L'horizon au bout du tunnel n'est pas prêt de s'éclaircir. Après trois années interminables de pandémie, l'économie française continue de traverser de violentes turbulences. La crise énergétique et l'envolée des prix menacent toujours un grand nombre de secteurs. A cela s'ajoutent les difficultés de recrutement toujours persistantes. Au premier trimestre 2023, l'Insee table sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de seulement 0,1% après un fléchissement de 0,2% au dernier trimestre 2022. En ce début d'année 2023, les entreprises françaises sont plongées dans de profondes incertitudes.
La grogne sociale s'est propagée dans de nombreux secteurs depuis l'automne. Beaucoup de professions indépendantes (boulangers, restaurateurs) réclament des aides à Bercy pour pouvoir régler leurs factures tandis que quelques grands groupes emblématiques (Garbit) ont mis leurs usines sur pause en janvier.
Dans leur dernière étude sur les entreprises en 2022 dévoilée ce jeudi 5 janvier, les greffiers des tribunaux de commerce dresse un bilan morose des douze derniers mois. Pour le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce Thomas Denfer,« le "mur des faillites" n'est pas d'actualité, » mais « les dynamiques négatives observées pour l'ensemble de nos indicateurs appellent à la vigilance. » En effet, le relèvement des tarifs de l'énergie en raison d'un bouclier tarifaire moins généreux depuis le premier janvier dernier pourrait faire trembler beaucoup d'entreprises déjà meurtries par la crise sanitaire.
Le nombre d'entreprises en difficulté a bondi de 53% en 2022
Entre le premier janvier et le 30 novembre, le nombre de procédures collectives (liquidation judiciaire, redressement judiciaire, procédure de sauvegarde) s'est envolé de 53% en 2022 par rapport à 2021. En parallèle, les radiations ont augmenté de 14% l'année dernière.
Derrière cette moyenne, se cachent de profondes disparités régionales. En région Provence-Alpes-Côte d'Azur par exemple, les radiations ont grimpé de 56% alors qu'elles ont reculé de 3% dans le Centre-Val-de-Loire.
Après le fort rebond post-pandémie de l'économie en 2021, la croissance s'est brutalement tassée l'année dernière. A cela s'ajoute le débranchement progressif des aides du « quoi qu'il en coûte » et le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Après avoir bénéficié de conditions financières favorables, les entreprises européennes ont souffert de la hausse des taux d'intérêt en 2022.
Hécatombe dans la restauration et les bars
Résultat, certains secteurs sont fortement secoués à commencer par la restauration rapide et la restauration traditionnelle. Le nombre de liquidations judiciaires dans ces deux secteurs s'est envolé de 114% sur la période étudiée. « Outre la fin du soutien public, la pénurie de personnel - qui s'est accélérée en 2020 avec de nombreuses reconversions professionnelles - n'a fait qu'accentuer les difficultés des restaurateurs. Une réflexion profonde sur le terrain de l'emploi (horaires, salaires, conditions de travail, etc.) doit être engagée pour sortir la restauration de la crise dans laquelle elle est plongée depuis plusieurs années, malgré le soutien quoi qu'il en coûte de l'Etat français, » soulignent les auteurs de l'étude.
Pour rappel, la restauration, les brasseries et l'hôtellerie font partie des secteurs les plus affectés par les longues périodes de confinement. Parmi les autres secteurs en convalescence figurent les boulangeries (+106%) et les débits de boissons (+99%). Les salons de coiffure enregistrent également une forte hausse des liquidations (+83%).
Le commerce en ligne et la livraison à domicile en pleine débâcle
La restauration n'est pas le seul secteur frappé de plein fouet par les procédures collectives. Après avoir bénéficié des multiples confinements, le commerce en ligne et la livraison à domicile sont en pleine débâcle. « Affichant traditionnellement un taux de survie extrêmement faible à 5 ans, la vente en ligne vit aujourd'hui le contrecoup des effets d'aubaine ponctuels créés par la crise sanitaire, » soulignent les économistes. Avec la levée des mesures prophylactiques et la réouverture des commerces physiques, beaucoup de micro-entreprises ont dû mettre la clé sous la porte.
Baisse des créations d'entreprises
Après deux années particulièrement dynamiques, le nombre de créations d'entreprises a, lui, baissé de 7% entre 2021 et 2022 pour s'établir à 522.521. Parmi les régions les plus touchées par cette baisse figurent en premier lieu les Pays de la Loire (-10%), juste devant le Centre-Loire (-9,9%) et l'Aquitaine (-9,6%).
A l'inverse l'Ile-de-France et la Bretagne affichent des baisses inférieures à 5%. Les records de créations des années 2020 et 2021 devraient encore demeurer pendant plusieurs années.