La fin des soldes d'hiver ce mardi sonne l'heure du bilan pour les commerçants de prêt-à-porter. Déjà, l'Alliance du Commerce, qui représente 761 enseignes, a compilé les données des trois premières semaines de soldes avec Retail Int. La saison n'a pas été bonne... Loin de là.
Sur cette période, le représentant des commerces de prêt-à-porter enregistre un chiffre d'affaires en baisse de 6% par rapport aux trois premières semaines des soldes d'hiver 2023, dans tout l'Hexagone. « Nous avons constaté une dégradation de l'activité au fil des semaines avec surtout une baisse de trafic en magasin de 7% par rapport à l'année dernière », affirme à La Tribune, Yohann Petiot, président de l'Alliance du commerce, qui intègre une soixantaine de grandes enseignes (Jules, Monoprix, Levi's, Promod...).
Le prêt-à-porter milieu de gamme, en pleine crise
Une mauvaise nouvelle pour le prêt-à-porter milieu de gamme, en pleine crise depuis plus d'un an avec la réduction de voilure de nombreuses enseignes comme Camaïeu, Kookaï, Naf Naf, Gap France, Burton of London, Minelli, Pimkie... placées en redressement judiciaire ou même parfois liquidées. Ce segment de marché, à qui profitaient les soldes, séduit bien moins, concurrencé par des acteurs discount à prix cassés toute l'année et la seconde main, un marché en pleine croissance.
Pour la Fédération nationale de l'habillement (FNH) qui représente environ 35.000 boutiques de prêt-à-porter indépendantes, le réchauffement climatique et la douceur des températures en janvier ont plombé l'attrait des Français pour les vêtements d'hiver. Le chiffre d'affaires a baissé au cours des deux premières semaines. « La météo et le climat social ont probablement joué sur la venue des clients », avance-t-il. Autre élément d'explication, le trop grand nombre de promotions. « Avec le Black Friday, les pré-soldes, les ventes privées et autres, la clientèle est gavée de faux prix et n'achète plus pendant les soldes et encore moins aux vrais prix », fait valoir Patrick Aboukrat, président régional de la FNH Île-de-France. Cette tendance touche l'ensemble des segments, la mode femme, homme et enfant, fait remarquer à l'AFP Pierre Talamon, président de la FNH.
De son côté, l'Alliance du Commerce estime que les magasins du Nord et de l'Est de la France ont fait les frais d'une deuxième semaine des soldes compliquée avec de la neige tandis que le Sud et l'Ouest ont vu leur activité décliner lors de la troisième semaine, au moment où ont débuté les manifestations des agriculteurs qui ont bloqué la circulation routière, « ce qui a peut-être influencé les clients », reconnaît Yohann Petiot. Mais ces phénomènes conjoncturels qui se répètent néanmoins depuis 2019 (crise des gilets jaunes en 2019 puis la pandémie de Covid venant perturber en 2020 les soldes d'été et en 2021 ceux d'hiver), n'expliquent pas tout.
« Il n'y a pas de report de consommation sur le e-commerce, il y a donc un vrai sujet de baisse du pouvoir d'achat », rappelle le représentant de l'Alliance du Commerce.
De nombreux professionnels du secteur invoquent également un problème de calendrier, les soldes étant trop avancés dans l'année. Les commerçants ont à peine « le temps de vendre les vêtements (de saison) » qu'il faut déjà « les brader », a expliqué à l'AFP Jean-Guilhem Darré, délégué général du SDI.
La SDI et la FNH demandent au gouvernement de repousser les dates des soldes, tandis que l'Alliance du Commerce prône le statu quo sur la question.
La continuité d'une année 2023 morose
La baisse de la consommation n'est en effet pas nouvelle. Déjà pendant les fêtes, les consommateurs ont manqué à l'appel. Ayant vu leurs budgets fondre suite à l'inflation, les Français ont moins acheté pendant cette période, avec un panier moyen inférieur de 0,6% par rapport à l'année dernière, entraînant une baisse du chiffre d'affaires 2,6% sur un an des magasins en décembre, toujours selon l'Alliance du Commerce. Contre toute attente, cette perte n'a pas été rattrapée pendant ces soldes. « Nous aurions pu penser que les consommateurs allaient profiter de cette période pour faire leurs achats tout en économisant un peu, mais ça n'a finalement pas été le cas », avoue Yohann Petiot.
Les commerçants ne voient donc toujours pas la fin des temps difficiles. Quatre ans après la crise du Covid-19 qui a chamboulé l'activité des magasins contraints de fermer leurs portes pendant de longs mois, le marché du prêt-à-porter n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant la crise sanitaire et enregistre une perte de 9% depuis 2019. L'année dernière, marquée par une forte inflation, le marché de l'habillement a perdu 3,5% de sa valeur selon l'Alliance du Commerce à cause d'une baisse moyenne de 0,6% du chiffre d'affaires des magasins et de faillites de plusieurs enseignes ayant conduit à la suppression de 4.000 emplois dans le secteur.
L'incertitude demeure pour 2024
Après plusieurs années moroses, le prêt-à-porter peut-il espérer souffler en 2024 ? C'est peu probable selon les représentants du secteur.
« Nous espérons que la situation va se redresser mais nous n'avons pas de signe macroéconomique qui permette d'anticiper une meilleure année pour les commerçants » s'inquiète Yohann Petiot.
Lire aussiCroissance mondiale : le décrochage entre l'Europe et les Etats-Unis va s'accentuer en 2024
Mais l'espoir demeure cependant grâce à un événement qui pourrait doper les ventes cet été : les Jeux olympiques. Avec 15,8 millions de visiteurs, Paris et l'Hexagone devraient profiter d'une forte pression acheteuse entre les mois de juillet et d'août. Rien que sur le Grand Paris, l'alliance s'attend à une hausse de 33% de touristes sur la période, une manne de nouveaux clients potentiels pour les commerces.
Pour autant, rien n'est certain. « Les visiteurs seront surtout des touristes nationaux qui ont moins pouvoir d'achat et nous craignons qu'ils aient dépensé tout leur budget dans leur logement et leurs billets pour les jeux », confie Yohann Petiot. Réponse dans quelques mois.