
Sur le papier, l'idée est simple. Tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) devront s'inscrire à France Travail, organisme qui verra le jour début janvier 2024 en lieu et place de Pôle emploi. L'objectif du gouvernement est de mieux accompagner ces personnes à se réinsérer, se former, retrouver un emploi.
Selon Olivier Dussopt, le ministre du Travail qui porte ce texte, concentrer dans une même structure, un guichet unique, toutes les ressources à apporter aux bénéficiaires du RSA, sera plus efficace. Et pour ce faire, le texte débattu au Sénat prévoit que les 1,9 million d'allocataires du RSA s'inscrivent à France Travail. Aujourd'hui, à peine, 40% d'entre eux sont inscrits à Pôle emploi.
Une donnée que le gouvernement ne veut pas négliger, lui qui vise un objectif de plein-emploi à la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron - soit 5% de taux de chômage, contre 7% actuellement.
Une hausse « mécanique » attendue
« Oui, dans l'immédiat, ce projet augmentera automatiquement le nombre de demandeurs d'emploi inscrits auprès de Pôle emploi », reconnaît Olivier Dussopt. Le ministre du Travail concède qu'il y aura une hausse de la courbe du chômage. Mais pas de quoi s'inquiéter, assure-t-il. Selon lui, cela n'aura même pas forcément d'incidence sur les chiffres du chômage au sens du BIT, le Bureau international du Travail, fournis par l'Insee. « Car ces chiffres n'ont pas grand-chose à voir avec le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi », explique le locataire de la rue de Grenelle. Il rappelle que ce sont ceux du BIT que les experts regardent, pour les comparaisons internationales.
Il est vrai que les deux organismes - Pôle emploi et Insee - ne mesurent pas le chômage selon la même méthodologie. Le BIT se base en effet sur une enquête, réalisée chaque trimestre, auprès d'un échantillon de personnes. De son côté, Pôle emploi fonctionne selon des catégories de demandeurs d'emploi (A,B,C...), la catégorie A, recensant les chômeurs sans aucune activité, jouant les juges de paix.
La solution pour le ministre est donc d'inscrire ces nouveaux allocataires dans d'autres catégories, comme celles des dispensés de recherche.
Eviter l'inscription en catégorie A
Reste que cette option n'est pas aussi simple qu'elle n'y paraît. En principe, les allocataires qui, dans la plupart des cas ne travaillent pas du tout, devraient, à l'évidence, rejoindre la catégorie A.
« On comprend mieux pourquoi le texte en débat au Sénat insiste sur le fait que les bénéficiaires du RSA soient tenus de suivre une formation ou des heures de travail d'insertion... Cela les fera obligatoirement sortir de la catégorie A pour basculer dans une autre », plaide un proche du dossier.
Pour rappel, le texte prévoit que les allocataires du RSA réalisent en effet au moins une quinzaine d'heures de formation, de travail d'insertion... par semaine.
Si le gouvernement affiche sa confiance, en coulisses, l'inquiétude transparaît. « Bien entendu, qu'on a en tête le risque de l'inversion de la fameuse courbe du chômage. C'est ce qui a coûté à François Hollande une possible réélection... », plaide un conseiller ministériel. Et d'ajouter : « Surtout quand la baisse du taux de chômage est une des principales réussites du quinquennat ».
Une nouvelle catégorie Pôle emploi ?
Selon nos informations, le ministère du Travail n'exclut pas, si besoin, de créer une nouvelle catégorie spécifique dans laquelle il pourrait regrouper ces allocataires. Un pari risqué, qui alimenterait encore les critiques déjà nombreuses vis-à-vis de cette loi plein- emploi.
Les syndicats reçus ce mercredi à Matignon ont redit à Elisabeth Borne tout le mal qu'ils pensaient de ce texte, qui va contraindre les bénéficiaires du RSA à signer un contrat d'engagement, et à rejoindre France Travail, avec le risque d'être radiés en cas de manquement d'actualisation.