Sans surprise, l'examen du projet de loi sur le « partage de la valeur » entamé ce lundi à l'Assemblée nationale a déjà suscité des débats. Pour rappel, ce texte est une transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI) signé en février par quatre syndicats sur cinq - sans la CGT. Ce dernier prévoit, entre autres mesures, d'étendre des dispositifs tels que l'intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur (PPV ou « prime Macron ») à toutes les entreprises de plus de 11 employés.
Cela « pourrait concerner 1,5 million de salariés d'ici deux à trois ans », a fait valoir le ministre du Travail Olivier Dussopt ce lundi sur CNews. Il a également défendu un texte qui doit permettre d'agir « pour le pouvoir d'achat pour faire face à l'inflation », saluant « une proposition de solidarité accrue entre capital et travail ».
Les oppositions réclament des hausses de salaire
Dans les rangs de l'Assemblée nationale, les députés LR ont soutenu les dispositifs de « partage de la valeur », vus comme un « complément de rémunération et de challenge pour les salariés ». Ce sont bien les seuls.
Les autres oppositions sont dubitatives. L'ensemble de la gauche appelle à agir d'abord sur les salaires. L'écologiste Eva Sas a ainsi reproché au gouvernement de « développer toutes les alternatives permettant de freiner les augmentations ». Au Rassemblement national aussi, on affirme que l'augmentation des salaires « reste le meilleur partage de la valeur ». Olivier Dussopt rétorque lui que les hausses salariales ne sont pas « incompatibles », renvoyant la balle aux entreprises.
Les députés de gauche ont multiplié les tentatives pour engager des revalorisations du SMIC, encadrer les écarts de salaires entre employés et patrons, et sanctifier une « non substitution des primes aux hausses de salaires ». Invoquant une note de l'Insee selon laquelle les "primes Macron" pourraient s'être substituées à hauteur « d'environ 30% en moyenne à des revalorisations » de salaire fin 2022, ils ont préconisé d'inscrire dans la loi le fait que des sommes versées au titre de l' « intéressement », de la « participation », ou d'une prime de partage de la valeur, ne peuvent se substituer aux salaires.
Si Olivier Dussopt a insisté sur le fait que des garde-fous existaient déjà dans le code du Travail, l'Assemblée a adopté un amendement du rapporteur Louis Margueritte (Renaissance) soulignant que les sommes versées pour les dispositifs de participation ne peuvent revêtir le caractère de « salaire ». Une formulation trop restreinte pour la gauche.
Expérimentation validée sur les dispositifs de « participation »
Les députés ont approuvé ce lundi une première expérimentation de cinq ans pour faciliter le déploiement de dispositifs de « participation ». Elle permettrait à des entreprises de moins de cinquante salariés d'en instaurer si elles le souhaitent, par accord d'entreprise ou de branche, avec un mode de calcul spécifique et différent de celui appliqué aux entreprises de taille supérieures. Mais celui-ci pourrait être plus ou moins favorable aux salariés, alimentant les craintes à gauche d'une « participation low-cost », selon les mots du socialiste Jérôme Guedj.
L'un des articles majeurs du texte doit être mis au vote ce mardi. Il prévoit que les entreprises de 11 à 49 employés, dont le bénéfice net représente au moins 1% du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives, mettent en place au moins l'un des différents dispositifs de partage de la valeur, pour cinq ans d'expérimentation.
Des « bénéfices exceptionnels » à définir
Au cours de l'examen du texte les débats s'animeront aussi autour des « bénéfices exceptionnels ». Le projet de loi prévoit que les entreprises d'au moins 50 salariés en négocient définition et partage. La majorité présidentielle a prévu de repréciser que « la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice » devra entre autres prendre en compte la taille de l'entreprise et son secteur.
Les oppositions veulent davantage de cadrage et prônent, à l'instar des Insoumis, des primes systématiques en cas de « superprofits ». Emmanuel Macron s'est lui-même engagé durant sa campagne à instaurer un « dividende salarié », et le patron du groupe MoDem Jean-Paul Mattei a soulevé à l'automne le sujet des « superdividendes ». Olivier Dussopt a alerté sur « un risque de surenchère » et ne défendra toute modification à l'ANI « qu'avec un consensus des signataires ».
(Avec AFP)