
Il leur avait donné jusqu'au début du mois de juin pour rectifier le tir. Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie n'a eu de cesse de marteler, ces derniers jours, que les industriels de l'agroalimentaires ont jusqu'à cette date pour revoir les étiquettes dans les rayons, et baisser leurs prix alors que tarifs de nombreux produits diminuent sur les marchés ( blé, céréales, énergie ...)
Si certains ont joué le jeu, et rouvert des échanges avec la grande distribution, d'autres ont laissé filer la montre. Et le ministre de l'Economie n'entend pas laisser passer. « Sur l'alimentaire, il faut accélérer la baisse.. soit les industriels tiennent leurs engagements, soit j'utiliserais l'instrument fiscal pour rendre ce qu'ils doivent aux consommateurs », a répété en fin de semaine, le ministre au micro de France Inter.
Selon nos informations, Bruno Le Maire va convier cette semaine - peut être en visioconférence - pour un dernier coup de pression, avant une possible sentence.
Inflation qui reflue
Certes, selon les dernières données de l'Insee l'inflation diminue à 5,1% en mai sur un an, contre 5,9 % le mois précédent, ou même 6 % en début d'année. Mais cette amélioration tient surtout au ralentissement des prix de l'énergie, des produits manufacturés et des services. L'inflation sur les produits alimentaires reste élevée -14,1%-.
Or, le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Francais. Et selon une étude de l'Ifop dévoilée cette fin de semaine, une majorité d'entre eux admet avoir du mal à boucler leur budget, en particulier ceux qui gagnent moins de 2 000 euros net par mois. Près d'un tiers des ménages vit avec moins de 100 euros dès le 10 du mois. Un tiers des Français en vient à sauter régulièrement un repas. Outre ces difficultés matérielles qui en découlent, cette situation entraine des troubles anxieux, dépressifs importants, note encore l'Insee. « On ne peut pas rester sans rien faire, alors que certains en profitent pour retrouver des marges », assure un conseiller gouvernemental.
La menace d'une taxe
Pour Bercy, le temps n'a que trop duré. Le gouvernement travaille sur une taxe exceptionnelle sur le chiffre d'affaires des industriels. Seule manière, selon lui, de faire infléchir les grands groupes encore réticents à réajuster leurs tarifs.
Les modalités de cette taxe ne sont pas encore dévoilées, mais cette contribution exceptionnelle serait mise en place dans le projet de loi de finances 2024, selon Bercy. Elle serait temporaire. Et porterait sur le chiffre d'affaires. A quelle hauteur ? " Le risque c'est que ce soit plus un symbole qu'une véritable sanction ", assure un l'économiste Elie Cohen, qui note toutefois que c'est le seul pays où le gouvernement met ainsi la pression pour la réouverture de négociations entre entreprises privées.
Les professionnels du secteur agroalimentaire, eux, se défendent. Selon le président de l'ANIA, la principale organisation de l'agroalimentaire, Jean-Philippe André, la très grande majorité des industriels ont repris langue avec les distributeurs. Ne serait-ce que parce que les volumes de ventes ont tendance à baisser dans les enseignes, du fait de la hausse des prix, et que ces supermarchés ont donc intérêt à ne pas perdre trop de clients.
Les distributeurs préservés
Quant aux distributeurs, le gouvernement estime qu'ils ont fait le nécessaire, en prolongeant le panier anti-inflation, au-delà du 15 juin, date à laquelle il devait normalement s'arrêter. Mais si le principe est acté reste à formaliser les modalités. Bercy échangera également avec eux ce début de semaine.
Les distributeurs ont "sanctuarisé" le prix de plusieurs produits dans leurs rayons. Et estiment qu'ils ne peuvent aller plus loin. Système U, Intermarché, etc... tous assurent qu'ils ont très peu de marges de manœuvres - moins de 2%- .
Sans compter que le secteur est en proie à d'importantes difficultés et doit revoir son modèle sous la concurrence de nouvelles firmes comme Action, Lidl etc. Ainsi, Carrefour a-t-il annoncé cette semaine son intention de se délester de plus de 1000 emplois ; Casino planche sur la restructuration de sa dette et s'apprête à céder jusqu'à 180 hyper et supermarché à Intermarché ; et Auchan va aussi céder des supermarchés déficitaires...