Réformes du marché du travail : que mijote le gouvernement ?

La pression s'intensifie pour que Manuel Valls lance une réforme pour "simplifier" le contrat de travail et permette plus facilement de déroger aux règles sur la durée du travail et les rémunérations. Le gouvernement hésite sur le calendrier et l'ampleur de ces éventuelles mesures.
Déroger aux règles sur la durée du travail, réformer le contrat de travail... le gouvernement hésite

Le soir même du second tour des élections départementales, dimanche 29 mars, le Premier ministre a évoqué une « accélération des réformes », via, notamment, de nouvelles mesures en faveur de l'investissement public et privé et, surtout, concernant le fonctionnement du marché du travail.

Depuis, et ça ne tient pas au hasard, il y a une sorte d'emballement. Pierre Gattaz, le président du Medef, intervenant mardi 31 mars sur RTL, a plaidé pour un contrat de travail dont les clauses prévoiraient préventivement les motifs de rupture par licenciement. Par exemple, la chute d'activité justifierait la rupture du contrat. Et ce afin de « sécuriser » les chefs d'entreprise. En fait, Pierre Gattaz reprend une ancienne idée de la CGPME, une autre organisation patronale, qui souhaitait qu'un contrat de travail puisse être « naturellement » rompu, par exemple au terme d'un délai de trois ans, en cas d'absence de croissance ou de mauvais résultats de l'entreprise.

C'est aussi Jean Tirole - prix Nobel d'économie - et une dizaine d'autres économistes  - qui ont publié fort opportunément, lundi 30 mars, dans le quotidien Les Echos, une tribune où ils plaident en faveur d'un « Jobs Act » à la française. Leur credo : il faut simplifier la procédure de licenciement économique pour que le juge n'ait plus la possibilité de vérifier le caractère "sérieux" du motif, mais seulement son aspect "réel". Il faut également supprimer l'obligation pour l'employeur de chercher à reclasser un salarié menacé de licenciement. Il conviendrait aussi de moduler la cotisation des entreprises à l'assurance chômage selon le principe du bonus-malus.

Des accords dérogatoires à la durée du travail dans la loi Macron?

Par ailleurs, les « rumeurs » bruissent autour du projet de loi Macron sur la croissance et l'activité qui doit arriver devant le Sénat le 7 avril, avant de revenir en mai en seconde lecture à l'Assemblée Nationale. Selon ces rumeurs, le texte pourrait, par voie d'amendements du gouvernement ou de l'opposition sénatoriale UMP finalement comprendre des mesures permettant la conclusion d'accords de maintien de l'emploi « offensifs ».

Ces accords majoritaires (signés par un ou des syndicats représentant 50% des salariés) permettraient de conclure dans toutes les entreprises - et non comme actuellement seulement dans celles rencontrant des difficultés - des accords autorisant de déroger à la durée du travail sans, éventuellement, augmenter les salaires, voire même en les diminuant. Ce qui serait un coup sérieux porté au mécanisme des heures supplémentaires qui se déclenche automatiquement après la 35ème heure de travail.

Bien entendu, en vérité, le hasard n'a aucune place ici. Toutes ces manœuvres tendent à encourager Manuel Valls et son ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, à aller plus loin dans les réformes, notamment sur le fonctionnement du marché du travail. Mais qu'en est-il exactement ?

Selon nos informations, il y a divergence au sein de l'exécutif même sur l'opportunité et l'ampleur des réformes à mener sur le marché du travail. Ainsi, le ministre du travail, François Rebsamen, plaiderait plutôt pour un rythme « lent ». Il aurait l'oreille de François Hollande qui souhaite ne pas mettre le feu aux poudres avec une partie du PS, alors que les socialistes seront en congrès à Poitiers du 5 au 7 juin. « Vouloir inclure par amendements dans la loi Macron des accords offensifs de maintien de l'emploi ajouterait encore de la discorde au sein du PS », affirme, en effet, un député « frondeur ».

Un tel passage en force heurterait de surcroît la sensibilité des partenaires sociaux. En effet, conformément à un calendrier préalablement arrêté, les organisations patronales et syndicales ont décidé de se livrer à un examen critique de l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 (qui a donné lieu ensuite à la loi sur l'emploi de juin 2013). Or, il est prévu que le chapitre « accord sur le maintien de l'emploi » ne soit pas abordé avant une réunion prévue le 18 mai.

Dans ce cadre, on sait déjà que le Medef va proposer un assouplissement des règles régissant ces accords : il veut, notamment, que la durée de ces accords soit rendue possible au-delà des deux ans actuels, que l'on puisse également toucher aux rémunérations inférieures à 1,2 Smic (ce qui n'est pas possible aujourd'hui) et, enfin, que des entreprises « en bonne santé » aient aussi accès à ces accords « pour améliorer leur compétitivité ». C'est bien entendu ce dernier point qui passe le plus mal. « Il n'est pas question de signer ce type d'accord dans une entreprises qui n'est pas en difficulté, explique Joseph Thouvenel de la CFTC. Sauf situation exceptionnelle, lorsqu'une entreprise s'engage sur des investissements massifs durant plusieurs années pour relancer ou améliorer la production et donc l'emploi. Dans ces très rares cas on pourrait étudier l'opportunité ».

François Hollande ayant fait du dialogue social l'alpha et l'oméga de sa politique, il semblerait incohérent qu'il n'attende pas la réunion du 18 mai pour éventuellement inclure dans sa loi « Macron 1 » des dispositions sur les accords offensifs... Mais il sera alors un peu tard.

Le ministre de l'Economie doit d'ailleurs, dès vendredi 3 avril, en compagnie de François Rebsamen, rencontrer les partenaires sociaux lors d'une séance de travail consacrée à ce sujet. « Pour nous c'est une simple réunion de travail et non pas une réunion où on attend des annonces du ministre de l'Economie », prévient Joseph Thouvenel.

Une réforme du contrat de travail en septembre


Quant au deuxième sujet délicat, la réforme du contrat de travail. Il semble, là aussi, que ses partisans vont devoir patienter un peu. Plusieurs idées sont sur la table : contrat unique, contrat spécifique aux PME - Il y a déjà en France plus de 35 contrats de travail différents - , contrat à rupture simplifiée, etc. Rien n'est tranché. Là aussi, Manuel Valls s'est engagé à recevoir les organisations patronales et syndicales en juin pour évoquer ce sujet. Il n'y aura donc aucune décision prise avant. S'il devait avoir une réforme du contrat de travail, elle n'interviendrait sans doute pas avant la rentrée de septembre. On sait en effet Emmanuel Macron favorable à présenter un « projet de loi Macron 2 » destiné à favoriser l'économie numérique et l'investissement. Ce texte pourrait alors servir de « véhicule » à une éventuelle réforme du contrat de travail.

Il sera alors temps d'ouvrir le débat sur l'opportunité d'une telle réforme. S'agit-il d'une vraie voie pour créer de l'emploi ou encore de l'une de ces fausses bonnes idées - dont la France a le secret - basées sur des raisons idéologiques plus que pragmatiques ? La vérité en matière de créations d'emplois est en effet peut-être ailleurs que dans le droit du travail.



Commentaires 21
à écrit le 02/04/2015 à 15:28
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Pourquoi aussi ne pas motiver et responsabiliser les chefs d'entreprise en interdisant les parachutes dorés. Toute perte de chiffre d 'affaire doit se solder par un licenciement sec. Mais on peut rêver un 1er avril d'avoir des entrepreneurs qui pre...

à écrit le 02/04/2015 à 8:57
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Mais quel est ce pays où une entreprise en difficulté n'a pas le droit de licencier? On croit rêver...

le 02/04/2015 à 9:49
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Je ne sais pas, vous pensez à quel pays ? En France, il y a la procédure de licenciement économique, en cas de difficultés économiques, de mutations technologiques, de réorganisation ou de cessation d'activité.

à écrit le 02/04/2015 à 1:05
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Ce qu'il faut en 1er lieu, c'est une possibilité de mettre en place pour les CDI, une forme de rupture à l'initiative de l'employeur, alignée sur la rupture conventionnelle. À la simple différence que les indemnités versées aux salariés concernés, p...

à écrit le 01/04/2015 à 19:14
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Vous devriez nous citer ces fameux économistes en plus de Tirole qui ont fait la chronique des Echos pour que l'on se fasse une idée des personnes à qui nous avons à faire. De toutes façons c'est une politique social-libérale et non social démocrate...

à écrit le 01/04/2015 à 17:14
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Excellent article qui démontre bien la mauvaise foi du Medef. Le code du travail est le dernier rempart des salariés contre la politique ultra libérale qui sévit aujourd’hui. Il y a d’autres pistes à poursuivre, comme les contrats aidés, l’économie s...

le 01/04/2015 à 19:35
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S'ils le savaient eux-mêmes, ce serait déjà un premier pas...

le 02/04/2015 à 1:11
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Mais bien sur... faites donc un peu plus partir les investisseurs, continuez de croire que plus vous taxes les employeurs et plus ils recruterons... vous allez retomber de haut ! La parité euro/dollar n'a jamais été aussi favorable, le pétrole n'a p...

le 02/04/2015 à 15:31
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Pour investir, une bonne boite est Wallmart aux Usa. Il n'y a pas de faux frais de personnel. C'est la meilleure dans le domaine. En contrepartie les prix sont très bas. En France elle la moitié des employés et des sociétés d'agro-alimentaires su...

à écrit le 01/04/2015 à 17:12
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Bonjour, Il serait beaucoup plus simple de préciser dans la loi que la durée légale du travail en France est de 35h mais qu'elle peut-être dérogée par un accord de branche négocié avec les partenaire sociaux dans la limite des 39h. De plus remettre...

le 01/04/2015 à 22:09
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La notion de 35h ne doit être conservée que pour subventionner les 35 premières heures d'un emploi en CDI. Chaque entreprise doit pouvoir négocier le nombre d'heures qu'elle veut dans les limites européennes avec annualisation systématique, le coût...

le 02/04/2015 à 0:09
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@Téophile : Ce que vous proposez n'est pas possible dans le système français cela impliquerait d'abandonner les acquis sociaux et vous partez du principe que toute la population gagne le SMIC alors que seuls 13% de la population sont concernés par le...

le 05/04/2015 à 16:36
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Quand vous me reprochez de vouloir transférer toute la charge du système social vers l'impôt sur les ménages, je réponds oui mais ce n'est en rien une régression sociale. En effet de toute façon les charges sont incluses dans les prix et donc payées ...

à écrit le 01/04/2015 à 17:10
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Excellent article qui démontre bien la mauvaise foi du Medef. Le code du travail est le dernier rempart des salariés contre la politique ultra libérale qui sévit aujourd’hui. Il y a d’autres pistes à poursuivre, comme les contrats aidés, l’économie s...

à écrit le 01/04/2015 à 15:11
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un autre contrat de travail pourquoi faire ? il y a deja le cdd auquel s'ajoute les interimaires , je trouve qu' avec ça c'est deja suffisant pour les patrons

à écrit le 01/04/2015 à 14:58
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Bonne conclusion de l'article. vu le passé il n'est pas sûr que de telles mesures créent de l'emploi contrairement aux dires du MEDEF et de son laquais TIROLE qui a été adoubé par les économistes libéraux. Par contre une chose est sure si le gouverne...

le 01/04/2015 à 15:18
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Votre aveuglement idéologique vous fait écrire des injures ! De grâce, pas de ça ici !

à écrit le 01/04/2015 à 8:18
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Les salariés Français sont déjà au taquet. Et démotivés car ils ont l'impression qu'il ne travaillent que pour payer des impôts. Ils ne vont plus au restaurant, au cinéma, en vacances. Leurs enfants ne peuvent plus avoir d'activités associatives, spo...

le 01/04/2015 à 13:05
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Ce qui tue l'emploi en France : => les charges sociales comparativement à la moyenne des pays européens => le système couteux et à la fois inefficace de la formation professionnelle qui ne sert qu'à financer en sous main des organisations patronale...

le 01/04/2015 à 13:46
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" Ils ne vont plus au restaurant, au cinéma, en vacances". Enfin tout dépend quand même des revenus des uns et des autres , non ?.Les stations de ski font le plein sans problème.

le 02/04/2015 à 10:30
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Sauf que ceux qui vont au ski ne représentent qu'environ 1% de la population.

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