'intelligence moyenne » a été un des juges emblématiques de la lutte contre la corruption en France et s'est retrouvé ainsi bien malgré lui dans le cercle restreint des magistrats connus du grand public. Il aura en effet traversé ce début de siècle en étant associé à des affaires judiciaires qui ont défrayé la chronique.
De Cahuzac aux époux Balkany en passant par le financement occulte du Parti socialiste
Parmi ses instructions figurent notamment l'affaire Urba, sur le financement occulte du Parti socialiste, des enquêtes sur Jérôme Cahuzac et les époux Balkany, ou encore la complexe affaire des frégates de Taïwan. En 2008, il avait aussi mené l'enquête sur les fraudes géantes du trader de la Société générale Jérôme Kerviel.
« Il incarnait l'image du juge d'instruction indépendant et courageux, et laissera une empreinte indélébile dans l'histoire judiciaire de notre pays », a réagi sur X Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation.
« Il y a énormément d'argent à nos portes et personne ne fait rien », avait-il regretté lors de la dernière interview accordée à l'AFP, en novembre 2022. Il avait appelé à « la nécessité de prise de conscience au moment où les Etats ont des déficits importants, de gros besoins pour les hôpitaux, pour la transition énergétique ».
« Sur internet, on peut faire valser l'argent très, très vite, alors que pour les juges, [pour obtenir des informations sur] un compte à Hong Kong il faut six mois à un an », détaillait l'ancien magistrat à l'occasion de la publication de son livre « Offshore. Dans les coulisses édifiantes des paradis fiscaux » (Ed. Les Liens qui libèrent).
Certes, disait-il, il y a eu des « tentatives » de lutte contre les paradis fiscaux, par le G20, le G7, l'OCDE - listes grises et noires, principe d'échanges d'informations - « mais l'expérience montre qu'il n'y a pas eu de volonté politique d'éradiquer le système ».
Et d'insister : « Pendant longtemps on a considéré que ces montages très compliqués étaient de l'optimisation fiscale, légale, autorisée. J'estime qu'aujourd'hui, il faut aller traquer l'évasion fiscale et considérer que c'est de la fraude fiscale.»
(Avec AFP)