La SAM dans l'Aveyron, Ford à Blanquefort, près de Bordeaux..., la liste des fermetures d'usines a continué de se remplir lors du précédent quinquennat Macron. Les deux longues années de pandémie ont plongé l'industrie tricolore déjà affaiblie dans une profonde léthargie. Après de multiples confinements et des pagailles en chaîne dans les grands ports de commerce de la planète, l'industrie a payé un lourd tribut dans cette profonde crise. L'éclatement du conflit en Ukraine et la politique zéro-covid menée en Chine ont une nouvelle fois porté un coup dur au "Made in France", même si l'industrie tricolore a retrouvé des couleurs en 2021 puisque, selon l'observatoire Trendeo de l'emploi et de l'investissement, les créations d'usines ont fortement augmenté en 2021 en France, avec un solde positif de 120 usines nouvelles (176 créations et 56 fermetures).
Face à toutes ces crises, le gouvernement a, en effet, multiplié les plans ces dernières années pour tenter de limiter le marasme et réindustrialiser l'économie tricolore lourdement affectée par des décennies de délocalisations. Entre le plan de relance, le plan France 2030 et le plan de résilience annoncé au printemps, l'exécutif espère amorcer "la reconquête industrielle" comme il l'a annoncé à plusieurs reprises. Il n'empêche. Malgré tous ces discours et ces plans, la "remontada" industrielle pourrait prendre des décennies.
2 points de PIB en plus d'ici 2030, la France toujours à la traîne de l'Europe
Après des années de délocalisation, la part de l'industrie manufacturière dans le produit intérieur brut (PIB) hexagonal a dégringolé pour atteindre environ 10%, soit l'un des niveaux les plus bas en Europe. Selon une évaluation du cabinet de conseil et d'audit PwC France (PricewaterhouseCoopers) dévoilée ce jeudi 12 mai, l'industrie regagnerait 2 points dans le PIB tricolore d'ici à 2030, pour atteindre 12%.
À titre de comparaison, la moyenne en Europe est de 16%. En Allemagne, cette part s'élève à 21% pour l'industrie manufacturière, 19,7% en Italie ou encore 16% en Espagne. "La France est l'un des pays les plus désindustrialisés d'Europe. Seuls le Luxembourg, Chypre ou Malte nous suivent. Je pense que nous n'avons pas conscience de la situation de notre industrie. Quantitativement, la France part de tellement bas que même avec un effort très conséquent, cela ne permet pas de rattraper notre retard par rapport à la moyenne européenne", explique à La Tribune Olivier Lluansi, associé chez PwC et ancien conseiller industrie à l'Elysée.
Près de 100 milliards d'euros d'investissement d'ici à 2030
Les effets des différents plans et des relocalisations sur l'investissement sont malgré tout relativement importants. Selon les calculs du cabinet de conseil, les 98 milliards d'euros d'investissement public et privé pourraient générer 68 milliards d'euros de valeur ajoutée annuelle. "Ces chiffres sont inédits depuis 40 ans. C'est un effort qui n'a pas été fait depuis très longtemps", souligne l'expert en industrie. Le multiplicateur budgétaire retenu dans le scénario de référence est que un euro d'argent public investi engendrerait 2,5 euros d'investissement privé.
Certaines grandes filières seront les grandes bénéficiaires de ces différents plans. "Il s'agit des composants électroniques et la production de produits pharmaceutiques, les véhicules électriques, le recyclage du plastique et des matériaux de construction notamment via la décarbonation de ces industries", complète Olivier Lluansi, ancien délégué aux Territoires d'industrie lancée par l'ancien Premier ministre Edouard Philippe sous la coupole du Grand Palais en novembre 2018.
431.000 emplois créés d'ici à 2030
Sur le front de l'emploi, tous ces investissements pourraient également annoncer de bonnes nouvelles dans les prochaines années. "Tous ces plans permettraient de générer 431.000 emplois directs et indirects à l'horizon 2030. Ce sont des hypothèses conservatrices", explique Olivier Lluansi.
Mais là encore, ces créations seraient loin de compenser les centaines de milliers de postes détruits depuis les différents chocs pétroliers des années 70, une époque où le poids de l'industrie représentait près de 22% de l'économie. "Entre 1974 et 2018 les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,5 millions d'emplois), l'industrie ne représentant plus aujourd'hui que 10,3 % du total des emplois", expliquait le dernier rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la désindustrialisation.
La réindustrialisation, le défi du prochain quinquennat
Lors de la présentation de son programme présidentiel à Aubervilliers au début du printemps, Emmanuel Macron a mis l'accent sur la nécessité de réindustrialiser la France. Cette politique devrait passer principalement par l'amplification de la baisse des impôts de production et par le plan France 2030 présenté en grande pompe à l'Elysée à l'automne 2021 devant un parterre de ministres, chefs d'entreprise, économistes et étudiants.
"Pour réussir cette réindustrialisation, il faut travailler sur les nouveaux défis technologiques et en même temps travailler avec les territoires. Cette réindustrialisation des territoires peut passer par la production des jeans de Mulliez ou encore des laves-vaisselles de Daan Tech. Ce second levier n'est pas assez développé dans les politiques publiques. Dans le plan France 2030, une approche territoriale serait utile par exemple", souligne Olivier Lluansi.
A la veille de la nomination d'un nouveau gouvernement, Emmanuel Macron sait qu'il devra prendre ce dossier à bras le corps s'il ne veut pas se retrouver rapidement en difficulté.