Le plan de relance de Macron pourrait manquer sa cible

Le plan de relance de 100 milliards d'euros devrait d'abord profiter aux grandes entreprises, "quelle que soit leur efficacité productive générale" selon une évaluation réalisée par deux centres de recherches. En attendant, de nombreux secteurs (restauration, hôtellerie, événementiel, tourisme, culture) sont meurtris par les deux confinements. Si les mesures d'urgence sont plutôt jugées positivement, l'impact à long terme des mesures de relance (baisse des impôts de production) et leur manque de financement interrogent les économistes.
Grégoire Normand
(Crédits : POOL)

La pandémie a fait disjoncter les circuits de l'économie tricolore. Après un printemps catastrophique et un été meilleur que prévu, l'activité est à nouveau atrophiée par la seconde vague de contaminations et le durcissement des mesures de confinement. Face à ce choc sans précédent, le gouvernement a annoncé des batteries de mesures d'urgence depuis le printemps et annoncé un plan de relance pour 2021. Pour tenter d'y voir plus clair, les économistes de l'Institut des politiques publiques (IPP) et du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) ont tenté d'évaluer les conséquences désastreuses de cette pandémie sur l'économie française et les réponses apportées à la crise par le gouvernement. Il apparaît que le plan de relance annoncé en grande pompe à la rentrée par le gouvernement pourrait manquer sa cible.

"Les mesures d'aides d'urgence en 2020 ont permis d'amortir le choc pour les entreprises et les ménages au prix d'une hausse de la dette publique qui est rendue possible par des taux d'intérêt bas et l'intervention de la banque centrale. Les mesures du plan de relance méritent plus de discussion : si les investissements publics semblent bien appropriés, des questions émergent sur l'impact à attendre de la baisse des impôts de production. Les estimations du gouvernement d'une hausse de la croissance potentielle de 0,5 point semblent très optimistes, d'autant plus que le financement pérenne de ces baisses n'a pas été pris en compte."

Face aux réserves et aux critiques, le gouvernement a rendu public ce lundi 16 novembre un tableau de bord sur l'exécution des mesures de "France relance".

Le plan de relance vise surtout les grandes entreprises

Lors de la présentation du collectif budgétaire 2021 aux allures de plan de relance, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a fortement insisté sur la nécessité de doper la compétitivité des entreprises. Sans réelle surprise, l'exécutif entend poursuivre sa politique économique de l'offre entamée depuis le début du quinquennat Macron en baissant la fiscalité sur les entreprises. En 2021, les impôts de production devraient diminuer d'environ 10 milliards d'euros. Dans le détail, la principale baisse concerne la contribution économique territoriale (CET). Elle est composée de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, -7,2 milliards d'euros), de la cotisation foncière sur les entreprises (CFE, -1,5 milliard) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties acquittée par les entreprises (-1,75 milliard d'euros).

Dans leurs travaux, les économistes ont montré que le plan de relance du gouvernement va finalement peu toucher les entreprises les plus exposées au choc du Covid-19. Il va ainsi cibler les grandes entreprises capitalistiques, plutôt dans le secteur manufacturier. Cet effet devrait s'amplifier avec la diminution de l'impôt sur les sociétés programmée depuis 2017. Si des grands groupes comme Renault, PSA, Air France ou Airbus ont annoncé des baisses d'effectifs et des fermetures de sites depuis le printemps, des milliers de TPE et PME - qui représentent une part majoritaire du tissu productif français - sont amplement fragilisées par le second confinement et n'abordent pas cette période dans la même situation financière.

Elles risquent de passer à côté des mesures de relance du gouvernement qui fait le pari d'un redémarrage par l'offre alors que les entreprises font actuellement part d'un manque de débouchés et d'une baisse des carnets de commandes et que l'Insee a parlé d'un risque sur la demande dans son point de conjoncture de septembre.

> Lire aussi : La chute de la demande, un défi pour le plan de relance

Les mesures d'urgence ont bien ciblé les petites entreprises

L'annonce du confinement au mois de mars par le président Macron a entraîné un plongeon record de l'activité. En seulement quelques heures, des millions d'établissements et d'enseignes ont fermé leurs rideaux et ont envoyé leurs salariés chez eux. Il reste que le choc sur les entreprises a été très hétérogène et la stratégie à mettre en place par l'exécutif s'est révélée très périlleuse avec quatre projets de loi de finances rectificatifs afin d'ajuster au mieux les mesures d'urgence.

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L'examen de cet arsenal par les chercheurs indique que ces aides (chômage partiel, prêts garantis par l'État, fonds de solidarité, exonérations et reports de cotisations) "ont bien ciblé celles dont l'activité avait le plus baissé ainsi que celles en plus grande vulnérabilité financière [...]. Les aides, en particulier les PGE et les exonérations de cotisations patronales, ont touché les entreprises les plus fragiles financièrement".  En revanche, les dispositifs mis en œuvre dans l'urgence ont moins aidé les grandes entreprises capitalistiques et les plus productives.

La situation préoccupante des ménages modestes

La propagation du virus sur l'ensemble du territoire n'a pas affecté les ménages français de la même façon. Si certaines catégories socioprofessionnelles ont pu télétravailler (cadres, professions intellectuelles supérieures) et maintenir leur activité, d'autres ont dû rapidement se mettre en activité partielle ou ont perdu leur emploi (CDD, saisonniers, intérimaires). Ainsi, les ménages les plus modestes ont enregistré "une baisse significative de leur consommation et de leur épargne, et une augmentation de leur endettement, à l'occasion des premiers mois de la crise", expliquent les économistes de l'Institut des politiques publiques.

Si les répercussions de la pandémie sur le marché du travail ont mis du temps à se propager, elles sont désormais bien visibles dans les chiffres de la statistique publique. Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) a bondi de 1,9 point au cours du troisième trimestre pour atteindre 9% de la population active, soit une hausse trimestrielle inédite en 45 ans selon l'Insee. Et la hausse des bénéficiaires du RSA est estimée entre 8,7% et 10% entre le mois de mars et la fin août.

> Lire aussi : Chômage : un bond inédit depuis 45 ans, les jeunes en première ligne

Des mesures d'urgence jugées positivement pour les ménages

Les réponses d'urgence pour amortir le choc sur le revenu des ménages sont jugées positivement au niveau global. "Les aides exceptionnelles aux bénéficiaires des aides sociales ont ciblé les ménages les plus modestes, et le fonds de solidarité pour les entreprises, en apportant une aide forfaitaire aux indépendants, a contribué à soutenir plus fortement les ménages les plus modestes en proportion de leurs revenus", expliquent les auteurs. La montée en puissance du chômage partiel et sa prise en charge à 100% par l'État pour les salariés au SMIC ont permis d'atténuer les pertes de revenus.

En revanche, les classes moyennes, qui ont connu une moindre prise en charge, ont enregistré une perte de revenus plus importante que les plus modestes et les catégories aisées moins exposées à l'activité partielle. "La perte de revenu disponible en raison du passage en activité partielle de mars à juillet 2020 est en moyenne de 0,39 % pour les ménages dont le revenu disponible était avant crise à la médiane (centième 50 de niveau de vie", précise le laboratoire.

Pour 2021, les effets des mesures socio-fiscales présentées dans le collectif budgétaire sont bien plus limités et certaines devraient d'abord profiter aux catégories aisées. Ainsi, la baisse de la taxe d'habitation pour les 20% des ménages qui y sont encore soumis va profiter aux 20% des ménages situés dans les plus hauts revenus.

Reconfinement : un choc moindre qu'au printemps

La multiplication des foyers de contamination à la rentrée et la saturation des services de réanimation ont incité les autorités à prendre des mesures restrictives avec la mise en œuvre d'un couvre-feu d'abord dans les grandes métropoles puis dans 54 départements, et le confinement pour au moins un mois. Selon les calculs des économistes des deux centres de recherches, le choc du second confinement serait compris entre un tiers et deux tiers du choc du premier confinement. La perte d'activité est évaluée entre -10% et -20% par rapport à un mois de novembre ordinaire. Au printemps, la mise sous cloche rapide et brutale de l'économie française avait provoqué un électrochoc cataclysmique dans la chute de l'activité estimée à environ -30%. Des pans entiers des services et de l'industrie avaient été paralysés en seulement quelques jours. Pour ce second confinement, l'ouverture des écoles et des crèches et des mesures de restriction plus souples ont permis à un plus grand nombre de salariés de retourner à leur poste sur site ou en télétravail.

En outre, beaucoup d'entreprises étaient beaucoup mieux préparées qu'au premier confinement. Les économistes parlent notamment d'un effet d'apprentissage. Au final, les statisticiens estiment que le produit intérieur brut de la France pourrait chuter selon un scénario optimiste à -8,6% et un scénario plus sombre à -11% avec un deuxième confinement entraînant une perte d'activité de -20% en novembre et en décembre. Ces projections restent soumises à de nombreux aléas comme le prolongement ou non du confinement, l'évolution de l'épidémie, la situation des hôpitaux.

> Lire aussi : Confinement : un coût économique moins sévère qu'au printemps

Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 17/11/2020 à 8:43
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0.39% y a pas une erreur là? 3.9% ça ferait peu, 39% beaucoup?? C'est vrai que l'état a été genereux, mais avec notre argent qu'on a pas. La douloureuse sera douloureuses. Chomage partiel jusqu'a 4.5 smic, 1.5 a 2 aurai été deja tres genereux Quand...

à écrit le 16/11/2020 à 23:16
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Le nombre de SDF a doublé, celui des abonnés aux restos du cœur a fait +70%... Le coussin n'a pas fonctionné pour le million de chômeur en plus. Avec plus de 40 milliards il y avait de quoi faire pourtant. Le gouvernement a dépensé l'argent a...

à écrit le 16/11/2020 à 20:37
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Est-ce qu' un jour notre abonné aux GOPE a réussi quelque chose, je suis prêt à alimenter le débat .. @Effix, vous vivez dans un monde parallèle, jamais Macron' a été aussi isolé et détesté des français.. Pas plus tard qu' au...

à écrit le 16/11/2020 à 18:59
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"Le plan de relance de Macron" ne va pas manquer sa cible, puisque ce sont les riches et les multinationales qui sont effectivement ciblés. Toute la politique de Macron, et Hollande avant lui, va dans ce sens. Sinon comment expliquer un tel entêtem...

à écrit le 16/11/2020 à 18:19
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Hum... la quarantaine, il lui faut peut-être des lunettes ! Mais on refuse tous de croire qu'on vieilli...

à écrit le 16/11/2020 à 17:05
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Adieu BCE, tu aurais du lire mes commentaires très factuels de ces dernières années sur des grands médias français et internationaux. comme la plupart des gens, tu es sous-informé et désinformé. triste.

le 16/11/2020 à 21:03
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@Effix Les grands méfias français et internationaux, belle légitimité donc dans la représentation de la pensée mainstream, unilatérale, somme toute banale, bancale puisque fonctionnant en vase clos, jamais débattue, sans jamais la mo...

à écrit le 16/11/2020 à 16:40
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"Le plan de relance de 100 milliards d'euros devrait d'abord profiter aux grandes entreprises" Bref, comme d"habitude et bien sur toujours aucun contrôle comme avec le CICE ,pathétique.

à écrit le 16/11/2020 à 15:10
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c'est reparti pour un coup d'emplois publics via des investissements publics ca me rappelle krugman et son bouquin ou il explique pour quoi il faut embaucher des gens pour creuser des trous inutiles que d'autres reboucheront je veux pas etre mechan...

à écrit le 16/11/2020 à 14:12
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la France est le pays le plus équilibré/développé (investissement public/privé, investissements étrangers, compétences/R&D, entrepreneuriat, environnement, santé/soins, logement, classe moyenne/pauvreté/inégalités/coût de la vie, hausse des salaires ...

le 16/11/2020 à 15:19
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équilibré? Avec nos déficits record (commmercial et budgetaire) au niveau européen avant covid Dynamique? Avec le 4ème taux de chomage plus élevé de l'UE. R&D? Nous sommes très en dessous des meilleurs en % sur le pib Et le niveau éducatif? Et ...

le 16/11/2020 à 16:18
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En fait le problème vient du problème franco-français : les Etats Unis n'ont rien de comparable à la France. Si des comparaisons devaient être faites, ce serait au niveau européen : population, PIB. Mais la encore, les US ont un énorme avantage sur n...

le 17/11/2020 à 1:25
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@effix. Au royaume des aveugles, les borgnes sont roi.

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