Chine : la croissance 2023 en passe d'être l'une des plus faibles depuis 30 ans, inquiétude de Pékin

En 2023, le taux de croissance de la deuxième économie mondiale devrait être l'un des plus faibles en trente ans, à 5,2% selon des experts. Une situation qui inquiète Xi Jinping, sur fond de crise géopolitique mondiale et de tensions commerciales de plus en plus intenses avec l'Union européenne et les Etats-Unis.
Un groupe d'experts interrogés par l'AFP table en 2023 en moyenne sur une hausse de 5,2%, sur un an, du produit intérieur brut (PIB) chinois.
Un groupe d'experts interrogés par l'AFP table en 2023 en moyenne sur une hausse de 5,2%, sur un an, du produit intérieur brut (PIB) chinois. (Crédits : ALY SONG)

Pour la deuxième économie du globe, ce chiffre n'est pas une bonne nouvelle. En effet, la Chine dévoile ce mercredi son taux de croissance pour 2023, qui devrait être l'une des plus faibles en trois décennies. Ce, sur fond de crise dans l'immobilier, de consommation atone et d'incertitudes qui pénalisent l'activité.

Un groupe de 10 experts interrogés par l'AFP table en moyenne sur une hausse de 5,2% sur un an du produit intérieur brut (PIB) de la Chine, sur l'ensemble de l'année 2023. Il s'agirait de son rythme le plus lent depuis trente ans, 1990 ayant vu le taux de croissance chinois atteindre 3,9%. Un constat valable si l'on exclut les années de la pandémie durant lesquelles l'activité en Chine était perturbée.

Cette année, la Chine devrait voir son PIB ralentir à 4,5%, selon d'autres prévisions de la Banque mondiale. Le groupe d'experts interrogés par l'AFP table pour sa part sur 4,7%. Le gouvernement chinois doit annoncer l'objectif officiel en mars.

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Pour rappel, en décembre dernier, les plus hauts dirigeants du Parti communiste (PCC) avaient reconnu que le pays allait rencontrer des « difficultés » pour relancer l'activité économique du pays. « La Chine doit encore surmonter certaines difficultés et défis afin de continuer à relancer l'économie », ont jugé les principaux hauts cadres du PCC, dont le chef de l'Etat Xi Jinping, lors de la Conférence sur le travail économique.

Toutefois, « dans l'ensemble, les conditions favorables l'emportent sur les facteurs défavorables » en matière de développement économique, ont-ils déclaré. « La tendance fondamentale d'une reprise économique et de perspectives positives à long terme n'a pas changé. »

Essoufflement

En 2022, le PIB de la Chine avait progressé de 3%, malgré les restrictions sanitaires contre le Covid qui pesaient lourdement sur l'économie. Ces mesures désormais levées, Pékin s'était fixé pour 2023 une croissance « d'environ 5% ». Le retour à une vie normale a dans un premier temps galvanisé la reprise en début d'année dernière.

Mais le rebond tant attendu s'est essoufflé et bute sur une confiance morose des ménages et des entreprises, ce qui pénalise la consommation. Une crise inédite dans l'immobilier, un chômage record des jeunes et le ralentissement mondial grippent également les moteurs de la croissance chinoise.

Le marché immobilier chinois en cause

« Le principal obstacle à la reprise est l'immobilier », un secteur qui a longtemps représenté au sens large un quart du PIB de la Chine, indique à l'AFP l'économiste Jing Liu, de la banque HSBC.

L'immobilier a connu durant deux décennies une croissance fulgurante mais les déboires financiers de groupes emblématiques (Evergrande, Country Garden...) alimentent désormais la défiance des acheteurs, sur fond de logements inachevés et de chutes des prix du mètre carré. L'achat d'un bien a longtemps été perçu par les Chinois comme un investissement sûr pour l'épargne. La baisse du prix de la pierre est un coup dur pour leur portefeuille.

« L'investissement dans l'immobilier, les prix des logements et les ventes de logements neufs devraient continuer à chuter en 2024, avant de redevenir un modeste moteur de croissance en 2025 », pressent Harry Murphy Cruise, économiste pour l'agence de notation Moody's.

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Cette crise « et un marché du travail atone minent la confiance des consommateurs », souligne l'économiste Helen Qiao, responsable Asie pour Bank of America. En mai, plus d'un jeune chinois sur cinq était en effet au chômage chez les 16-24 ans, un niveau record, selon des chiffres officiels, dont la publication mensuelle est depuis suspendue. La reprise en Chine, inégale, a largement bénéficié aux services avec le retour des clients dans les restaurants, les transports et les lieux touristiques.

Mais le niveau des dépenses est souvent inférieur à celles de 2019. Le secteur automobile est lui porté par la vague d'électrification qui profite aux constructeurs locaux, à l'image de BYD, devenu au 4e trimestre le champion mondial des ventes sur ce créneau, devant l'américain Tesla.

Exportations en baisse

D'autres domaines en revanche sont à la peine, notamment l'industrie, fragilisés par une faible demande intérieure ainsi qu'à l'étranger. Les exportations de la Chine, historiquement un levier de croissance, ont ainsi connu l'an dernier leur premier repli depuis 2016, selon des chiffres publiés vendredi par les Douanes chinoises. 

Les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et la volonté de certains pays occidentaux de réduire leur dépendance à la Chine ou de diversifier leurs chaînes d'approvisionnement expliquent en partie cette baisse. « Davantage d'entreprises occidentales réduisent ou maintiennent leurs niveaux d'investissements en Chine » mais diversifient ailleurs, remarque Teeuwe Mevissen, analyste chez RaboBank.

La déflation comme autre menace

Autre sujet d'inquiétude pour lié la croissance chinoise en berne : la déflation, qui s'est poursuivie en décembre dernier, pour le troisième mois consécutif, à rebours des principales économies en proie à l'inflation. L'indice des prix à la consommation (CPI), principale jauge de l'inflation, s'est inscrit le mois dernier à -0,3% sur un an, a ainsi indiqué vendredi dernier le Bureau national des statistiques chinois (BNS). La Chine avait basculé en déflation en juillet 2023 pour la première fois depuis 2021. Après un bref rebond le mois suivant, les prix sont depuis constamment en repli depuis septembre.

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Si sur le papier ce phénomène peut sembler une bonne chose pour le pouvoir d'achat, la déflation est une menace pour l'économie chinoise. Faute de demande, les entreprises sont contraintes de réduire leur production et consentent à de nouvelles ristournes pour écouler leurs stocks. Cette situation, qui pèse sur leur rentabilité, les pousse alors à geler les embauches ou à licencier

Tensions commerciales avec l'Union européenne

Pour cette raison entre autres, « la Chine a connu d'importantes sorties de capitaux », ce qui a des répercussions sur l'activité économique du géant asiatique, indique par ailleurs l'expert à l'AFP. Tous les défis cités précédemment « continueront à peser en 2024 », prévient-il.

Pour endiguer ce phénomène, la Chine tente d'ailleurs d'agir. Notamment avec l'Union européenne, parmi ses principaux partenaires commerciaux. « La Chine veut travailler avec l'Union européenne pour promouvoir un progrès constant des relations de la Chine et l'UE pendant la nouvelle année », a ainsi déclaré Xi Jinping, à l'occasion d'une rencontre avec le Premier ministre belge Alexander De Croo, vendredi dernier, au Palais du peuple à Pékin.

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Les exportations chinoises vers l'UE sont trois fois plus importantes que celles de l'UE vers la Chine, a également rappelé la présidente de la Commission européenne mardi 5 décembre 2023. « En d'autres termes, quand vous avez trois containers venant de Chine vers l'Europe, deux d'entre eux repartent à vide » vers la Chine, avait précisé Ursula von der Leyen dans un entretien à Bruxelles avec l'AFP au nom de la European Newsroom, qui regroupe des agences de presse européennes. Le déficit commercial de l'Union européenne avec la Chine a ainsi doublé en deux ans, pour atteindre le chiffre record de 390 milliards d'euros en 2022.

Du fait du ralentissement de la croissance chinoise, de nombreux experts s'interrogent aujourd'hui sur la marge de manœuvre des Européens pour obtenir un rééquilibrage significatif des échanges entre les deux géants commerciaux

Les voitures électriques chinoises, point de discorde

S'insèrent dans ce débat des points de discorde spécifiques, comme celui visant les exportations de véhicules électriques chinois. Préoccupée par la concurrence potentiellement déloyale de ceux-ci, moins chers, l'UE a officiellement lancé en 2023 une enquête sur les subventions accordées par Pékin aux constructeurs chinois. La Chine avait dénoncé l'enquête, la jugeant comme « du protectionnisme pur et dur », et souligné qu'elle était de nature à nuire aux relations commerciales sino-européennes.

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Autre point d'achoppement récent : les sanctions chinoises sur les spiritueux européens. Les autorités chinoises ont annoncé vendredi dernier avoir lancé une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin, comme le cognac, importées de l'Union européenne (UE). Une telle enquête pourrait avoir des conséquences sur les producteurs européens exportateurs.

Repli des échanges commerciaux avec les Etats-Unis

Avec les Etats-Unis, les relations économiques ne sont pas non plus au beau fixe. Les échanges commerciaux entre les deux puissances ont connu l'an dernier leur premier repli depuis 2019, dans un contexte de tensions géopolitiques.

En 2023, Chine et Etats-Unis ont ainsi échangé pour 664,4 milliards de dollars de biens et services, en baisse de 11,6% sur un an. Le dernier repli annuel remontait à 2019, conséquence de la guerre commerciale lancée contre Pékin par l'ancien président américain Donald Trump.

(Avec AFP)

Commentaires 9
à écrit le 16/01/2024 à 1:44
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Les experts, ils sont francais ?

à écrit le 15/01/2024 à 18:40
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Dommage de ne pas calculer cela en économie écologique, cela pourrait faire aimer la crise aux gens et nous serions dans un lien plus direct. Moins de croissance économique égal moins de pollution c'est mathématiques, une solide vérité tandis que l'o...

à écrit le 15/01/2024 à 18:14
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Ces experts espéraient peut-être une croissance de plus de 10% encore pendant 100 ans? Lol... Avec un PIB faible ... c'était possible.... plus le PIB augmente, plus la croissance baissera pour atteindre à un moment 1 ou 2% .. normal!

à écrit le 15/01/2024 à 17:00
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Blablabla...il faut vite tirer à boulet rouge contre les méchants chinois. Blablabla, il faut vite embellir les données macroéconomiques de l'autre bloc - l'Occident et son chef de file les États-Unis avant l'UE - pour offrir de belles couleurs au ta...

à écrit le 15/01/2024 à 15:51
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Quand une croissance de 5,3% c'est inquiétant alors qu'une récession de -0,3% c'est rassurant en Europe, on marche complètement sur la tête

à écrit le 15/01/2024 à 15:36
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Le gouvernement du Parti Communiste Staliniste Chinois de Xi Jin Ping est obnubilé par Taïwan et la domination en Mer de Chine. Des centaines de milliards sont dépensés par pure idéologie, alors que le peuple Chinois vit sous la contrainte, privé de...

à écrit le 15/01/2024 à 15:34
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Si nous arrivions à la moitié, il y aurait de quoi être satisfait

à écrit le 15/01/2024 à 15:23
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S'ils doivent faire le tour de l'Afrique pour exporter, ils finiront par ne plus être concurrentiels.

à écrit le 15/01/2024 à 15:12
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Une croissance économique de +4,5% pour un pays qui vient d’entamer sa décroissance démographique. Vraiment inquiétant pour les dirigeants ? Cela leur laisse encore de bonnes rentrées fiscales pour financer leur actuel et futur effort de guerre en me...

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