Chine : les exportations reculent encore, les objectifs de croissance menacés

Les exportations de la Chine se sont contractées en août pour le quatrième mois consécutif. Conséquence d'une demande atone à l'étranger et du ralentissement économique dans le pays, qui fragilisent des milliers d'entreprises. Pour tenter d'améliorer la situation, le gouvernement chinois a dévoilé différentes mesures ces dernières semaines, sans opter pour un véritable plan de relance. Pas sûr, selon les économistes, qu'elles aient un réel impact positif sur la croissance du pays.
Hormis un bref rebond en mars et avril, les ventes du géant asiatique vers l'étranger sont constamment en repli depuis octobre 2022.
Hormis un bref rebond en mars et avril, les ventes du géant asiatique vers l'étranger sont constamment en repli depuis octobre 2022. (Crédits : Reuters)

D'ordinaire levier de croissance pour la Chine, les exportations sont à la peine depuis quatre mois. En août, elles ont enregistré un nouveau recul, de -8,8% sur un an, selon les chiffres en dollars publiés par les Douanes chinoises ce jeudi 7 septembre. Il s'agit toutefois d'un repli nettement moins prononcé que celui de juillet (-14,5%) et que les attentes d'analystes sondés par l'agence Bloomberg (-9%) ou Reuters (-9,2%).

Logiquement le mois dernier, les ventes de produits chinois destinés à l'Europe étaient dans le rouge sur un an (-17,4% avec les États-Unis, -10,5% avec l'Union européenne). Elles sont en revanche demeurées robustes avec la Russie (+63,2%), confirmant l'accélération du rapprochement économique entre les deux voisins depuis le début de la guerre en Ukraine.

Ce n'est toutefois pas nouveau : hormis un bref rebond en mars et avril, les ventes du géant asiatique vers l'étranger sont constamment en repli depuis octobre 2022. Elles avaient auparavant enregistré leur plus fort repli en janvier-février 2020 (-17,2%), quand l'économie chinoise était pratiquement mise à l'arrêt par les débuts de la pandémie de Covid-19.

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Du côté des importations, elles ont connu en août leur dixième mois de repli d'affilée (-7,3% sur un an), signe d'une faible demande intérieure. Il s'agit là aussi d'une contraction bien moins forte que celle de juillet (-12,4%) et que les prévisions d'analystes interrogés par Bloomberg et Reuters (-9%).

L'excédent commercial de la deuxième économie mondiale s'est quant à lui tassé à 68,3 milliards de dollars (63,6 milliards d'euros), contre 80,6 milliards de dollars un mois plus tôt. Les analystes attendaient 73,80 milliards de dollars.

Coincée entre demandes mondiale et intérieure atones

L'économie chinoise est pénalisée d'un côté par une demande mondiale atone. La menace de récession en Europe, l'inflation élevée, les tensions géopolitiques aves les États-Unis, la volonté de réduire toute dépendance à la Chine... Autant d'éléments qui affectent les exportations.

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La deuxième économie mondiale est aussi affectée par la conjoncture de son propre pays, principal frein aux dépenses des ménages. La reprise espérée avec la levée des restrictions sanitaires en décembre dernier a été moins forte qu'escompté et s'est depuis complètement essoufflée. S'ajoute une crise sans précédent du bâtiment, secteur clé de l'économie chinoise. Ce qui a plongé dans le rouge les comptes de nombre de promoteurs immobiliers dont Evergrande et Country Garden, et fait désormais courir le risque d'une faillite de ces poids lourds à l'endettement astronomique. Tout dépôt de bilan aurait des conséquences incommensurables pour le système financier en Chine, avec un lot de logements inachevés, des créanciers et fournisseurs lésés, des licenciements massifs, et plusieurs dizaines de milliers de Chinois qui risquent de ne pas pouvoir récupérer leur argent. Cette situation nourrit la défiance d'acheteurs potentiels.

Le chômage des jeunes a lui atteint un niveau tel en juin que les autorités en ont depuis suspendu la publication des chiffres mensuels. Un tel contexte rend pratiquement hors d'atteinte l'objectif annuel d'une croissance d'environ 5% fixé par le gouvernement. Des analystes ont même revu à la baisse leurs prévisions pour l'année.

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Des lots de mesures...

Dans ce contexte et pour tenter de redresser la barre, le gouvernement chinois a annoncé une série de mesures ces dernières semaines dans le but de soutenir la croissance. L'exécutif privilégie des mesures prudentes et ciblées à un plan de relance massif et coûteux.

Le pouvoir a notamment dévoilé en juillet des mesures pour inciter à l'achat d'électroménager et de véhicules électriques. Des avantages fiscaux à destination des ménages et entreprises ont suivi pour soutenir la consommation.

Pour stimuler l'activité, la banque centrale a aussi réduit deux taux de référence, espérant ainsi pousser les banques commerciales à accorder davantage de crédits et à des taux plus avantageux.

Les annonces les plus importantes ont été faites la semaine dernière dans l'immobilier. Pour revigorer le secteur, plusieurs grandes villes dont Pékin, Shanghai et Canton ont assoupli leurs critères pour bénéficier d'un prêt hypothécaire. Les primo-accédants ont par ailleurs obtenu la renégociation des taux de leurs prêts.

... qui laissent dubitatifs

« L'économie ne se redressera pas sans amélioration du marché immobilier », prévient le cabinet Gavekal Dragonomics. Paradoxe : les ménages « sont réticents à emprunter et à acheter alors que les taux hypothécaires sont pourtant à leur plus bas niveau depuis 14 ans », relève l'analyste Arthur Budaghyan, qui suit l'économie chinoise pour le cabinet BCA. Une réduction des taux ne changera pas fondamentalement la donne selon lui car les ménages « s'attendent désormais à ce que les prix de l'immobilier chutent significativement ».

Plus généralement, la conjoncture et les incertitudes économiques restent le principal obstacle à la reprise de la consommation. Résultat, les ménages privilégient « l'épargne aux dépenses ou à l'investissement », relève l'analyste Maggie Wei, de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs.

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De par son passé, la Chine frileuse vis-à-vis des plans de relance

Les économistes suggèrent donc plutôt de lancer un véritable plan de relance. Ce qu'avait fait la Chine à la fin des années 2000, pour soutenir une économie affaiblie par la crise financière mondiale. Le pays avait investi 4.000 milliards de yuans (510 milliards d'euros au taux actuel) pour stimuler l'activité. Ce vaste dispositif avait permis de développer considérablement les infrastructures (routes, aéroports, lignes TGV...) mais il a aussi engendré une multitude de projets inutiles et creusé l'endettement.

Le pouvoir semble aujourd'hui réticent à recourir au même remède, au moment où les finances des gouvernements locaux sont exsangues après trois ans de crise sanitaire et de dépenses faramineuses englouties par le "zéro Covid". Le président chinois Xi Jinping, qui a fait du désendettement l'une des priorités depuis son arrivée au pouvoir, est lui-même un farouche opposant aux dépenses incontrôlées.

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(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 07/09/2023 à 10:57
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Nous devrions en être au stade ou la Chine commence à éliminer une partie de sa production non ? La surproduction couplé à la force de vente ou plutôt la vente forcée, touche forcément à sa fin en cette période d'effondrement général du pouvoir d'ach...

à écrit le 07/09/2023 à 10:23
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Le piège se referme doucement sur la Chine qui insiste dans le financement démesuré de son armée et dans de coûteux systèmes de contrôle de la population. Il n'y a rien de bon à attendre sur tous les plans, économiques, financiers, societaux d'une d...

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