L'objectif de 500.000 rénovations par an est "en passe d'être explosé", selon l'Agence nationale de l'habitat

GRAND ENTRETIEN. Malgré la crise économique et sanitaire, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a débloqué au premier semestre 862 millions d'euros au profit de « MaPrimeRénov' », une aide versée auprès des particuliers réalisant des travaux d'efficacité énergétique. Malgré la complexité du dispositif, son président Thierry Repentin témoigne de son « optimisme » dans la lutte contre les passoires thermiques.
César Armand
Maire (PS) de Chambéry (Savoie) et ancien ministre de François Hollande, Thierry Repentin est président de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) depuis octobre 2020
Maire (PS) de Chambéry (Savoie) et ancien ministre de François Hollande, Thierry Repentin est président de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) depuis octobre 2020 (Crédits : Louis Garnier)

C'est un objectif chiffré, répété et martelé par les gouvernements successifs depuis bientôt quinze ans : 500.000 logements particuliers rénovés chaque année. Pour la première fois depuis 2007, il devrait être atteint. D'autant que l'aide dédiée « MaPrimeRénov' » est désormais ouverte aux propriétaires bailleurs, c'est-à-dire à ceux qui louent leur logement à des tiers. Sans attendre un acte II du plan France Relance, l'enveloppe allouée a déjà été rehaussée.

Ajoutez à cela la prolongation du dispositif de revitalisation des villes-moyennes « Action Cœur de Ville » jusqu'en 2026, dont l'Agence nationale de l'habitat est l'une des principales contributrices avec Action Logement et la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts). Le président de l'ANAH, également Maire (PS) de Chambéry (Savoie), Thierry Repentin en est conscient : il va devoir y travailler cet été avec les services de l'Etat.

LA TRIBUNE : Plus de 380.000 dossiers ont déjà été déposés en 2021 pour accéder à MaPrimeRénov', une aide dédiée aux particuliers pour qu'ils puissent réaliser des travaux d'efficacité énergétique. Va-t-on enfin réaliser l'objectif des 500.000 rénovations, sans cesse affirmé depuis le Grenelle de l'Environnement de 2007, mais jamais atteint ?

THIERRY REPENTIN :
Le pari est bien engagé et cet objectif est en passe d'être tout bonnement explosé en 2021. Avec 15.000 à 16.000 dossiers déposés par semaine, nous devrions en effet atteindre les 750.000 rénovations en 2021. Le rythme ne faiblit pas, après 185.000 dépôts au premier trimestre, il y en a eu 195.000 au deuxième. 297.000 dossiers ont ainsi été acceptés, soit 862 millions d'euros de primes accordées pour près de 4,2 milliards d'euros de travaux générés. Sachant que 85% des logements de 2050 sont déjà construits, c'est une excellente nouvelle pour atteindre nos objectifs réaffirmés lors de la COP21 de l'hiver 2015.

La transformation du crédit d'impôt transition énergétique en prime y est-elle pour quelque chose ?

La prime apporte effectivement une aide qui est versée quasiment simultanément après la fin des travaux, le plus souvent au bout de 11 jours et demi. Elle constitue en outre un moyen d'éviter de solliciter sa trésorerie et de n'être remboursé, au mieux, qu'un an après. Et puis les propriétaires bailleurs sont désormais éligibles à MaPrimeRénov', ce qui est une grande avancée par rapport au crédit d'impôt transition énergétique pour lutter contre les passoires thermiques du parc locatif.

L'enveloppe de 1,7 milliard d'euros va-t-elle être rehaussée pour faire face à l'afflux ?

Lors de notre dernier conseil d'administration en juin, nous avons voté un budget supplémentaire pour 2021. De 1,7 milliard d'euros, nous passons à 2,4 milliards pour anticiper et honorer le montant des contributions de l'agence. Les bénéficiaires, que nous nous efforçons de suivre, se disent déjà à 88% satisfaits de la qualité de service.

Avec la prime, les ménages modestes et très modestes semblent revenir, contrairement au temps du crédit d'impôt que captaient à 50% les plus aisés. Comment l'expliquez-vous ?

Moi-même j'étais perplexe, pensant que cela allait rester l'apanage des trois ou quatre derniers déciles. En réalité, il se trouve que 63% des ménages modestes et très modestes souscrivent à la prime, contre 33% de ceux aux revenus intermédiaires et seulement 4% pour les plus riches. Le pari est gagné, c'est important pour l'ANAH dont c'est historiquement l'ADN, depuis sa naissance il y a cinquante ans. Que ce soit à l'Université de la ville de de demain (organisée par la Fabrique de la Cité et la fondation Palladio) ou au congrès de Villes de France (la fédération des villes moyennes, Ndlr), je n'ai que des retours positifs.

A propos du congrès de Villes de France, le Premier ministre y a confirmé le jeudi 8 juillet dernier la prolongation du programme « Action Cœur de ville » jusqu'en 2026 sans en préciser les nouveaux montants. Depuis son lancement en mars 2018, l'Agence nationale de l'habitat est partie prenante avec 1,2 milliard d'euros sur les 5 milliards de financement sur cinq ans. Qu'en sera-t-il demain ?

Chacun a conscience que les acteurs publics sont engagés, que ce soit l'Agence, Action Logement ou la Banque des territoires. Etant maire de Chambéry (Savoie), l'une des 222 villes bénéficiaires, je confirme que les opérateurs de l'Etat sont pleinement mobilisés. Pour la réhabilitation de copropriétés dégradées ou de logements indignes, il faut travailler à la petite cuillère en acquérant appartement par appartement et commerce par commerce. L'extension du calendrier laisse de la profondeur et offre des perspectives. Nous nous apprêtons donc à avoir un été de travail fructueux avec le gouvernement et l'interministériel.

Cet été risque d'être marqué par de nouvelles vagues caniculaires. Sans attendre la réglementation environnementale des bâtiments neufs dite « RE 2020 » qui s'appliquera le 1er janvier 2022 et qui préconise des logements adaptés aux fortes chaleurs, comment vous saisissez-vous du sujet ? D'autant que les changements de système de chauffage occupent toujours deux-tiers des demandes de prime.

Outre le chauffage (64%) et l'isolation (32%), les autres travaux représentent 4% des demandes. Parmi ceux-ci, la ventilation apparaît souvent dans les travaux programmés de la même manière qu'elle constitue un argument pour les prescripteurs de travaux. Pas plus tard que mercredi 7 juillet, je me suis rendu en assemblée générale de copropriété pour inciter à voter des travaux financés par l'agence et abondés par la ville. L'argument que j'ai utilisé était justement celui de l'adaptabilité de l'habitat. Les propriétaires doivent en effet s'attendre à des textes de loi et des amendements qui interdiront de louer. La réglementation va devenir de plus en plus draconienne avec l'évolution de la planète. Malgré l'engagement des acteurs publics et la dynamique enclenchée, il reste encore beaucoup de pédagogie à faire et d'ouverture à l'information sur les systèmes coercitifs. Il existe un vrai gap et en même temps une vraie marge de progression. Nous devons travailler non pas en silo, mais de façon concertée sur le réseau d'information.

Selon un sondage réalisé par OpinionWay pour le négociant de matériaux de construction Bigmat, deux-tiers des artisans jugent d'ailleurs les aides compliquées tant est si bien que seuls 46% s'estiment légitimes pour conseiller les clients. Comment inverser la tendance ?

La proposition forte d'un interlocuteur unique de bout en bout formulée par le directeur de la Banque des territoires Olivier Sichel est une excellente idée. L'orientation pousse que ce soit l'Agence nationale de l'habitat de façon à garantir les bons gestes et à sécuriser les particuliers dans le suivi des travaux. Les réseaux associatifs ont également une expérience qualitative que ce soit sur un bâtiment ou une maison individuelle. Cela me rend optimiste, comme lorsque les professionnels de la distribution de matériaux me disent que leurs carnets de commande se remplissent, à tel point qu'ils peuvent avoir du mal à répondre à la demande.

Le secteur subit une crise de l'approvisionnement en matières premières. Cela ne vous préoccupe-t-il pas ?

Ils adaptent leurs outils de production, selon qu'ils opèrent des travaux chez des particuliers en pavillon ou en rénovation de bâtis. Un million de personnes vont sur notre site pour obtenir des renseignements. Cet appétit voire même cette prise de conscience sociétale se révèlent assez impressionnants. Je ne doute pas que le volume sera absorbable par les artisans.

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César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 12/07/2021 à 18:03
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Woouahhh !!

à écrit le 12/07/2021 à 13:58
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sachant par ailleurs que la France construit plus de 400 000 logements neufs par an (autour de 290 000 chez UK/Allemagne), on est sur un bon rythme de renouvellement/rénovation du parc.

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