Selon le rapport "France, portrait social" de l'Insee, publié fin novembre, 58% des ménages détiennent au moins un logement, que ce soit leur résidence principale ou un autre bien. La répartition est toutefois largement inégale : un ménage sur quatre détient presque les deux tiers des logements du parc immobilier. Alors qu'il reste, selon la Fondation Abbé Pierre, 300.000 sans domicile fixe (SDF), 4 millions de mal-logés - en cohabitation forcée, en suroccupation... - et 12 millions de précaires énergétiques, que proposent Emmanuel Macron et la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen, pour les locataires et les propriétaires ?
APL, caution.. Le changement dans la continuité chez Macron
En préambule de sa première conférence de presse de président-candidat le 17 mars dernier, l'actuel chef de l'Etat déclarait ne pas pas pouvoir "revenir de manière plus détaillée" sur "des sujets très importants (...) comme le logement qui touchent aussi notre quotidien". Force est de constater que la communication sur le sujet se fait encore attendre...
Pas encore candidat, Emmanuel Macron avait déjà concédé ne pas être "allé suffisamment loin" sur la production de logements sociaux lors d'un débat enregistré et filmé avec le délégué général de la Fondation Abbé Pierre début février. Malgré le volontarisme de sa ministre du Logement Emmanuelle Wargon de vouloir construire 250.000 logements d'ici à fin 2022, seules 104.800 autorisations à construire au lieu de 120.000 ont été délivrées en 2021 auprès des bailleurs sociaux. Ces derniers estiment même qu'il en faudrait 150.000 par an pour répondre aux 2,2 millions de demandes de logements sociaux.
Dans un autre registre, malgré le tollé général à l'automne 2017 après la baisse de 5 euros des APL, le chef de l'Etat y annonçait vouloir « réformer les aides personnelles au logement » (APL). En ligne de mire, le revenu universel d'activité (RUA), évoqué dès la mi-2019, qui fusionnerait l'ensemble des aides sociales, dont les APL.
"C'est une réforme d'ensemble. Elle est très importante et s'accompagnera, de toute façon, d'un investissement de la Nation parce que tout ça, ça ne se fait pas en baissant les prestations", expliquait Emmanuel Macron.
En attendant une prise de parole du candidat de l'entre-deux-tours, c'est sa ministre du Logement Emmanuelle Wargon qui joue les porte-paroles. Intervenant devant l'Union sociale pour l'habitat, la Fondation Abbé Pierre, la Fédération française du bâtiment et les associations d'élus France urbaine et Intercommunalités de France mi-mars, l'ex-secrétaire d'Etat à la Transition écologique a prôné "la continuité" de l'action engagée depuis mai 2017.
Sauf que dans le tract de 24 pages "Avec vous" distribué ici et là, Emmanuel Macron évoque ce sujet en deux lignes. Il y défend une caution publique élargie pour les locataires qui aiderait à lutter contre les discriminations dans le logement "et, en même temps", tout en proposant de sanctionner les mauvais payeurs.
Une idée défendue par la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) avant d'y renoncer en janvier 2020 suite à une réunion de travail avec la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). "Nous comprenons que les conditions techniques ne sont pas réunies pour créer un fichier des impayés locatifs [et] poursuivons le dialogue plus que jamais nécessaire avec les pouvoirs publics pour rétablir la confiance propriétaires-locataires", tweetait, à l'issue du rendez-vous, son président Jean-Marc Torrollion.
Une piste rejetée en bloc à l'époque par Julien Denormandie, le ministre du Logement d'Emmanuel Macron. "Arrêtons de caricaturer dans les deux sens ! Trop souvent, j'entends que les locataires ont pour principal hobby de dégrader les biens, et que les propriétaires sont des nantis. Cela est faux dans les deux cas ! Je veux réconcilier les propriétaires et les locataires", s'agaçait celui qui est devenu directeur de campagne du président-candidat.
D'autant que la caution publique en question existe depuis 2016, pilotée par Action Logement. Il s'agit de la garantie « Visale » (Visa pour le logement et l'emploi, Ndlr) qui garantit le versement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaut de paiement du locataire. Après avoir été réservée aux salariés de moins de 30 ans ainsi qu'aux employés en CDD ou en mobilité professionnelle, le dispositif a été étendu, début juin 2021, à l'ensemble des travailleurs au salaire inférieur à 1.500 euros nets, soit près de 6 millions de Français toutes sources confondues. Une caution qu'Emmanuel Macron entend "élargir".
Une France de propriétaires : Marine Le Pen la joue comme Nicolas Sarkozy
Dans une tribune parue sur le site spécialisé News Tank Cities début 2022, la candidate du RN déclare, elle, vouloir "renouer" avec la France des propriétaires, considérant que l'accession à la propriété n'a pas progressé "depuis près de dix ans" et "stagne" depuis 2013. Elle défend notamment l'idée d'un prêt à taux zéro de 100.000 euros pour les jeunes accédant à la propriété.
Dans la même veine, Marine Le Pen appelle à "encourager l'innovation financière" pour déployer des offres de prêts touchant les jeunes actifs et les classes moyennes modestes en mettant en place des prêts immobiliers "portables".
"Ainsi, les Français vendant un bien sur lequel ils auraient encore un prêt pour en acheter un autre, conserveraient le prêt en cours et les taux d'intérêts. Il s'agirait aussi que le vendeur puisse transférer son prêt en cours à l'acheteur", écrit-elle.
La candidate du Rassemblement national propose également que l'Etat garantisse à chaque couple qui aura son premier enfant d'adosser à un prêt immobilier un prêt d'appoint de 50.000 à 100.000 euros à taux zéro en fonction des revenus. Le capital restant dû serait, lui, transformé en subvention à partir du troisième enfant.
"Cette mesure vise non seulement à renforcer la natalité, mais aussi à résorber l'énorme injustice d'accès au capital qui plombe nos valeurs méritocratiques", souligne-t-elle.
Marine Le Pen veut aussi permettre aux parents et aux grands-parents de donner, à leurs enfants et petits-enfants, sans impôts 100.000 euros tous les dix ans pour faciliter la constitution d'un apport personnel, réinjecter des liquidités dans l'économies mais surtout "mettre le pied à l'étrier aux futurs propriétaires". Dans ce même esprit familial, la fille de son père supprimerait les droits de succession à travers de 300.000 euros sur le patrimoine immobilier pour favoriser la conservation des biens.
La candidate du RN aimerait parallèlement supprimer l'Impôt sur la fortune Immobilière (IFI), dont s'acquittent les propriétaires d'un patrimoine immobilier supérieur ou égal à 1,3 million d'euros. Elle le qualifie de "taxation absurde de l'enracinement" et souhaite le remplacer par un impôt sur la fortune financière.
La candidate du Rassemblement national n'en oublie pas pour autant de faire le lien avec les locataires. Elle propose de créer un fonds de garantie des loyers pour "protéger les propriétaires". Avant de quitter l'Assemblée nationale pour l'Association nationale des industries alimentaires, le député (LREM) Mickael Nogal avait bien tenté, sans succès, d'inscrire dans la loi l'obligation de garantie loyer.
Les administrateurs de biens, à commencer par les agents immobiliers, l'auraient en effet interprété comme un risque d'empiétement sur leurs compétences, leur métier consistant justement à choisir les locataires pour les propriétaires. Depuis, les compagnies d'assurances se positionnent sur ce marché.
Pour ceux qui ne peuvent pas devenir propriétaires, Marine Le Pen espère par ailleurs vouloir créer 100.000 logements sociaux par an, dont 20.000 pour les étudiants et les jeunes travailleurs. L'Union sociale pour l'habitat (USH), qui fédère les bailleurs sociaux, estime, a contrario, qu'il faudrait en construire 150.000 par an.
La candidate du RN défend d'autre part un dispositif permettant aux pouvoirs publics de céder gratuitement ou à bas prix des logements situés en zones rurales, contre un engagement de rénovation ou d'une durée minimale d'occupation. Objectif : faciliter l'accueil des néoruraux.