Réforme des retraites : l'exemple de l'absence de diplomatie publique

OPINION. L'adoption de la réforme des retraites par le recours au 49.3 et malgré une importante mobilisation contre le projet illustre la nécessité de trouver de nouveaux moyens pour consulter et recueillir l'avis des citoyens. Par Véronique Chabourine, membre du bureau de l'association pour une Renaissance européenne Paris, déléguée chargée de la communication.
Véronique Chabourine.
Véronique Chabourine. (Crédits : DR)

Le 22 mars, le président Emmanuel Macron reconnaît lors de son interview sur France 2 qu'il n'a pas su convaincre de la nécessité de sa réforme sur les retraites, mais il poursuit son impopulaire projet, refusant l'immobilisme. Une mobilisation inédite qui ne faiblit pas, surtout depuis le 16 mars, journée marquée par le recours à l'article 49.3 par la Première ministre pour faire adopter la réforme des retraites.

Selon l'institut de sondage Ipsos, les Français approuvent le principe de la réforme à 81% mais pas le calendrier ni le contenu ; réforme pourtant a priori nécessaire pour protéger notre système de la faillite. Le rejet du projet ne vient pas d'un manque de communication, 70% des Français savent ce qu'il contient. Par ailleurs, une puissante campagne de fake news alimentée principalement par l'opposition instrumentalise d'une certaine manière les citoyens contre le gouvernement.

Les fake news et la désinformation sont des techniques de Sharp power, concept théorisé par les chercheurs Christopher Walker et Jessica Ludwig, définissant le pouvoir d'influence de subversion ayant pour objectif la déstabilisation des démocraties libérales. Les nouvelles technologies ont fait de l'information et la data les nouvelles puissances. Le sharp power est devenu le nouveau hard power.

Défaite politique

Le projet de réforme des retraites est l'illustration d'une défaite politique, celle de l'opinion. Au-delà des clivages sur le terme de ce que nous vivons, nous savons que la crise de la démocratie représentative est bien réelle. La dernière étude de la fondation Jean Jaurès sur la réforme des retraites pointe le fait que l'individualisation des sociétés progresse et que les citoyens aimeraient pouvoir participer à la vie politique plus directement. Pourtant, Emmanuel Macron, réélu, a réussi a propulsé la France en tête des pays les plus influents à l'international. En 2022, la France est « dans une démocratie complète » avec un indice de démocratie stable, en hausse depuis 2017 selon le rapport de The Economist, qui évalue chaque année le niveau de démocratie des États.

Lors des élections législatives, les Français ont donné une majorité relative à l'Exécutif pour permettre un contre-pouvoir, ils souhaitent davantage de parlementarisme - preuve qu'ils ne se désintéressent pas de la politique mais qu'ils la défient. L'intérêt politique côtoie la défiance politique. Les principaux maux de la démocratie ne sont pas des spécificités françaises, mais sont structurels, sociétaux, et liés aux crises que nous traversons.

C'est l'absence de diplomatie publique. Les citoyens n'ont pas été sondés sur cette réforme, même si elle était annoncée comme un axe majeur du quinquennat d'Emmanuel Macron. La dernière consultation remonte à 2019 sur le projet précédent, la retraite par point. Face à un projet de réforme porté uniquement par la classe politique, après 12 journées de mobilisation, 74% des Français assurent selon le sondage Odoxa-Backbone consulting qu'ils signeraient certainement ou probablement le référendum d'initiative partagée, deuxième demande déposée le 13 avril par 252 parlementaires de la gauche. Dans la société civile, aucune plateforme citoyenne multi-acteurs n'a été impliquée pendant la réforme ni même en amont. Selon les sociologues Michel Crozier et Erhard Friedberg, le changement politique est par nature difficile faisant référence à la résistance des jeux de pouvoir comme une persistance de la liberté.

Les États-Unis, même s'ils ont un système politique différent, connaissent ces problématiques. Lors des élections de mi-mandat, ils ont enregistré un bond significatif avec 62,8 % de participation au vote. Il faut sortir du silo politique. Le message politique porté en dehors de son écosystème est efficace ; le phénomène d'Écho chamber désignant l'amplification des idées par la répétition est à considérer à l'ère des réseaux sociaux, il conforte.

« La diplomatie du public »

En 2016, Michelle Obama a lancé une plateforme citoyenne non partisane innovante appelée When we all vote qui a comme objectif l'engagement civique, réunissant tous les acteurs de la société ; citoyens, artistes, institutions et médias. Selon le sociologue Manuel Castells, « la diplomatie publique est la diplomatie du public ». La Civic tech, technologie visant à accroître le pouvoir du citoyen se développe et favorise la participation multi-acteurs, citoyens, artistes, institutions et médias, et enrichit les relations entre élus et citoyens dans une logique ascendante. La décision politique devient légitime lorsqu'elle procède de la délibération publique des citoyens, pour cela ces plateformes citoyennes doivent être initiées en dehors de la sphère politique.

La démocratie délibérative doit être utilisée au profit de la diplomatie publique et du Soft Power.

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Commentaires 2
à écrit le 24/05/2023 à 9:05
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Visiblement, on veut donner des excuses aux conséquences d'un "aveuglement", pour imputer la responsabilité aux victimes ! ;-)

à écrit le 24/05/2023 à 6:50
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Quelle réforme ? Non seulement ça n'a s'adresse qu aux serfs et aux vilains du privé vu que fonctionnaires et rentiers de la sncf ne sont pas concernés, et en plus il y a tellement de chèques de compensation qu'on se demande s'il y aura des économi...

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