Comment les candidats Macron et Le Pen recyclent la décentralisation avec de nouveaux concepts

Malgré une dernière loi de décentralisation promulguée début 2022, le président-candidat ne prononce plus ce terme et lui préfère celui de "proximité". Idem pour la candidate du Rassemblement national qui emploie celui de "démétropolisation". Emmanuel Macron et Marine Le Pen font en effet campagne sur la réduction de la fracture territoriale, et non sur une énième réforme institutionnelle.
César Armand
(Crédits : Reuters)

C'est un gros mot qui revient sans cesse dans le débat public mais qui sera à coup sûr le grand absent du débat de l'entre-deux-tours : la décentralisation. Malgré une dernière loi en ce sens promulguée début 2022, le président-candidat Emmanuel Macron ne prononce plus ce terme, sauf une fois à Marseille le 16 avril à propos de son projet de planification écologique. Quant à la candidate du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, elle ne l'emploie jamais.

Quarante ans après la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, portée par le ministre de l'Intérieur Gaston Defferre et promulguée par le président Mitterrand, le fait de transférer des compétences administratives de l'Etat vers des entités locales et/ou des collectivités territoriales ne fait plus recette auprès des électeurs.

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Déconcentration pour Macron, démétropolisation pour Le Pen

Les deux finalistes de l'élection présidentielle parient en effet sur la "proximité". Dans sa dernière profession de foi intitulée "Pour tous les Français", la candidate du RN se fait l'avocate du "maintien des services publics de proximité, [de la] reconstruction de l'hôpital public [et de la] revalorisation salariale des soignants de 10%". Porte-parole de l'actuel chef de l'Etat sur ce thème, Thomas Cazenave érige aussi en "boussole du projet, plus de proximité pour l'action publique en allant plus loin dans la déconcentration".

Derrière ce concept de déconcentration, il s'agit d'implanter sur le terrain des autorités administratives représentant l'Etat. Depuis septembre 2020, 2.500 fonctionnaires de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) sont par exemple en train de s'installer dans cinquante villes moyennes plutôt que de rester à Paris. "Après l'avoir enclenchée avec la DGFIP, l'idée est de voir comment nous pouvons l'étendre à d'autres départements ministériels", explique à La Tribune le marcheur Thomas Cazenave, conseiller municipal d'opposition à Bordeaux, ex-délégué interministériel à la Transformation publique et ancien "dircab" adjoint d'Emmanuel Macron à Bercy.

Marine Le Pen, elle, ne parle pas de déconcentration, mais de "démétropolisation". "Il s'agira avant tout de renforcer le maillage territorial en infrastructures de transport mais aussi numériques et énergétiques; cela permettra un retour des services publics et concomitamment le développement et l'installation d'entreprises créatrices d'activité et d'emplois", écrit-elle dans son programme.

Moins de fracture territoriale, plus de différenciation

Que ce soit la candidate du RN ou le président-candidat, tous deux font en effet campagne sur la suppression d'impôts locaux au bénéfice des sociétés comme sur la réduction de la fracture territoriale. Auditionnée par la puissante association des maires de France (AMF) mi-mars, Marine Le Pen a ainsi proposé une "politique de rééquilibrage des territoires" où l'Etat jouerait un rôle d'aménageur du territoire.

De son côté, Emmanuel Macron promet, notamment de "renforcer le réseau des sous-préfectures" et de "continuer le développement des maisons France services". A date, le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités locales revendique 2.000 guichets uniques de ce genre pour être aidés dans ses démarches administratives.

Dans le même esprit, la candidate du RN comme le président-candidat plaident pour davantage de différenciation, c'est-à-dire pour donner aux collectivités locales davantage de souplesse pour adapter leur action aux particularités et aux attentes de leurs territoires. Dans une interview accordée au site spécialisé Acteurs publics, Marine Le Pen s'y dit "favorable" à la condition que l'objectif poursuivi soit "d'assurer à nos concitoyens le meilleur service public possible".

"Que certaines collectivités exercent ainsi à leur demande des compétences supplémentaires, que d'autres de la même catégorie n'ont pas sollicitées, ne me gêne donc pas, pourvu que la cohésion nationale n'en souffre pas", poursuit la fille de son père.

Emmanuel Macron se fait, lui, le chantre de la différenciation pour les sujets d'éducation, de santé et de transition écologique et énergétique. "Si les élus sont d'accord pour revoir tel ou tel périmètre, redistribuer telle ou telle compétence, l'État accompagnera ces évolutions. Il s'agit d'associer les uns et les autres pour trouver localement des façons d'agir plus vite", déclare son porte-parole Thomas Cazenave.

Pas de grand soir institutionnel, mais une réforme des départements et des régions

Logiquement, ni l'un ni l'autre ne proposent en revanche un grand soir institutionnel. Devant les maires de France, Marine Le Pen s'est prononcée contre "une énième réforme", mais a déclaré vouloir "remodeler" les grandes régions et s'interroger "sur la pertinence du cadre départemental actuel".

Emmanuel Macron vient, lui, de reprendre à son compte la réforme avortée de Nicolas Sarkozy de conseiller territorial, un élu unique pour le département et la région.

"C'est un conseiller qui siège dans les deux institutions pour rapprocher les grandes régions des administrés, amener une réponse de lisibilité, répondre à la question du "qui fait quoi" et créer plus de coopération entre les deux niveaux. En résumé, retrouver une plus grande clarté dans les responsabilités et redonner de la cohérence à des politiques éclatées", affirme Thomas Cazenave, "relais" d'En Marche.

Toujours est-il que ces réformes des conseils départementaux et des conseils régionaux ne pourront entrer en vigueur qu'en... 2027, date des prochains scrutins pour ces assemblées locales. En attendant, la candidate du RN comme le président-candidat doivent convaincre le maximum de Français d'ici au 24 avril prochain 20 heures.

César Armand
Commentaires 6
à écrit le 21/04/2022 à 8:45
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La décentralisation ne fait plus recette auprès des électeurs ? Dites plutôt que l’état parisien se radicalise depuis 15 ans, peu importe l'intérêt des électeurs, les médias sont là pour les gaver de sujets éphémères pour ne surtout pas toucher au pr...

à écrit le 20/04/2022 à 22:02
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bj les rouges!!!!voté macron ... la banque sera protégé

à écrit le 20/04/2022 à 21:38
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Augmentation des retraites sur l'inflation. Que nenni. Il n'en est absolument pas question M MARCRON comme vous venez de le déclarer. Il ne le sera que pour les petites retraites. Les autres n'en n'ont pas besoin d'après vous quatre sur le plateaux. ...

à écrit le 20/04/2022 à 20:08
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Avec Macron nous vivons DEJA la décentralisation des ..GOPE depuis ses 5 ans de ..présidence mais notre stakhanoviste de l' UE "schwabienne", pas très chaud pour le concéder continue à nous faire croire qu' il a la main quand...

le 20/04/2022 à 20:56
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Le cliché incarné du gars qui fantasme la politique française, qui confond tout et n'a rien compris aux programmes de l'une comme de l'autre... Mais bon, quand on soutient Asselineau, faut pas s'attendre à une lumière!

à écrit le 20/04/2022 à 19:42
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Ou en est la proportionnelle promise par Macron?

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