Chine : Country Garden évite le défaut de paiement, le secteur de l’immobilier respire

Surendetté, l'un des plus gros promoteurs immobiliers chinois s'est acquitté d'un remboursement, afin d'éviter formellement un défaut de paiement, selon Bloomberg. Country Garden avait fin 2022 une dette considérable estimée à 1.430 milliards de yuans, soit 180 milliards d'euros.
Les créanciers ont donné in extremis leur accord pour reporter la date butoir à 2026.
Les créanciers ont donné in extremis leur accord pour reporter la date butoir à 2026. (Crédits : Reuters)

Le secteur immobilier chinois évite une nouvelle catastrophe, et ainsi de s'enfoncer dans le marasme. Country Garden, l'un des plus gros groupes de l'Empire du Milieu, s'est en effet acquitté d'un remboursement pour éviter formellement un défaut de paiement ce mardi 5 septembre, selon l'agence d'information financière Bloomberg.

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Pour rappel, le promoteur, qui a longtemps été réputé solide financièrement, a été incapable début août de rembourser 22,5 millions de dollars d'intérêts sur des emprunts. Après un délai de grâce de 30 jours, qui prend fin théoriquement ce mardi, Country Garden devait impérativement rembourser cette somme pour éviter un défaut de paiement.

Ainsi, le groupe a annoncé à ses créanciers qu'il s'était acquitté de cette dette, écrit l'agence Bloomberg, citant des sources anonymes. Plusieurs médias économiques chinois donnent également cette information. Country Garden n'avait pas communiqué dans l'immédiat. Jointe par l'AFP, l'entreprise n'a fait aucun commentaire.

Une dette abyssale

Cette annonce s'avère décisive. Un impayé aurait envoyé une onde de choc sur les marchés et plongerait un secteur immobilier déjà échaudé par la crise sanitaire et le ralentissement économique en Chine un peu plus dans le marasme. Country Garden « ne dispose pas de sources de trésorerie suffisantes » pour faire face aux prochaines échéances, avait mis en garde jeudi dernier l'agence de notation Moody's, abaissant de trois crans la note de solidité du groupe. Elle est désormais de « Ca », synonyme de « en défaut, avec quelques espoirs de recouvrement ».

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Country Garden avait fin 2022 une dette considérable estimée à 1.430 milliards de yuans (180 milliards d'euros). Il disposait fin juin de 147,9 milliards de yuans de trésorerie (18,6 milliards d'euros), une somme qui lui sert à achever des logements déjà payés par les propriétaires avant même leur construction.

Après des pertes record enregistrées au premier semestre, il devait par ailleurs s'acquitter samedi dernier du remboursement d'un emprunt obligataire d'un montant total de 3,9 milliards de yuans (environ 500 millions d'euros). Les créanciers ont donné in extremis leur accord pour reporter la date butoir à 2026, offrant un peu de répit au groupe immobilier, selon Bloomberg.

Des projets mal ciblés

Comment le géant chinois en est-il arrivé là ? Selon Country Garden, 96% de ses rentrées d'argent proviennent de la vente de biens immobiliers. Or, le marché immobilier chinois est déprimé. Les prix sont globalement orientés à la baisse. En outre, les Chinois sont désormais réfractaires à investir dans la pierre, sur fond de ralentissement économique, d'incertitudes et de chômage élevé chez les jeunes.

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Résultat, nombre de promoteurs sont contraints de vendre au rabais. La situation de Country Garden est d'autant plus précaire qu'environ 60% de ses projets sont situés dans des villes chinoises de petite taille, où les prix de l'immobilier ont le plus chuté et l'essentiel de ses clients a le pouvoir d'achat le plus limité.

Country Garden dispose de quatre fois plus de projets que le géant Evergrande, dont la mise à l'arrêt de chantiers avait entraîné manifestations et grèves de mensualités l'an dernier. Tout arrêt de travaux est un facteur d'instabilité sociale en Chine, car les propriétaires payent généralement un bien avant même qu'il ne sorte de terre.

Stimuler la demande de crédit

A l'image d'Evergrande, son concurrent endetté à hauteur de plus de 300 milliards d'euros, tout effondrement de Country Garden aurait des répercussions catastrophiques sur le système financier et l'économie du pays. Basé à Foshan (sud de la Chine), Country Garden employait fin juin près de 58.140 personnes « à temps plein » contre plus de 78.000 un an plus tôt, selon un comparatif de ses effectifs.

Pour revigorer l'immobilier, un secteur qui a longtemps représenté le quart du PIB de la Chine, les autorités ont multiplié ces derniers jours les initiatives. La banque centrale a ainsi annoncé jeudi dernier la baisse des taux sur les prêts hypothécaires pour les primo-accédants à compter du 25 septembre.

Plusieurs grandes villes, dont Pékin et Shanghai, assouplissent également leurs critères pour obtenir un prêt hypothécaire, afin que davantage de ménages puissent en bénéficier et stimuler la demande. Mais cela restera insuffisant pour relancer l'immobilier, prévient l'économiste Michelle Lam, de la Société Générale. Les déboires des promoteurs risquent de « continuer à saper la confiance » des acheteurs potentiels.

Forest City, une ville fantôme chinoise en Malaisie

Située à trois heures de route de la capitale Kuala Lumpur, Forest City, un projet immobilier de 100 milliards de dollars en Malaisie porté par le géant chinois Country Garden, fait office de ville fantôme. A son approche, un pont effondré oblige les automobilistes à faire un détour. Et dans la ville parsemée de palmiers, les rues, les appartements et les magasins restent désespérément vides. Ciblant les investisseurs chinois de la classe moyenne, Forest City a pour le moment survécu à un bide commercial, au contrôle des changes par la Chine, aux confinements dû à la pandémie et à la colère de l'opinion publique face à l'influence croissante des Chinois en Malaisie.

Et son avenir est à nouveau assombri par les difficultés financières du promoteur chinois Country Garden. Bâtie sur une île artificielle dans le détroit de Johor, face à la prospère cité-Etat de Singapour, Forest City était l'un des nombreux paris mirobolants de Country Garden. Lancé dans le cadre des Nouvelles routes de la soie, ambitieux projet d'infrastructures destiné à renforcer l'influence de la Chine dans le monde, et partiellement contrôlé par un puissant sultan malaisien, le complexe immobilier ne compte que 9.000 résidents, bien en-deçà de l'objectif de 700.000 habitants.

Le Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, tente de sauver le projet du naufrage. Il a annoncé la création d'une« zone financière spéciale », et des incitatifs tels qu'un taux avantageux pour l'impôt sur le revenu des résidents et des visas à entrées multiples. Mais les analystes sont sceptiques.  Pour l'heure, Forest City attire les visiteurs curieux d'observer ses gratte-ciels futuristes ou désireux d'acheter de l'alcool, qui y bénéficie d'une détaxe.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 06/09/2023 à 12:33
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"Ainsi, le groupe a annoncé à ses créanciers qu'il s'était acquitté de cette dette, écrit l'agence Bloomberg, citant des sources anonymes. Plusieurs médias économiques chinois donnent également cette information. Country Garden n'avait pas communi...

à écrit le 05/09/2023 à 10:09
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Bon! Il a payé mes intérêts; avec retard! Mais la dette demeure.

à écrit le 05/09/2023 à 9:48
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 05/09/2023 à 8:36
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