Trésorerie : près de la moitié des chefs d'entreprise inquiets pour la rentrée

45% des chefs d'entreprise redoutent d'avoir des difficultés à la rentrée pour maintenir une trésorerie en bonne santé, selon la dernière Grande consultation des entrepreneurs réalisée par OpinionWay pour CCI France, La Tribune et LCI. Il s'agit d'un bond de 14 points par rapport à la même période de l'année dernière. L'inflation galopante et le coup de frein brutal de l'économie européenne portent un coup dur à certains secteurs (Hôtellerie-restauration, industrie) déjà secoués par la pandémie.
Grégoire Normand
Concernant l'approvisionnement en matières premières, la construction (76%) et l'industrie (69%) sont en première ligne. La politique zéro-covid menée en Chine en début d'année a amplifié la pagaille dans les chaînes d'approvisionnement partout sur la planète. À cela, il faut ajouter les effets collatéraux de la guerre en Ukraine partout en Europe.
Concernant l'approvisionnement en matières premières, la construction (76%) et l'industrie (69%) sont en première ligne. La politique zéro-covid menée en Chine en début d'année a amplifié la pagaille dans les chaînes d'approvisionnement partout sur la planète. À cela, il faut ajouter les effets collatéraux de la guerre en Ukraine partout en Europe. (Crédits : Reuters)

Le mois d'août ne devrait pas forcément être synonyme de repos pour beaucoup d'entreprises. Après toutes les vagues de Covid et la guerre en Ukraine, l'économie française est plongée dans un épais brouillard. La croissance tricolore a nettement ralenti au premier semestre et les derniers indices PMI dévoilés en fin de semaine dernière annoncent un automne particulièrement morose en Europe. Le scénario noir d'une coupure du gaz russe sur le Vieux continent aurait sans doute des conséquences particulièrement néfastes sur l'activité.

Dans ce contexte géopolitique troublé, les craintes des dirigeants sur leur trésorerie ne cessent de grimper. D'après la dernière grande consultation des entrepreneurs (GCE) réalisée par OpinionWay pour CCI France, La Tribune et LCI, 45% des patrons interrogés s'attendent à affronter des difficultés de trésorerie au mois de septembre prochain. Il s'agit d'un bond spectaculaire de 14 points par rapport à juillet 2021.

L'été dernier, les entreprises avaient profité du rebond post-covid après une année 2020 chahutée par l'éclatement de la pandémie. Après avoir bénéficié des prêts garantis par l'Etat (PGE), beaucoup d'entreprises vont être obligées de commencer à rembourser. Si la plupart parviennent à honorer leurs échéances, la situation est critique pour certaines, contraintes d'appeler leurs banques à la rescousse. Selon la Banque de France, sur les près de 700.000 entreprises ayant souscrit un PGE pour plus de 148 milliards d'euros au total, le taux de défaut pourrait atteindre à peine 3%. Ce qui reste relativement peu au global mais dans certains secteurs, les tensions se multiplient. Le tourisme ou l'hôtellerie et la restauration risquent d'être en proie à de sérieuses difficultés. Parmi les autres sujets d'inquiétude figurent l'approvisionnement en matières premières (42% ; + 12 points), la gestion des ressources humaines (38%, + 2 points) et la gestion des stocks (31%, +11 points).

Tensions dans le commerce et l'industrie

Dans le détail, plus de 53% des dirigeants interrogés dans le commerce redoutent des problèmes de trésorerie à la rentrée. Du côté de l'industrie, il sont 50% contre 48% dans la construction et 40% dans les services. Sans surprise, le tertiaire s'en tire relativement mieux que les autres secteurs depuis le début de la pandémie même si beaucoup de branches (hôtellerie, restauration, tourisme, transport) n'ont pas toujours retrouvé leur niveau d'avant crise.

Concernant l'approvisionnement en matières premières, la construction (76%) et l'industrie (69%) sont en première ligne. La politique zéro-covid menée en Chine en début d'année a amplifié la pagaille dans les chaînes d'approvisionnement partout sur la planète. À cela, il faut ajouter les effets collatéraux de la guerre en Ukraine partout en Europe. Même si la France est relativement peu dépendante de l'Ukraine en matière d'énergie, de nombreuses entreprises tricolores échangent avec Kiev ou avec la Russie. En outre, de nombreuses multinationales tricolores ont également des implantations ou des filiales dans ces deux pays.

Ce qui a précipité les difficultés pour beaucoup d'entreprises dans l'Hexagone. Enfin, la gestion des stocks représente un enjeu de préoccupation majeur pour 54% des commerçants, 48% des dirigeants dans la construction et 46% dans l'industrie. À l'opposé, seuls 15% des dirigeants dans les services évoquent ce type d'obstacle.

Hausse des taux : une menace pour 70% des chefs d'entreprise

Après dix années de politique monétaire accommodante, la Banque centrale européenne a annoncé le 21 juillet dernier une hausse de ses taux de 50 points de base, à la grande surprise de nombreux observateurs. Ce tour de vis destiné à freiner l'inflation devrait peser sur l'activité dans les prochains mois.

En effet, cette décision va pousser les banques commerciales à augmenter les taux d'intérêt pour les prêts accordés à leurs clients. Interrogés sur ce sujet, 72% des dirigeants estiment cette hausse des taux va avoir des répercussions négatives sur l'économie française. 34% affirment que cette normalisation de la politique monétaire est perçue comme une menace pour leur entreprise. A l'opposé, 64% indiquent que cela n'aura pas de conséquences sur leur entreprise et 8% pour l'économie.

La nouvelle Assemblée nationale : une menace pour l'économie française selon un tiers des dirigeants

Les résultats des élections législatives en juin dernier n'ont donné qu'une majorité relative au Président de la République Emmanuel Macron. Après cinq années de majorité absolue, le gouvernement d'Élisabeth Borne est obligé de trouver des compromis au Palais Bourbon pour faire voter ses textes de loi ou convaincre de ses réformes. Les dernières semaines parlementaires sur le projet de loi pouvoir d'achat et le budget rectificatif ont montré que les élus de la majorité présidentielle (Renaissance, Horizons et Agir) devaient batailler fermement face aux oppositions bien plus vives que lors du précédent quinquennat.

A propos de ce nouvel hémicycle, les dirigeants sont plutôt sceptiques. Près d'un tiers (34%) affirment que cette nouvelle assemblée aura un impact négatif sur l'économie française. À l'inverse, 15% signalent que ces résultats produiront un effet positif sur l'économie française. S'agissant de leur entreprise, 15% répondent que cette nouvelle assemblée aura un impact négatif. Inversement, 6% déclarent qu'elle aura un effet positif.

Le moral des dirigeants continue de se redresser malgré les crises

La confiance des dirigeants poursuit sa remontée au mois de juillet après avoir atteint un creux en mars au lendemain de l'invasion russe en Ukraine. Elle s'établit désormais à 80 points contre 76 points en juin et 66 en mars.

À l'exception des grandes périodes de confinement en 2020 et 2021, le moral des dirigeants n'avait jamais autant plongé au printemps dernier depuis le début de la réalisation du baromètre en février 2015. Même si les entreprises retrouvent des couleurs, l'indicateur qui mesure la confiance à l'égard de l'évolution de l'économie est encore loin d'avoir retrouvé sa moyenne de long terme (100). En septembre, la dégradation de la conjoncture pourrait à nouveau porter un coup dur au moral des dirigeants.

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(*) Méthode : Étude réalisée auprès d'un échantillon de 616 dirigeants d'entreprise. L'échantillon a été interrogé par téléphone. Les interviews ont eu lieu du 7 au 18 juillet 2022. La représentativité de l'échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d'activité et la taille, après stratification par région d'implantation.

Grégoire Normand
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