L'horizon se dégage enfin à Bercy. Après des semaines de tractations et de rumeurs à tout va, Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont enfin tranché. Nommé ministre de l'Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire va donc toujours garder la barre du paquebot Bercy secoué par de nombreuses tempêtes, et va même élargir son périmètre en récupérant l'énergie, portée dans le précédent gouvernement par une ministre de plein exercice, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, également chargée du climat. Un mouvement qui doit selon lui favoriser la bonne « réalisation du programme nucléaire français » mais qui suscite l'inquiétude de défenseurs de l'environnement.
« Avoir la responsabilité de l'énergie, c'est se donner les meilleures chances d'accélérer la réindustrialisation du pays et la réalisation du programme nucléaire français », s'est félicité dans Le Figaro Bruno Le Maire. La question des énergies était jusqu'à présent portée par une ministre de plein exercice, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique dans le précédent gouvernement, également chargée du climat. Parmi les gros dossiers figure le nucléaire, alors que le président Emmanuel Macron avait annoncé en 2022 un programme de six nouveaux réacteurs EPR, avec huit supplémentaires en option.
Sans parler d'énergie, le ministre a pu dérouler ses principaux chantiers pour 2024 lors de ses vœux aux acteurs de l'économie lundi dernier.
Autorisé par l'Elysée à faire cette séance solennelle en plein remaniement, le ministre a voulu montrer l'image d'une équipe soudée alors que le navire gouvernemental tanguait de toutes parts. Malgré cette confirmation, les prochains mois ne devraient pas être de tout repos pour le ministre de l'Economie. Au programme, une loi sur l'attractivité financière de la France, un autre texte sur la simplification des entreprises, et l'accélération de la réindustrialisation.
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Devant un parterre de 1.300 personnes, il a réaffirmé sa volonté de rester au ministère de l'Economie malgré les crises survenues depuis sa prise de fonction en 2017. « Tout a changé en sept ans sauf mon enthousiasme, mon engagement et ma détermination. Je suis ici pour servir les Françaises et les Français. Je suis ici pour servir le président de la République. Je suis ici pour servir la majorité », a-t-il déclaré, avant de saluer la main des grands patrons et des dirigeants présents dans le grand centre de conférences Pierre Mendès-France.
Statu quo à Bercy
Sans vraiment de surprise, le ministre de l'Economie avait plaidé quelques jours auparavant pour la stabilité à Bercy. Après sept ans d'exercice, Bruno Le Maire est devenu un des ministres des finances au plus long mandat sous la Vème République avec Valery Giscard D'Estaing. Pourtant, ce poste aux lourdes responsabilités est fortement exposé aux soubresauts des remaniements.
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Cette stabilité au ministère des Finances ne devrait pas apporter de changement majeur dans la politique économique du gouvernement. Lors de ses vœux, Bruno Le Maire a remis l'accent sur la politique de l'offre et la baisse des impôts de production en faveur des entreprises. S'agissant du marché du travail, il a particulièrement insisté sur le chômage des plus de 55 ans.
« Les seniors ne sont pas un poids, ils sont une chance. Leur expérience est précieuse », a-t-il insisté. « Vous, chefs d'entreprise, vous avez une responsabilité particulière : vous devez rompre avec cette pratique d'un autre temps - la mise à la retraite déguisée de vos salariés les plus âgés », a-t-il poursuivi.
L'ancien ministre de l'Agriculture sous Nicolas Sarkozy a aussi plaidé pour un tour de vis des indemnités chômage auprès des plus âgés. Une piste qui risque de mettre le feu aux poudres chez les syndicats actuellement en pleines négociations avec le patronat sur l'emploi des seniors.
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L'économie française au ralenti complique l'équation budgétaire
L'équipe en place à Bercy va devoir faire face au ralentissement économique en 2024. Confrontée au resserrement des taux et une situation géopolitique particulièrement brûlante, l'économie européenne traverse une zone de fortes turbulences. Dans ce climat morose, l'équation budgétaire du ministère de l'Economie va se compliquer sérieusement.
La Banque de France a très légèrement révisé à la hausse sa prévision de croissance pour le dernier trimestre 2024 à 0,2% contre 0,1% auparavant. L'économie tricolore a évité de justesse la récession en fin d'année 2023. Mais les premiers mois de 2024 ne s'annoncent pas plus favorables. Surveillé de prés par les agences de notation en 2023, l'Hexagone pourrait à nouveau susciter des inquiétudes.
Dans les milieux économiques et financiers, le mercato gouvernemental reste cependant bien accueilli. « Le changement de Premier ministre est perçu comme un biais favorable », a réagi Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management. « Il y a certes des coups de mou, les mesures contre l'inflation ont un coût, mais la France ne mesure pas à quel point elle s'en sort mieux que ses voisins [...] L'Allemagne est quasi en perdition ».
Au sujet de la dette française, « elle reste très bien perçue par les investisseurs étrangers. Je ne crois pas que la France devienne un sujet sur les marchés » a-t-il poursuivi, lors d'une récente réunion avec des journalistes.
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