
Gérard Larcher a tenu sa promesse. En janvier dernier, le président (LR) du Sénat avait annoncé que la Chambre haute du Parlement allait écrire son propre texte en vue du projet de loi "3D" - décentralisation, déconcentration, différenciation - alors en cours de préparation par le gouvernement.
Ce 2 juillet, entouré du président (LR) de la commission des Lois Philippe Bas et du patron de la délégation (UC) aux collectivités territoriales Jean-Marie Bockel, Gérard Larcher a présenté 50 propositions "pour une nouvelle génération de la décentralisation".
Au lendemain des élections municipales, les sénateurs espèrent quatre grands axes de réformes: le renforcement de l'autonomie des collectivités territoriales, du principe de subsidiarité, l'amplification de la différenciation et le renforcement du contrôle du Parlement pour "garantir les libertés locales".
"Qui décide paie"
Au chapitre renforcement de l'autonomie des collectivités territoriales, la Chambre des territoires recommande, notamment, de garantir l'autonomie financière des collectivités locales, en inscrivant dans la Constitution le principe selon lequel "qui décide paie". Autrement dit, à chaque nouvelle norme, l'Etat devra déléguer les moyens nécessaires, explique le président de la commission des Lois, Philippe Bas.
En réalité, pour reprendre les mots du même Philippe Bas, "l'autonomie financière des collectivités locales tend à devenir un vain mot". Effectivement, depuis le début du quinquennat, le président de la République n'a de cesse de répéter aux élus locaux: "L'autonomie financière et fiscale, je n'y crois pas !"
La sacro-sainte différenciation
Au volet principe de subsidiarité, les sénateurs veulent en finir avec la recentralisation des compétences territoriales et adapter les normes et les compétences aux réalités locales. C'est la fameuse différenciation, c'est-à-dire la possibilité d'avoir une application différente des lois en fonction des territoires. La loi 3D qui devait consacrer cette possibilité étant ajournée, et les élus locaux s'étant trouvé aux avant-postes pendant la crise sanitaire, la demande est légitime.
D'autant que lors de sa dernière allocution, le président de la République a déclaré: "Tout ne peut pas être décidé à Paris". Il y a quinze jours, Emmanuel Macron a en outre annoncé qu'il entendait "bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités". "J'en ai la conviction profonde: l'organisation de l'Etat et de notre action doit profondément changer", ajoutait-il.
Sauf que ces déclarations sonnaient comme celles de sa Lettre aux Français de janvier 2019 en pleine crise des "gilets jaunes". "Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d'action au plus près des citoyens?" écrivait-il. De même qu'elles ressemblaient fortement aux propos tenus lors la conférence de presse post-"Grand débat national" trois mois plus tard: "changer le mode d'organisation de notre République" avec des "principes simples", notamment sur les "problématiques de la vie quotidienne" afin de"garantir des décisions au plus près du terrain".
"On est déterminés !" (Gérard Larcher)
Interrogé par La Tribune sur la réelle volonté du chef de l'Etat, le président Gérard Larcher fait confiance à Emmanuel Macron pour passer des paroles aux actes. "Je lui dis 'chiche !' Nous sommes dans une attitude positive, attentive et exigeante". Son collègue de la commission des Lois, Philippe Bas, lui, ne craint pas la concurrence de leur rapport avec les idées présidentielles: "Nous ne devons pas être à la remorque de l'exécutif", justifie-t-il.
Jean-Marie Bockel, le président de la commission des Lois, assume, pour sa part, le coup de communication à quelques mois des élections sénatoriales, les maires et les conseillers municipaux étant les grands électeurs de ces messieurs. "Il est attendu du Sénat qu'il soit force de proposition !" "Nous ne voulons pas un enterrement de première classe !", renchérit Philippe Bas. "On est déterminés !" s'exclame Gérard Larcher.
Sujets les + commentés