Carlos Ghosn au Liban : pas d'extradition possible vers le Japon !

Dans un secteur huppé de Beyrouth, les voisins de Carlos Ghosn se réjouissent de sa présence au Liban, où les contestataires mobilisés contre la classe politique s'amusent quant à eux de voir l'ex-PDG de Renault-Nissan rejoindre l'élite "corrompue" de son pays d'origine.
(Crédits : Issei Kato)

Mardi tout est calme autour de l'élégante villa rose du quartier d'Achrafiyeh où le magnat de l'industrie automobile a l'habitude de séjourner. Les volets bleu pâle sont ouverts, mais l'AFP n'a pu vérifier si M. Ghosn s'y trouvait.

Brisant la quiétude matinale, un gardien quitte les lieux en moto, avant qu'une voiture ne sorte du garage de la résidence pour partir rapidement, devant des journalistes attroupés.

Carlos Ghosn a confirmé mardi se trouver au Liban après avoir quitté le Japon où il est sous le coup de quatre inculpations.

Dans une petite épicerie au coin de la rue, René est ravi de la nouvelle. Invité d'honneur en 2014 à l'école de ses fils pour une cérémonie de remises des diplômes, c'est l'homme d'affaires lui-même qui avait remis les certificats de fin d'études, raconte fièrement René.

Assis avec son épouse, l'épicier ne cache pas son indignation face aux déboires de M. Ghosn au Japon.

"Il a été traité avec injustice, tout individu est innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit prouvée, et non le contraire", déplore le quinquagénaire.

"Un homme qui a pris la direction d'une entreprise automobile endettée pour la sauver, engranger des bénéfices, et en faire une des entreprises les plus importantes au monde, le Japon ne peut pas le traiter comme ça", s'insurge l'épicier.

"Ils ont voulu l'évincer de son poste pour des raisons politiques et économiques", assène-t-il catégoriquement.

"Exemple de réussite"

L'homme d'affaires de 65 ans a confirmé dans un communiqué qu'il se trouvait au Liban, se félicitant de ne plus être "l'otage d'un système judiciaire japonais partial, où prévaut la présomption de culpabilité".

Ayant vécu au Liban de l'âge de 6 ans à 17 ans, M. Ghosn y dispose aujourd'hui de plusieurs investissements, notamment dans le secteur immobilier ou avec le domaine viticole Ixsir qu'il a cofondé.

Visé au Japon pour malversations financières, il a été arrêté fin 2018. A l'époque, un portrait géant avait été placardé sur plusieurs panneaux publicitaires à Beyrouth, une campagne privée sous le slogan "Nous sommes tous Carlos Ghosn".

Fin avril, après 130 jours en prison, il a obtenu une libération sous caution, accompagnée de strictes conditions.

"Ils ne peuvent pas le traiter de cette façon, c'est porter atteinte à sa dignité et son honneur", s'indigne une voisine, installée dans l'immeuble accolé à la villa de M. Ghosn.

"Nous, ses voisins, avons énormément de respect pour lui. Il est un exemple de réussite pour les Libanais", ajoute la quinquagénaire.

Le journaliste Ricardo Karam, réputé proche de M. Ghosn qu'il a reçu à plusieurs reprises sur son plateau de télévision, a lui aussi salué le coup de théâtre.

"Bienvenue à la liberté et aux droits de l'Homme", a-t-il écrit sur Twitter.

"Retour des voleurs"

Dans un pays secoué depuis le 17 octobre par une contestation inédite qui dénonce la corruption, l'affairisme et l'incompétence de la classe politique, militants et contestataires n'ont pas manqué de tourner en dérision l'arrivée surprise de M. Ghosn.

Lucien Bourjeily, réalisateur de cinéma qui soutient avec ferveur la contestation, s'est amusé de voir M. Ghosn critiquer le système judiciaire japonais.

"Il est venu pour le confort et +l'efficacité+ d'un système judiciaire libanais qui n'a jamais mis un politicien en prison pour corruption, même si des milliards de fonds publics sont détournés chaque année", a-t-il écrit sur Twitter.

Une autre internaute, Guitta Abi Fadel, s'étonne sur Facebook de voir le Liban "n'attirer que des voleurs".

"Comme si le pays n'avait pas assez de voleurs pour que Carlos Ghosn nous tombe soudainement dessus", s'insurge Ali Mourad, un enseignant universitaire.

De son côté, le musicien Ziyad Sahhab a raillé le retour de l'homme d'affaires vers "un environnement qui encourage les voleurs".

"Nous réclamons le retour de l'argent volé, pas des voleurs".

Le droit libanais ne permet pas d'extradition

Le Liban et le Japon n'ont pas signé d'accord d'extradition qui permettrait à Tokyo de se voir remettre Carlos Ghosn, l'ex-PDG de Renault-Nissan, arrivé lundi à Beyrouth après avoir fui le Japon, a indiqué mardi à l'AFP une source judiciaire.

De son côté, une source aux Affaires étrangères a assuré que le Liban n'avait reçu, pour le moment, "aucune correspondance ou requête du Japon concernant M. Ghosn".

L'homme d'affaires, qui détient les nationalités libanaise, française et brésilienne, a confirmé mardi être au Liban. Il s'est félicité de ne plus être "l'otage d'un système judiciaire japonais partial, où prévaut la présomption de culpabilité".

"Il n'y a pas d'accord d'extradition entre le Liban et le Japon", a indiqué à l'AFP une source au ministère de la Justice libanais.

L'ancien ministre de la Justice libanaise et expert juridique Ibrahim Najjar a confirmé à l'AFP que le droit libanais ne permet pas aux autorités de livrer un ressortissant à un pays étranger.

En cas d'un possible recours à Interpol, M. Najjar explique que le nom de M. Ghosn serait communiqué aux frontières des pays membres pour réclamer une arrestation. "Mais Interpol ne peut pas le faire arrêter par la force, ou imposer une quelconque décision au Liban", rappelle-t-il.

"Jusqu'à nouvel ordre, M. Ghosn est en sécurité. La justice libanaise peut le juger s'il est établi qu'il a commis un crime punissable par le droit libanais", souligne M. Najjar.

Les autorités judiciaires libanaises peuvent demander au Japon de leur remettre le dossier Ghosn pour consultation.

Mais "le Liban ne peut pas juger une personne accusée de fraudes fiscales commises dans un pays étranger", ajoute l'expert.

M. Ghosn, qui fut le chef d'entreprise le mieux payé au Japon, a été arrêté fin 2018. Il fait l'objet de quatre inculpations dans ce pays: deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé.

Fin avril, après 130 jours en prison, il a obtenu une libération sous caution, accompagnée de strictes conditions.

"Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine", a ajouté M. Ghosn dans son communiqué transmis par ses portes-parole.

Commentaires 5
à écrit le 08/01/2020 à 18:45
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Une certaine catégorie de dirigeants japonais appartient toujours au Moyen-Age. Vivre sur une île est une arme à double tranchant. Ces gens se croient à l'abri de tout. C'est sans compter avec des personnalités comme Carlos Ghosn. Comme tout le monde...

à écrit le 31/12/2019 à 18:26
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Le Liban va devenir sa nouvelle prison. Fini les voyages, les Japonnais ne vont pas le quitter des yeux. Attention à toi Carlos les yeux bridés ne te feront aucun cadeau? TOUT EST POSSIBLE même un retour forcé au japon

le 01/01/2020 à 15:47
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Vous seriez prêt à parier? Il n'est même pas certain que le Japon a envie d'internationaliser le procès, ce qui l'obligerai sans doute à donner accès à la défense et a rendre public le dossier. Mieux le Liban pourrait faire de CG un de ses diplomates...

à écrit le 31/12/2019 à 16:48
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Il apris l'avion avec son pseudo : Carlos GONE .

le 01/01/2020 à 1:31
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Bien vu.

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