
Les députés font leur rentrée ce lundi et il n'y aura pas de période de transition. Les parlementaires entrent en effet tout de suite dans le dur avec l'examen du projet de loi « pour le plein emploi ». S'il n'a pas le poids d'un budget, le gouvernement ne veut pas lâcher ce texte : faute d'adoption, la France serait privée de milliards d'euros de fonds de Bruxelles du plan de relance européen, affirme-t-il, faisant planer un possible recours au 49.3 dès mercredi, ou jeudi.
« Une rentrée » qui s'annonce « assez pétaradante »
La réduction du taux de chômage à 5% d'ici à 2027 - contre plus de 7% aujourd'hui - est l'objectif emblématique du projet porté par le ministre du Travail Olivier Dussopt, adopté en juillet en première lecture par le Sénat. L'examen du texte en commission, farouchement combattu par la gauche, a déjà provoqué un incident de pré-rentrée, les oppositions s'insurgeant contre la tenue de débats nocturnes. « Une rentrée » qui s'annonce « assez pétaradante » estime une source ministérielle tant les insoumis ne semblent pas vouloir baisser le volume. Le « ton »de LFI est « la force » du mouvement, fait valoir la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
Le projet de loi propose de mieux coordonner les multiples acteurs du service public de l'emploi, avec en clé de voûte un Pôle Emploi rebaptisé France Travail - même si le Sénat veut le maintien du nom actuel de l'opérateur. Et une organisation en réseau devant faciliter le partage d'informations. A l'heure où certaines entreprises peinent à recruter, la priorité est de mieux cibler les personnes les plus éloignées de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RSA, pour leur proposer un « accompagnement plus personnalisé et plus intensif » vers l'emploi. Ces allocataires, comme les jeunes suivis par les missions locales, seraient désormais automatiquement placés sur la liste des demandeurs d'emploi, dont tous les inscrits seraient invités à signer un « contrat d'engagement ». Les nouveaux devoirs prévus dans ce contrat hérissent à gauche, tandis que LR souhaite au contraire les durcir.
Les députés de la Nupes comptent déposer « une motion de rejet »
Le Sénat, où la droite est majoritaire, a ainsi inscrit noir sur blanc l'obligation d'accomplir de « 15 à 20 heures » hebdomadaires d'activités. Mais le gouvernement insiste pour garder une certaine souplesse pour les personnes « éloignées depuis longtemps » de l'emploi. En tout cas, « il ne s'agit évidemment pas de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire, mais bien d'activités d'insertion et de formation pour permettre le retour à l'emploi », a martelé Olivier Dussopt en commission. Les députés de la Nupes (LFI, PS, communistes et écologistes), qui comptent déposer « une motion de rejet » au début des débats lundi, sont aussi vent debout contre la nouvelle sanction de « suspension-remobilisation ». Elle permettrait de suspendre le versement d'une allocation à une personne ne respectant pas ses obligations, avec la possibilité de la récupérer ensuite. L'idée étant d'ajouter un palier avant la radiation. Une logique « sordide » selon la députée Danielle Simonnet (LFI) ou encore une « infantilisation » d'après le communiste Pierre Dharréville. C'est « un nouveau coup de griffe » contre les plus précaires, abonde le socialiste Arthur Delaporte, plaidant pour un revenu minimum d'existence inconditionnel. Le RN est lui aussi hostile à l'obligation d'activité hebdomadaire. Et juge que la « complexité » de la nouvelle gouvernance prévue pour le réseau des acteurs de l'emploi est « vouée à l'immobilisme ».
« Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle, avec moins de 20% des allocataires du RSA qui bénéficient d'un suivi », fait valoir de son côté la députée Renaissance Christine Le Nabour, rapporteure du texte. A rebours de la Nupes, la droite compte batailler pour préserver les 15 heures minimum d'activité : « si on n'inscrit pas ce principe dans la loi, il sera détourné », juge le député LR Philippe Juvin.
En phase avec l'esprit du texte, son groupe s'inquiète cependant du « coût financier de la réforme », évalué entre 2,2 et 2,7 milliards d'euros sur trois ans. Et déplore « une sorte de recentralisation larvée » du service public. « Aucun article, aucune disposition ne remet en cause une seule compétence des collectivités » en matière d'emploi ou d'insertion, insiste le ministre du Travail, assurant que le réseau de l'emploi sera géré « en copilotage entre l'Etat et les collectivités locales ». Également dans le viseur de la droite, des mesures sur « l'accueil du jeune enfant », pour lequel les communes sont érigées en autorités organisatrices. Le Sénat a réduit leurs nouvelles obligations prévues dans le texte, en partie rétablies en commission par les députés. Mais le débat se poursuivra dans l'hémicycle.
Le 49.3, vedette de la rentrée
Une chose est certaine : la Première ministre Élisabeth Borne devrait passer encore du temps à la tribune de l'Assemblée cet automne, avec 10 recours au 49.3 attendus à partir de mi-octobre pour faire passer sans vote les budgets de l'État et de la Sécu. Les députés du camp présidentiel négocient déjà pour s'assurer que certaines de leurs propositions soient retenues via le 49.3. Et les débats autour du pouvoir d'achat, les superprofits, le logement ou la transition écologique s'annoncent bouillants, avec des oppositions faisant pression pour qu'ils se tiennent jusqu'au bout. Chaque cartouche du gouvernement l'exposera à des motions de censure, mais les patrons des LR, dont les votes seraient indispensables, temporisent jusqu'ici.
(Avec AFP)