Malgré les aides du gouvernement, l'inflation continue de creuser les inégalités

Sans le bouclier tarifaire, l'inflation aurait pu grimper de 3 points supplémentaires révèle l'Insee dans une récente étude. Malgré cette aide chiffrée à 24 milliards d'euros par Bercy, les plus pauvres et les classes moyennes subissent tout de même une hausse de prix supérieure aux plus riches. La remise de 30 centimes d'euros sur le tarif des carburants prévue en septembre et octobre devrait également bénéficier aux plus aisés. De quoi relancer le débat sur le ciblage des aides alors que le gouvernement planche sur le budget 2023.
Grégoire Normand
La remise de 30 centimes d'euros sur un litre de carburant en place depuis le premier septembre devrait permettre un gain de pouvoir d'achat de 50 euros pour les 10% les plus aisés contre 25 euros pour les 10 % les plus pauvres.
La remise de 30 centimes d'euros sur un litre de carburant en place depuis le premier septembre devrait permettre un gain de pouvoir d'achat de 50 euros pour les 10% les plus aisés contre 25 euros pour les 10 % les plus pauvres. (Crédits : Reuters)

Explosion des prix de l'énergie, flambée des denrées alimentaires...les Français sont en première ligne face à l'inflation. Cette semaine, l'Insee a indiqué que l'indice général des prix à la consommation avait marqué le pas entre juillet et août passant de 6,1% à 5,8%. En dépit de ce coup de frein, la plupart des économistes tablent sur un prolongement d'une inflation élevée. « Le pic d'inflation n'est sûrement pas passé. La hausse des prix de l'énergie est aussi liée à des problèmes structurels liés au nucléaire. Ils ne vont pas disparaître du jour au lendemain », a déclaré Christopher Dembik, directeur de la recherche macroéconomique chez SaxoBank, interrogé par La Tribune.

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Du côté de Bercy, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé lors d'une réunion de rentrée avec des journalistes que « la hausse des prix du gaz et ceux de l'énergie sera contenue [dans les prochains mois]. Nous allons lisser cette hausse des prix sur les entreprises et les ménages » a-t-il poursuivi. En revanche, « il y a un risque de spirale des prix de gros vers les prix de détail » a ajouté le numéro deux du gouvernement.

L'exécutif travaille sur plusieurs scénarios actuellement en cas de fermeture totale du robinet de gaz russe. Dans le contexte d'une guerre à rallonge, la question de l'efficacité des mesures adoptées devrait enflammer les débats parlementaires à quelques semaines de la présentation du budget 2023. « La France est l'un des pays qui a mis le plus sur la table en Europe pour protéger les ménages et les entreprises. Ce 'quoi qu'il en coûte' énergétique n'a pas vocation à durer», a ajouté l'économiste de Saxo.

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L'inflation, une machine à creuser les inégalités malgré les aides

Depuis l'automne 2021, le gouvernement a mis en œuvre une panoplie de mesures destinées à amortir ce choc inflationniste. Parmi les dispositifs emblématiques figure le bouclier tarifaire. Selon de récents calculs de Bercy, ce bouclier a coûté environ 24 milliards d'euros depuis sa mise en place, soit un point de produit intérieur brut (PIB). Ce coût pourrait encore grimper si les prix de l'énergie continuent de s'envoler à l'approche de l'hiver.

Dans une étude dévoilée jeudi 1er septembre, l'Insee a détaillé l'impact de ce bouclier sur l'inflation. Résultat, les prix de l'énergie ont bondi de 28% chez les ménages entre le second trimestre 2021 et le second trimestre 2022 au lieu de 54% sans bouclier. Ce qui signifie que la hausse a été divisée par deux. Du côté des entreprises, la poussée des prix a atteint 20% sur la même période au lieu de 50% si le bouclier n'avait pas été mis en place. Récemment, le ministre de l'Economie s'est félicité des résultats de cet outil.

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Derrière cette moyenne, se cachent des disparités criantes au sein de la population française. Les statisticiens ont ainsi calculé que si le bouclier a bien protégé les personnes les plus exposées, c'est-à-dire les plus pauvres face à l'inflation, ces derniers subissent tout de même des hausses plus élevées que les catégories supérieures. Les ménages des trois premiers déciles connaissent respectivement un bond de 3,3% (1er décile), 3,4% (2nd décile), 3,5% (3ème décile). Quant au dernier décile, la hausse est de 2,7%. Il s'agit de la plus faible variation sur l'ensemble de la population étudiée.

L'énergie pèse plus lourd dans le budget des plus pauvres

Comment expliquer de telles divergences ? Compte tenu du poids des dépenses énergétiques et de transport dans le budget des ménages modestes, l'inflation galopante des prix de l'essence et du gaz plombe avant tout le porte-monnaie des plus pauvres. « Ainsi, les dépenses d'énergie représentent 12,7 % des dépenses de consommation des 10 % des ménages avec les revenus les plus faibles, contre 9,5 % pour les 10 % des ménages avec les revenus les plus élevés. Plus la part de produits affectés par une forte hausse de prix est importante dans le panier d'un ménage, plus le ménage est affecté par cette inflation », soulignent les économistes de l'Insee.

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Ces dépenses liées à l'énergie font partie des dépenses contraintes peu compressibles. Cela signifie que les ménages ont parfois peu de marge de manœuvre pour faire face à l'envolée des prix. C'est d'ailleurs ce qui était arrivé à l'hiver 2018 lorsque la hausse de la taxe carbone sur l'essence avait mis le feu aux poudres autour des ronds-points. La colère des « gilets jaunes » avait provoqué une vague de sidération sur tout le territoire.

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La remise sur les carburants profite d'abord aux plus riches

La remise sur les prix des carburants est passée de 18 centimes d'euros à 30 centimes depuis le premier septembre dernier. Ce niveau d'aide doit durer jusqu'à la fin du mois d'octobre. Elle sera ensuite minorée à 10 centimes en novembre-décembre. Cette hausse intervient alors que les prix, en particulier du gazole, ont connu un bond ces derniers jours, après une période de baisse cet été. Le gazole valait la semaine dernière 1,9488 euro le litre en stations-services, ristourne de 18 centimes incluse, soit 10,88 centimes de plus par rapport à la semaine précédente, selon des chiffres officiels. La hausse était moindre pour l'essence : le super sans plomb 95 valait 1,7797 euro (+0,90 centime).

Selon de récents calculs du cabinet Astères, ce coup de pouce doit permettre de faire baisser les prix des carburants d'environ 15%, soit une diminution de 40 euros. Là encore, cette moyenne masque de profonds écarts. Les plus modestes bénéficieraient d'un gain de pouvoir d'achat aux alentours de 25 euros contre un gain d'environ 50 euros pour les ménages les plus aisés. « Ces derniers, roulant plus et/ou avec des véhicules plus puissants que les ménages modestes, captent une plus grande part des gains de pouvoir d'achat de la remise carburant », souligne le cabinet. Avec l'extinction progressive de cette ristourne et la fin du bouclier tarifaire, le gouvernement va devoir plancher sur des mesures plus ciblées s'il ne veut pas affronter une fronde sociale en plein cœur de l'hiver.

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Grégoire Normand
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