Pour « tenir ses objectifs » en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la France doit investir davantage dans la rénovation énergétique des bâtiments. C'est ce qu'estime la coalition Unlock, qui réunit dans l'Hexagone des organisations telles que Agir pour le climat, Reclaim Finance ou encore la Fondation Abbé Pierre.
La rénovation énergétique du bâti est cruciale puisque les bâtiments et leur usage représentant plus d'un quart des émissions françaises. Les objectifs de neutralité carbone dans le bâtiment « requièrent la rénovation performante de 700.000 logements par an jusqu'en 2050 », selon Unlock qui souligne que la France est « très en retard ».
Pour parvenir à respecter ses engagements climatiques, la coalition avance une piste de solution. À savoir « un accroissement de l'investissement public et des prêts à taux zéro garantis par la BCE (Banque centrale européenne, ndlr) pour un montant total de 28 milliards d'euros par an ».
5 milliards d'euros consacrés alors qu'il en faudrait 28
Selon la coalition d'ONG, « l'État français consacre environ 5 milliards d'euros par an à la rénovation énergétique des logements ». Mais « cette dépense publique ne parvient pas à stimuler la demande et à avoir un impact réel sur le taux de rénovation performante des logements ».
Pour atteindre ses objectifs, la France devrait réaffecter, selon Unlock, ces 5 milliards d'euros d'aide « aux seules rénovations énergétiques performantes ». Et l'investissement devrait être porté à 28 milliards d'euros par an grâce à des « subventions publiques » et à « des prêts à taux zéro garantis par la BCE ».
Il faudrait même un peu plus selon l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), à savoir 33,4 milliards par an jusqu'en 2050. Cela permettrait à la France d'être dans les clous de la Stratégie nationale bas-carbone. Cette stratégie, dont une nouvelle mouture actualisée doit être publiée dans les prochains mois, prévoit qu'en 2050, l'ensemble du bâti devra atteindre la norme BBC (bâtiment basse consommation). Cela correspond à une consommation de 50 kilowattheures par mètre carré par an, soit à peu près l'équivalent d'une étiquette énergétique B sur une échelle allant de A à G.
Or, pour l'heure, la seule incitation présente dans la loi consiste à interdire progressivement à la location les biens les plus mal classés : les G en 2025, les F en 2028 et les E en 2034. Selon les calculs de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), extirper l'ensemble du parc des classes E, F et G coûterait déjà 258 milliards d'euros.
D'après l'I4CE, l'ensemble des investissements, public et privé confondus, pour la rénovation des bâtiments a atteint 19,9 milliards d'euros en 2021.
Le gouvernement refuse d'ajouter 12 milliards d'euros à la rénovation énergétique
Ces dernières semaines à l'Assemblée nationale, les députés ont débattu autour du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Le 1er novembre, ils avaient adopté, contre l'avis du gouvernement, deux amendements écologistes et socialistes ajoutant quelque 12 milliards de crédits pour la rénovation énergétique des bâtiments. Mais dès le lendemain, Elisabeth Borne a engagé le 49.3 pour faire adopter sans vote l'ensemble du projet de budget 2023 en première lecture en écartant ces amendements. « On ne peut pas multiplier par sept du jour au lendemain les travaux de rénovation thermique », a-t-elle déclaré.
Les oppositions avaient notamment étrillé le bilan de « MaPrimeRénov' », le mécanisme d'aide à la rénovation mis en place en 2020. Il est selon la députée LR Véronique Louwagie « très loin des objectifs », avec seulement « 2.500 passoires thermiques » rénovées.
La Cour des comptes a par ailleurs récemment rendu un rapport très sévère sur la politique de rénovation énergétique des bâtiments. « Il manque un pilotage fort et efficace et un service public de l'accompagnement efficient », a-t-elle déploré.
(Avec AFP)