« Réduire l'impact environnemental de l'industrie textile » : des députés s'attaquent à la Fast fashion

Alors que le textile vient de traverser une année noire, largement mis en difficulté par les enseignes de fast-fashion, leurs prix ultra bas et un renouvellement quasi-constant des collections, des députés du groupe Horizons ont déposé une proposition de loi portée par Anne-Cécile Violland. L'objectif : permettre une meilleure information à destination des consommateurs, et interdire la publicité pour les entreprises et produits relevant de cette mode éphémère, comme elle l'explique à La Tribune.
Coline Vazquez
La proposition de loi veut interdire la publicité pour les entreprises et produits relevant de cette mode éphémère.
La proposition de loi veut interdire la publicité pour les entreprises et produits relevant de cette mode éphémère. (Crédits : Thibaut Durand / Hans Lucas via Reuters Connect)

S'attaquer à la Fast Fashion. Telle est l'ambition de la proposition de loi qui sera défendue le 14 mars prochain par des députés du groupe Horizons. Porté par Anne-Cécile Violland, qui préside le groupe santé environnement à l'Assemblée nationale, le texte vise, en effet, à pénaliser financièrement ces enseignes et sites de e-commerce dont le modèle est basé sur de l'« ultra low-cost » accompagné d'un renouvellement quasi-constant des collections et des produits de moindre qualité, pour la plupart importés d'Asie. En tête de ces acteurs : le géant chinois Shein régulièrement accusé d'incitation à la surconsommation, mais aussi pour ses conditions de travail.

Lire aussiSoldes : le calendrier du prêt-à-porter bousculé par le réchauffement climatique

Ainsi, selon la proposition de loi, qui déplore un emballement de la filière, ce sont chaque année « plus de 100 milliards » de vêtements qui sont vendus dans le monde.

Concrètement, les députés Horizons entendent « réduire l'impact environnemental de l'industrie textile », en mettant en place une meilleure information à destination des consommateurs.

« Je voudrais que quelqu'un qui achète chez Shein ou encore Temu ne puisse pas dire qu'il ne sait pas ce qu'il achète en matière de dommage environnemental et social. C'est donc tout l'objectif de l'article 1 : définir par décret ce qui va relever de la mode éphémère », explique Cécile Violland à La Tribune.

Ce qui n'est pas une mince affaire, admet la députée, qui cite en critère notamment le nombre de nouvelles références par jour. Entrent également en compte : les conditions de fabrication. Un point qui pourrait étendre le nombre d'enseignes concernées aux géants européens H&M ou encore Zara : « Les conditions de fabrication en Asie de ces marques, tant salariales que de travail, sont dramatiques », alerte la femme politique, qui précise que ce sujet sera précisé lors des auditions - avec ces enseignes notamment - qui débuteront dès demain.

Une loi à porter à l'échelle européenne

Autre but de la proposition de loi : interdire la publicité pour les entreprises et produits relevant de la fast fashion. Or, cette dernière s'étale largement sur les réseaux sociaux plutôt que sur les écrans de télévision, rendant la mission d'autant plus difficile. « C'est l'objet du troisième article qu'il faudra porter au niveau européen », prévoit la députée. « Il faudra aller au-delà de la simple législation française », ajoute-t-elle encore, reconnaissant la difficulté de ce projet.

Le texte prévoit, en outre, une modulation de « l'écocontribution » versée par les sociétés en fonction de leur impact environnemental. « L'objectif est de l'augmenter de manière conséquente en la fléchant vers la mode éphémère », appuie Anne-Cécile Violland, afin de réduire l'écart de prix entre les produits issus de cette dernière et ceux issus de filières plus vertueuses.

Un texte salué par les professionnels du secteur

Une proposition de loi, sans surprise, qui a été bien reçue par les professionnels du secteur, interrogé par l'AFP, à l'instar du président de l'Union des industries textiles, Olivier Ducatillion, pour qui « toutes les initiatives qui visent à combattre la concurrence déloyale des Shein, Temu et consorts sont les bienvenues ». En effet, le député LR Antoine Vermorel a également annoncé avoir déposé une proposition de loi sur le sujet. Celle-ci propose aussi un système de « bonus-malus » pouvant aller jusqu'à cinq euros par pièce pour les entreprises d'« ultra-fast-fashion », autrement dit, celles qui mettent sur le marché plus de 1.000 nouveaux produits par jour.

Lire aussiPrêt-à-porter : ces villages de marques qui ne connaissent pas la crise

De son côté, le président de la fédération du prêt-à-porter féminin Yann Rivoallan a estimé « judicieux » tout projet visant à sanctionner « des comportements économiquement, écologiquement et socialement dangereux ». Quant à Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement (FNH), il faut pénaliser ceux qui s'adonnent « à des techniques de marketing commercial et de surproduction qui vous poussent à acheter des vêtements pour les porter 7 à 8 fois puis les mettre à la poubelle ». Ces entreprises qui vendent en ligne « ne créent pas d'emplois, elles en détruisent », tance encore le professionnel.

Crise du prêt-à-porter

D'autant que le texte intervient après une année particulièrement éprouvante pour l'industrie du prêt-à-porter française. De Camaïeu à Kookaï, en passant par Pimkie, San Marina ou encore Burton of London, qui a été placé en liquidation judiciaire ce mardi... Toutes ces enseignes de milieu de gamme ont connu des difficultés ces douze derniers mois, jusqu'à parfois disparaître complètement, impuissantes face à Zara (appartenant au groupe espagnol Inditex) et H&M installés depuis les années 1990 et, plus récemment, à la fast-fashion encore plus agressive.

Lire aussiCessation, redressement judiciaire, liquidation... Retour sur 2023, année noire pour le prêt-à-porter français

Au-delà du site de vente en ligne Shein et de son concurrent, plus récent, Temu, figure également l'enseigne irlandaise, Primark, dont la directrice générale France, Christine Loizy, se félicitait d'ailleurs, en mars 2023, que « la crise du pouvoir d'achat conforte notre modèle », à l'occasion de l'ouverture de son 23e magasin de 3.500 m2 à Saint-Etienne. « Dans cette période très difficile pour tout le monde, nous, on marche très bien alors que la crise a maintenant un an (...). On récupère des clients qui n'ont plus les moyens pour des produits plus chers », expliquait-elle.

« Les clients ont donc modifié leurs choix pour faire face à la hausse générale des prix et l'habillement est devenu, en quelque sorte, une variable d'ajustement », confirmait, en effet, Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique à l'Institut français de la Mode (IFM), à La Tribune en décembre dernier. De quoi aboutir à une véritable crise du prêt-à-porter.

(Avec AFP)

Coline Vazquez
Commentaires 3
à écrit le 14/02/2024 à 10:12
Signaler
On pourrait commencer par Taxer tous les containers sur la base du volume et de la valeur déclarée qui contiennent des vêtements en provenance d'Asie. Ces taxes servant à embaucher des milliers de contrôleurs dans les ports européens pour traquer to...

le 14/02/2024 à 16:33
Signaler
On pourrait aussi orienter le produit de la taxe vers un subventionnement des vêtements "vertueux" ... Le français moyen ne voit que de nouvelles taxes, taxes, taxes sur le moins vertueux, mais il n'est jamais récompenser lorsqu'il est vertueux !! ...

à écrit le 14/02/2024 à 9:34
Signaler
"La notion de libre arbitre a été inventée par les classes dirigeantes" Nietzsche, schant que celles-ci déjà se croient détentrices de libre arbitre autant vous dire que les productifs en sont à des années lumières et que si vous pensez avec cette cr...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.