Promise après la crise des Gilets jaunes, la loi de décentralisation voit le bout du tunnel parlementaire

Réunis en commission mixte paritaire dans la soirée du 31 janvier, les députés et les sénateurs sont parvenus, contre toute attente, à un consensus sur le projet de loi "3DS". Attendu depuis la crise des Gilets jaunes, le texte gouvernemental de décentralisation, de déconcentration, de différenciation et de simplification de l'action publique est parvenu à combler l'ensemble des parlementaires. Et ce même si, pour le Sénat, il reste des trous dans la raquette...
César Armand
Je voudrais saluer la ténacité de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault. C'est un texte qu'on a vu, puis perdu avant de le retrouver, lâche à La Tribune Françoise Gatel, présidente (UDI) de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat.
"Je voudrais saluer la ténacité de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault. C'est un texte qu'on a vu, puis perdu avant de le retrouver", lâche à La Tribune Françoise Gatel, présidente (UDI) de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat. (Crédits : Reuters)

C'est l'épilogue de trois ans de tractations entre les élus locaux, les parlementaires et l'exécutif. La concrétisation d'une promesse du chef de l'Etat au lendemain du grand débat national post-crise des Gilets jaunes. Le dernier grand texte gouvernemental avant le premier tour de l'élection présidentielle. Députés et sénateurs viennent enfin de s'accorder sur la dernière version du projet de loi relatif à la décentralisation, à la déconcentration, à la différenciation et à la simplification de l'action publique locale, dit "3DS".

"Je voudrais saluer la ténacité de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault. C'est un texte qu'on a vu, puis perdu avant de le retrouver", lâche à La Tribune Françoise Gatel, présidente (UDI) de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat.

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Une bataille qui n'était pas gagnée d'avance

Ce n'était pas gagné d'avance en effet. Après un passage à l'Assemblée nationale en première lecture en mai 2021, puis au Sénat qui l'enrichit de 50 propositions, le texte revient au Palais-Bourbon en deuxième lecture. Le projet de loi en ressort alors flanqué de 107 dispositions nouvelles et retranché de 48 propositions sénatoriales. Réunis en commission mixte paritaire dans la soirée du 31 janvier, les parlementaires ont fini par aboutir à un texte consensuel contre toute attente.

"Alors que l'Assemblée avait pas mal vidé ce que le Sénat avait nourri, le gouvernement nous a entendus. On garde l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre ", résume la sénatrice Françoise Gatel.

Ensemble, les députés et les sénateurs ont validé des dispositions émanant du Sénat, comme l'encadrement de l'implantation des éoliennes grâce aux plans locaux d'urbanismele transfert des routes nationales en priorité aux départements (10.000 km, Ndlr) ou encore la représentation des élus locaux dans les agences d'Etat.

"Les agences de santé, les agences de l'eau... Elles mènent toute leur propre vie. La politique de l'Etat ne peut pas être gérée ainsi. Il faut qu'il y ait un référent qui harmonise les points de vue", explique la présidente de la délégation à la décentralisation et aux collectivités territoriales du Sénat.

Les parlementaires ont également acté le renforcement du rôle du préfet de département dans l'attribution de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la gouvernance de l'Office français de la biodiversité (OPB). "Depuis la réforme des grandes régions, le préfet voit de loin le quotidien des communes, alors que le préfet de département connaît la proximité", décrypte Françoise Gatel.

Un accord sur le logement social

Autre sujet et non des moindres : la loi Solidarité et renouvellement urbain de 2001 qui oblige certaines communes à disposer d'un nombre minimal de logements sociaux proportionnel à leur parc résidentiel. En l'occurrence, les communes de plus de 3.500 habitants, et même de 1.500 habitants en Île-de-France, appartenant à des intercommunalités comptant au moins une ville de 15.000 habitants, doivent recenser au moins 25% de logements sociaux d'ici à 2025.

Lors de l'examen de la loi "3DS" en première lecture à la Chambre haute, les sénateurs ont voté le remplacement de ce quota de 25% par la mise en place de « contrats de mixité sociale » entre les communes et les préfets afin, disent-ils, d'« adapter » le rythme de construction. Un message entendu par l'exécutif. En clôture du congrès des maires fin novembre, le président Macron s'était déclaré « confiant » sur le chemin « pour trouver les bons équilibres pour une bonne souplesse sur la loi SRU et l'adapter aux contraintes du terrain ».

Une réponse traduite dans le projet de loi lié à la décentralisation, à la déconcentration, à la différenciation et à la simplification de l'action publique. La loi SRU sera désormais adaptée à chaque commune et fera l'objet de contrats de mixité sociale entre le maire et le préfet pour atteindre le quota de 25%.

Des trous dans la raquette

Les sénateurs n'ont en revanche pas été écoutés par les députés ni sur la médecine scolaire - qu'ils auraient aimé transférer de l'Education nationale aux départements -  ni sur la gouvernance des autorités régionales de santé, les fameuses ARS. Les parlementaires de la Chambre haute plaidaient pour que le conseil d'administration soit co-présidé par le président de conseil régional et le préfet.

De son côté, le ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les collectivités territoriales affirme "faire confiance aux élus locaux pour relever, dans la proximité, les grands défis du pays" (décentralisation), "donner aux collectivités la souplesse nécessaire pour adapter leur action aux particularités et aux attentes de leur territoire" (différenciation), "rapprocher l'État du terrain en soutien des collectivités" (déconcentration) et "faciliter l'action publique locale" (simplification).

L'administration de Jacqueline Gourault rappelle par exemple que les collectivités pourront récupérer "plus rapidement" les biens sans maîtres et abandonnés afin de conduire leurs projets d'aménagement et de rénovation des bâtiments. De même que les opérations de revitalisation des territoires (ORT), créés par la loi Élan de 2018 pour soutenir l'offre commerciale locale, sortent "renforcées".

Le texte doit encore être voté les 8 et 9 février prochains

En réalité, la révolution copernicienne est à chercher du côté de la différenciation. Lors du grand débat national, le chef de l'Etat avait promis de supprimer les "irritants" de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé). Adoptée en 2015, cette dernière supprimait la clause générale de compétence pour les départements et les régions et leur attribuait des compétences précises.

Avec la "3DS", les régions et les collectivités pourront dorénavant formuler des propositions d'évolution législative pour adapter le droit à leurs besoins. De la même façon que les communes pourront transférer des compétences facultatives à leur intercommunalité. Enfin, toutes les collectivités pourront mettre en œuvre des délégations de compétences projet par projet pour que ces derniers se concrétisent.

Reste maintenant deux dernières étapes et non des moindres: le texte gouvernemental sorti de cette commission mixte paritaire doit être voté dans des termes identiques à l'Assemblée nationale le 8 février puis au Sénat le 9 février. Avant l'ultime: la promulgation par le président Macron.

César Armand
Commentaire 1
à écrit le 02/02/2022 à 10:05
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Osez faire le parallèle GJ et décentralisation, il fallait le faire! Tout cela va aboutir a la décentralisation des responsabilités avec la centralisation des moyens financiers, a l'image de la construction européenne et du recul de la démocratie! C'...

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