Alors qu'ils travaillaient déjà avec des outils numériques, sans être forcément au contact du client, les ingénieurs, notamment en informatique, ont très vite pris goût au télétravail. A l'avenir, plus de la moitié d'entre eux (55%) souhaitent télétravailler plusieurs jours par semaine, et 5% veulent le faire à temps plein, révèle une étude Infopro Digital pour Ausy, filiale de Randstad. Parfois même, le télétravail est devenu une condition non-négociable : 49% des ingénieurs sont prêts à refuser un poste si l'entreprise ne propose pas cette possibilité, selon cette étude réalisée en avril.
Un avertissement que les employeurs sont contraints d'écouter, alors que la France souffre d'une pénurie de main d'oeuvre sur ces profils depuis plusieurs années : en 2015 déjà, un rapport de France Stratégie et de la Dares prévoyait que 191.000 postes seraient à pourvoir dans l'informatique d'ici 2022.
Résultat, face à cet engouement pour le télétravail, certaines entreprises ont choisi de miser dessus pour attirer les candidats.
Des métiers propices au travail à distance
« Ce sont des profils qui font beaucoup d'analyses techniques et ont un travail plutôt de back office », justifie à La Tribune Vincent Ségui, directeur RH de l'expérience collaborateur et manager chez Microsoft France. Ainsi, « en moyenne, les ingénieurs data faisaient 2 à 3 jours en télétravail avant la crise », ajoute-t-il. Après la crise, le recours au télétravail devrait encore augmenter : « Nous estimons qu'ils solliciteront un jour de télétravail en plus par semaine », conclut Vincent Ségui.
Pour répondre à leur demande, certaines entreprises autorisent désormais le télétravail sans condition. Interrogées par La Tribune, Cisco, Microsoft et Precision.io sont trois entreprises de services informatiques qui tirent profit de cette nouvelle organisation pour élargir leur bassin de recrutement, fidéliser les employés et même améliorer les relations entre collaborateurs, soutiennent-elles.
Elargir le bassin de recrutement
Autre argument pour ces entreprises, celui de la mobilité professionnelle. A distance, elles peuvent en effet garantir aux candidats de pouvoir travailler depuis la région de leur domicile. Par exemple, après le confinement, Prevision.io, solution de modélisation basée sur l'IA qui vient de boucler une levée de fonds de 6,5 millions d'euros, a commencé à proposer des contrats en 100% télétravail. Cette initiative a permis de « chercher plus de profils sur des zones plus larges », note Nicolas Gaude, cofondateur de Prevision.io, contacté par La Tribune.
Le salaire est-il réadapté à ces nouveaux modes ou va-t-il justement s'apprécier pour attirer les meilleurs, avec le télétravail ? Interrogées, aucune de ces trois entreprises de la tech, du grande groupe à la PME, n'a souhaité donner de détails. A titre de référence, le salaire moyen d'un data scientist en France est de 45.000 euros par an, selon les données actualisées au 7 juin du site Glassdor.
Chez Microsoft France, on se réjouit simplement que le télétravail a offert « la possibilité de pouvoir habiter un peu plus loin du siège situé aux portes de Paris », remarque Vincent Ségui.
Fidéliser les employés et réduire le turnover
Surtout, accorder du télétravail aux employés permet de les fidéliser. Aujourd'hui, « il y a une pénurie de data scientists à cause d'un fort turnover qui crée une perte sèche pour l'entreprise », explique le cofondateur de Prévision.io, qui compte 45 collaborateurs. Désormais, le télétravail va permettre « d'éliminer les frictions » qui pouvaient conduire un employé à quitter son emploi lorsqu'il déménageait par exemple, ajoute-t-il.
Pour aller plus loin, certaines entreprises mettent en place des incitations financières. Chez Microsoft France, « nous sommes en train de finaliser un accord de télétravail dans lequel nous prévoyons de donner des compensations au télétravail, du matériel informatique adéquat et du mobilier », raconte Vincent Ségui. Des aides non-négligeables alors que le télétravail coûte en moyenne 100 euros par mois à un salarié, d'après une étude de ConvictionsRH / Le Parisien.
Améliorer les relations entre collaborateurs
Enfin, « la mise en place d'outils collaboratifs a permis de formaliser les échanges et de laisser une trace par écrit (...) ce qui est plus sain », fait valoir Nicolas Gaude. Ils ont aussi appris à combiner des outils formels comme Teams et des applications qui font office « d'open space » comme Discord, ajoute Nicolas Gaude, qui prévoit que 80% des collaborateurs de Prevision.io seront en télétravail après le crise, contre 20% auparavant. « Pour cette population très tech, la coordination est importante », précise-t-il.
De la même façon, Cisco, qui fournit des suites logicielles, veut permettre « les connexions humaines quel que soit le lieu », témoigne un porte-parole. L'entreprise, qui a vu son chiffre d'affaires global augmenter de 7% en un an au troisième trimestre de l'exercice 2021 malgré la crise sanitaire, autorisait déjà ses employés à « travailler d'où ils le souhaitaient, jusqu'à trois jours par semaine. Depuis mars 2020, l'ensemble des collaborateurs sont en télétravail, à 100% », ajoute ce même porte-parole.