
Une "arnaque" pour les uns, l'espoir d'un "séisme politique" pour les autres: le texte d'abrogation de la retraite à 64 ans devrait donner lieu à un premier round musclé mercredi à l'Assemblée, avant son examen prévu le 8 juin dans l'hémicycle.
La contestation s'est invitée de manière inattendue à Cannes samedi soir, lorsque la réalisatrice Justine Triet, récemment récompensée par la Palme d'or, a dénoncé la manière « choquante » dont le gouvernement a nié le mouvement contre la réforme.
Le camp présidentiel serre les rangs
Le camp présidentiel cherche par tous les moyens à empêcher la proposition de loi Liot de progresser. Dès mercredi, lors de la commission des Affaires sociales, il prévoit de vider le texte de sa substance.
Reste alors l'étape décisive du 8 juin en séance, où les rapports de force semblent plus favorables à l'opposition qu'en commission... si toutefois un vote a lieu.
« Nous ferons tout notre possible pour éviter que ce débat ait lieu », a déclaré la secrétaire d'État Charlotte Caubel.
Le texte d'abrogation est considéré comme un « manque de respect envers les Français » par Elisabeth Borne, et même comme une « arnaque » selon certains députés de la majorité. Ces derniers soulignent que même s'il était adopté par l'Assemblée, il n'aurait aucune chance de poursuivre son parcours parlementaire.
Peu importe, répliquent le chef du groupe hétéroclite Liot, le député Bertrand Pancher, et le rapporteur de son groupe Charles de Courson, confiants en une possible victoire en rassemblant les voix de la gauche, du Rassemblement National et de certains membres des Républicains. « Je ne vois pas comment le président Macron pourrait l'ignorer ». Ce serait un « séisme politique », affirme Bertrand Pancher.
La Première ministre a répondu en insistant dimanche matin sur Radio J :
« Il n'est pas sérieux pour deux parlementaires, peut-être à la recherche d'un moment de gloire médiatique, de se livrer à ce genre de tromperie envers les Français ».
Le débat sur l'article 40 fait rage en commission
En commission, la majorité devrait sans surprise dégainer à nouveau sa principale arme pour faire barrage : l'article 40 de la Constitution. Ce dernier dispose que les initiatives des parlementaires ne sont pas recevables si elles entraînent un alourdissement des charges publiques.
La présidente Renaissance de la commission des Affaires Sociales, Fadila Khattabi, met en avant le coût de ce texte, qui s'élève à « plus de 20 milliards, ce n'est quand même pas une paille ». Elle a écrit à son homologue de la commission des Finances pour lui demander d'examiner la conformité du texte Liot à l'article 40.
La réponse d'Eric Coquerel, membre de la commission des Finances et de la France Insoumise, ne fait guère de doute : il n'a aucune intention de bloquer la proposition de loi.
Le plan du camp présidentiel
Cependant, le camp présidentiel a élaboré un plan pour contourner cet obstacle. Il espère tout d'abord réussir à supprimer l'article d'abrogation des 64 ans en commission lors de la séance de mercredi. Cela obligerait Liot à réintroduire sa mesure par le biais d'un amendement en vue de la séance du 8 juin. Un scénario qui permettrait à la présidente de l'Assemblée de brandir elle-même l'argument de la recevabilité financière.
Cette perspective déplaît fortement à certains membres du camp présidentiel. Yaël Braun-Pivet a jusqu'à présent refusé de le faire, estimant que le règlement de l'Assemblée nationale ne lui conférait pas le droit de le faire lors des premières étapes de recevabilité du texte, franchies sans difficulté.
Cependant, face à un amendement réintroduit pour la séance, la donne pourrait changer :
« Elle n'aurait plus le choix, elle devra prendre ses responsabilités », insiste un député de la majorité.
Le camp présidentiel dispose de plusieurs autres armes pour éviter un vote le 8 juin, notamment celle de l'« obstruction parlementaire », même si cette stratégie divise les députés.
Mathilde Panot, cheffe de file des députés Insoumis, estime que les Français « verront à quel point ils manœuvrent » pour éviter un vote.
Selon élue LFI, « ce qui est en train de se passer, c'est une brutalité démocratique ».