Partage de la valeur  : le projet de loi étudié à l'Assemblée, ce qu'il faut retenir

L'Assemblée nationale se saisit ce lundi du projet de loi sur le « partage de la valeur » au sein des entreprises. Celui-ci est issu d'un accord syndicats-patronat, qui promet de nouveaux bras de fer sur les « superprofits » et les salaires.
Olivier Dussopt, ministre du Travail, plaide pour que « l'équilibre du texte soit conservé », pressant les députés de se tenir sur le partage de la valeur à « l'accord, rien que l'accord ».
Olivier Dussopt, ministre du Travail, plaide pour que « l'équilibre du texte soit conservé », pressant les députés de se tenir sur le partage de la valeur à « l'accord, rien que l'accord ». (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Après les débats agités sur la réforme de la retraite, Oliver Dussopt, ministre du Travail, retrouve cet après-midi, à partir de 16 heures, l'Assemblée nationale. Il y défendra le projet de loi sur le « partage de la valeur », notamment dans les petites entreprises. Ce texte de transposition est « fidèle » à un accord national interprofessionnel (ANI). Ce dernier prévoit, entre autres mesures, d'étendre des dispositifs tels que l'intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur (PPV ou « prime Macron ») à toutes les entreprises de plus de 11 employés. Cela « pourrait concerner 1,5 million de salariés d'ici deux à trois ans », a fait valoir le ministre lundi à Cnews.

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Le projet prévoit que les entreprises de 11 à 49 employés et qui sont rentables - dont le bénéfice net représente au moins 1% du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives - mettent en place au moins un dispositif de partage de la valeur, pour cinq ans d'expérimentation. En commission, les députés ont avancé d'un an l'entrée en vigueur de l'obligation, à début 2024.

 « Se tenir à l'accord, rien que l'accord » (Dussopt)

L'accord a été signé par quatre syndicats sur cinq - sans la CGT - et se situe « dans la lignée des réformes depuis 2017 pour revaloriser le travail », vante le ministre. Il plaide pour que « l'équilibre du texte soit conservé », pressant les députés de se tenir à « l'accord, rien que l'accord ».

La Première ministre Elisabeth Borne, qui cherche à renouer le dialogue social après le long conflit des retraites, se félicite : « Ce projet de loi illustre ce qu'on souhaite faire avec les partenaires sociaux, c'est-à-dire leur laisser prendre la main » puis traduire les accords dans la loi.

La gauche et le RN redoutent « un contournement du salaire »

Mais les parlementaires entendent prendre pleinement leur part, et ont déposé quelque 380 amendements. Les députés LR soutiennent les dispositifs de « partage de la valeur », vus comme un « complément de rémunération et de challenge pour les salariés ». Les autres oppositions sont plus dubitatives, voire franchement opposées. Au Rassemblement national, on craint que le déploiement de ces dispositifs ne se fasse « au détriment de l'augmentation des salaires, qui reste le meilleur partage de la valeur ».

La gauche redoute aussi un « contournement du salaire » et accuse le gouvernement de « ne répondre en rien à la question du pouvoir d'achat ». Les élus LFI vont chercher à supprimer ce qu'ils perçoivent comme des « écrans de fumée » pour tromper les salariés, et l'ensemble de la Nupes pousse pour des mesures d'égalité salariale ou de « justice sociale ».

Le dividende salarié mis de côté

Les débats promettent d'être animés autour de la question des « bénéfices exceptionnels ». Le texte prévoit que les entreprises d'au moins 50 salariés devront en négocier la définition et le partage. La majorité présidentielle a prévu dans l'hémicycle de repréciser que « la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice » devra prendre en compte la taille de l'entreprise, son secteur. Insuffisant pour les oppositions, qui veulent davantage de cadrage et prônent, à l'instar des Insoumis, des primes systématiques en cas de « superprofits ».

Certains dans la majorité ne sont pas en reste, Emmanuel Macron s'étant lui-même engagé durant sa campagne à instaurer un « dividende salarié », et le patron du groupe MoDem ayant soulevé depuis l'automne le sujet des « superdividendes ». Le ministre du Travail a alerté sur « un risque de surenchère » et ne défendra toute modification à l'ANI « qu'avec un consensus des signataires ».

Le texte ne s'attaque pas aux grandes entreprises qui consacrent leurs revenus « exceptionnels » à des rachats d'actions alors qu'Emmanuel Macron avait demandé de réfléchir aux moyens d'en faire « profiter » les travailleurs. Olivier Dussopt a renvoyé une éventuelle mesure au prochain budget.

Une redistribution de la valeur ajoutée inégale ?

Selon un rapport de l'ONG Oxfam publié ce lundi, les grandes entreprises françaises ont privilégié davantage leurs actionnaires que leurs salariés dans la redistribution de la valeur ajoutée depuis 2018. Elle dénonce une « déconnexion », dans un rapport publié lundi.

Entre 2011 et 2017, « les versements aux actionnaires et les dépenses par salarié.e évoluent de manière conjointe » avant une « nette rupture » en 2018, souligne Oxfam dans cette étude sur « l'inflation des dividendes » des 100 plus grosses entreprises françaises cotées en Bourse. « Alors que les versements aux actionnaires font un bond de 40% en ligne avec la croissance de la valeur ajoutée, les dépenses par salarié.e se mettent à stagner » à partir de 2018, observe l'ONG.

Outre le déséquilibre dans le partage de la valeur, l'ONG regrette le manque d'investissement de ces entreprises, notamment dans la transition énergétique. « En 2019, 45% des dividendes et rachats d'actions versés aux actionnaires auraient suffi à couvrir leurs besoins en investissement dans la transition écologique », estime Oxfam, qui note « qu'en moyenne 71% des bénéfices » de ces entreprises ont été redistribués à leurs actionnaires, de 2011 à 2021, via dividendes ou rachats d'actions.

Oxfam réclame que le versement des dividendes soit conditionné par la loi à la mise en place « d'un salaire décent sur l'ensemble de la chaîne de valeur », ainsi que « d'une stratégie climat ambitieuse » et d'un plan d'investissement mis en place avec le comité social et économique (CSE) de l'entreprise.  L'ONG souhaite aussi l'abolition du prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes (« flat tax ») et le conditionnement des aides publiques au plafonnement des dividendes.

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 26/06/2023 à 20:13
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Bonjour, Personnellement , je remarque que les bénéfices sont toujours très mail répartis, beaucoup pour les actionnaires, moins pour la valorisation de l'entreprise (remplacement des machines ou autre..) et très peux pour les salariés... (Prime, ha...

à écrit le 26/06/2023 à 18:10
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Dommage qu'ils imposent toujours des mesurettes qui en plus vont être nocives. Ces employes n'auront pas d'augmentations de salaires annuel... Donc deux questions: - pourquoi les entreprises de plus de 11 employés et pas toutes les entreprises? ...

à écrit le 26/06/2023 à 16:38
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Et on a besoin de geler dans une loi ce qui ressort d'un contrat entre les organisations syndicales et les patrons? Les retraites? Les 35 heures? Tous ces freins à l'adaptation à l'immédiat. Que le gouvernement se limite à ce qui ressort de ses attri...

à écrit le 26/06/2023 à 16:14
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Un partage de la valeur pour les opportunistes pour engraisser d'autres opportunistes et faire remonter le ruissellement dans un minimum de poche !

à écrit le 26/06/2023 à 14:00
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Les politiques et l’état incapables de gérer correctement nos finances publiques, les groupes nationalisés (SNCF, RATP, EDF tous virtuellement en faillite..), interviennent partout et se faisant, font un tord absolument considérable à notre pays!

à écrit le 26/06/2023 à 11:14
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Il est navrant de lire constamment cette opposition entre dividendes et salaires. Il n'existe aucune relation entre les deux éléments. OXFAM doit-être constitué d'ignares ou pire de tant d'idéologie qu'ils en oublient les fondements de la finance et...

à écrit le 26/06/2023 à 10:59
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Une division de la classe productrice par les salaires et conditions de travail dont certains employés auront accès à un peu moins mal que d'autres. Principe de division copieusement appliqué dans à peu près tous les domaines, une banalité affligeant...

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