LA TRIBUNE - Comment se porte l'économie américaine depuis le printemps dernier et l'arrivée du virus sur le territoire américain ?
CHRISTOPHE BLOT, économiste de l'OFCE - L'économie américaine comme la plupart des économies développées est entrée dans une récession historique. Sur le second trimestre, il y a une baisse de l'ordre de 30% en rythme annuel soit 9% en rythme trimestriel. Le premier semestre enregistre une baisse du PIB de 10%. 90% de la population américaine étaient dans une zone concernée par des mesures de confinement.
La récession est moins forte que dans certains pays européens. Les Etats-Unis sont une grande économie. A l'intérieur de l'Etat fédéral, les relations commerciales ont pu continuer. Une fois la levée des mesures, le commerce de détail a retrouvé son niveau d'avant crise au mois d'août. La production industrielle a pu redémarrer rapidement également. Il y aura un rebond marqué au troisième trimestre et plus d'incertitudes sur la suite. La reprise va dépendre en grande partie du plan de relance et du fléchage de l'épargne accumulée au cours du premier semestre.
Quels ont été les amortisseurs mis en oeuvre pour les ménages ?
Aux Etats-Unis, il n'y pas eu de chômage partiel. L'Etat fédéral a mis en oeuvre une allocation chômage de 600 dollars par semaine qui venait s'ajouter aux indemnités de chaque État. Par ailleurs, le gouvernement a mis en place des crédits d'impôt pour les individus percevant un revenu annuel inférieur à 75.000 dollars environ. Aux Etats-Unis, les ménages ont gagné des revenus au cours de la crise. Le taux d'épargne était d'environ 7% avant la crise. Il est monté à environ 25%.
La situation économique reste massivement touchée par la pandémie. Certaines mesures de confinement restent applicables et les contraintes se poursuivent dans certains états. Sur le front du chômage, 22 millions de postes ont été détruits en mars et avril. Le chômage reste environ à 8%.
Quelle était la situation de l'économie américaine avant la crise ?
La situation était bien plus favorable avec un taux de chômage au plus bas depuis les années 60. La croissance restait dynamique. Les indicateurs de pauvreté étaient au plus bas depuis les années 70. Il faut néanmoins rappeler que lorsque Donald Trump arrive au pouvoir, il y a déjà 7 ans de reprise derrière lui. Il restait malgré tout beaucoup de sous-emploi, et de nombreux postes à temps partiel subi.
Quelle a été l'efficacité de la réforme fiscale ?
La politique budgétaire a été expansionniste sur le plan des recettes et aussi sur le plan des dépenses. Cette politique budgétaire a dopé la croissance en soutenant le pouvoir d'achat des ménages et les investissements. Avant la réforme fiscale, l'économie américaine était déjà dans une dynamique favorable. Cette réforme fiscale s'est faite au détriment de la réduction des déficits budgétaires. En 2018, on peut s'interroger sur la pertinence de cette mesure procyclique. Trump a en quelque sorte acheté de la croissance avec des déficits.
La pauvreté a pu baisser grâce à l'accès à l'emploi. Avec la hausse du chômage en cours, la pauvreté et les inégalités devraient être plus criantes. Du côté des entreprises, les taux de profit ont augmenté. L'emploi dans le secteur industriel est resté globalement stable sur les trois premières années du mandat de Trump.
Quel bilan tirez-vous de la guerre commerciale ?
La guerre commerciale a eu des effets ambigus. Des secteurs se sont retrouvés gagnants et d'autres perdants. Les entreprises qui sont intégrées dans la mondialisation et sont dépendantes de la Chine ont pu subir les effets de cette politique de hausse des barrières tarifaires. Certaines multinationales américaines ont pu se détourner de la Chine pour trouver d'autres fournisseurs. Il faut donc prendre en compte les dimensions de redistribution. Le déficit commercial ne s'est pas amélioré par cette guerre commerciale.
La réserve fédérale américaine a-t-elle encore des munitions ?
La Fed avait remonté un peu ses taux avant la crise et elle les a nouveau abaissé après la crise. Elle s'est relancée dans son programme de rachats d'actifs. La banque centrale a voulu absolument éviter toute rupture de liquidité dans l'économie. L'autre levier est d'accompagner la politique budgétaire. Actuellement, beaucoup de débats ont lieu sur la monétisation de la dette publique outre-Atlantique.