Crise bancaire : Joe Biden veut renforcer les règles de surveillance assouplies sous Donald Trump

Le président américain s'est dit favorable au rétablissement, par les régulateurs, de la plupart des contraintes réglementaires pour les banques régionales américaines après la faillite de SVB et de Signature Bank. Durant son mandat, Donald Trump, avait, en effet, affaibli l'ensemble des règles nées de la crise financière de 2008-2009 pour mieux encadrer l'activité des grandes institutions bancaires américaines.
Joe Biden va instaurer davantage de surveillance du système bancaire américain.
Joe Biden va instaurer davantage de surveillance du système bancaire américain. (Crédits : LEAH MILLIS)

Alors que le secteur bancaire connaît de fortes turbulences dans le monde, les Etats-Unis s'apprêtent à resserrer la vis. C'est, en effet, l'ambition de Joe Biden qui entend renforcer la surveillance bancaire dans le pays. Le président américain a demandé, jeudi, aux régulateurs de rétablir la plupart des contraintes réglementaires pour les banques régionales américaines.

Un ensemble de règles, nées de la crise financière de 2008-2009, et qui avait été affaiblies par son prédécesseur, Donald Trump. C'est notamment le cas de la loi Dodd-Frank. Elle avait été votée après la crise pour mieux encadrer l'activité des grandes institutions bancaires américaines, avant d'être assouplie en 2018 sous l'impulsion de l'ancien président républicain. À l'époque, le Congrès avait validé, à une large majorité comprenant des démocrates et des républicains, la levée d'une série d'obligations réglementaires et prudentielles imposées aux établissements de crédit avec des actifs de 50 milliards de dollars au moins et jusqu'à 250 milliards.

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Cette dérégulation est allée « trop loin »

Mais cette dérégulation a été « trop loin », selon la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, laissant passer entre les mailles du filet les établissements qui ont récemment fait faillite. Celles survenues début mars de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank ont mis en lumière les failles du système, seuls les grands établissements étant soumis à une surveillance stricte. La loi Dodd-Frank avait « imposé des réformes importantes visant à garantir que ces institutions puissent mieux absorber les pertes et répondre aux demandes de crédit et de liquidités des clients », a relevé Janet Yellen, lors d'un discours devant les économistes du NABE (National association for business economics). « Les exigences réglementaires ont été assouplies ces dernières années. Je pense qu'il convient d'évaluer l'impact de ces décisions de déréglementation et de prendre les mesures nécessaires en conséquence », a souligné la ministre de l'Economie et des Finances de Joe Biden.

Ce dernier souhaite donc que les établissements de taille intermédiaire, avec des actifs compris entre 100 et 250 milliards de dollars - ce qui était le cas de SVB et de Signature Bank - soient de nouveau soumis à des obligations. Et notamment aux fameux « stress tests », un exercice mené par les régulateurs pour vérifier comment un établissement se comporterait en cas de fortes perturbations, et qui permet de déterminer si une banque possède suffisamment de capital et de liquidités disponibles pour résister à un ou plusieurs chocs externes.

Évoquant « l'éternel débat sur le rôle approprié du gouvernement dans la réglementation du secteur financier », Janet Yellen a indiqué que « les vagues de réglementation financière ont souvent été suivies d'efforts concertés de déréglementation, fondés sur la conviction que la réglementation est inefficace et étouffe l'innovation financière et la croissance économique ». Or, au contraire, pour elle, « notre prospérité dépend des efforts déployés pour préserver la stabilité financière avant qu'une crise ne se produise ».

La Fed appelle, elle aussi, à davantage de surveillance

La ministre de l'Economie n'est pas seule à défendre l'idée d'un retour des règles de surveillance. En effet, depuis la chute de SVB et de Signature Bank, des dizaines d'élus démocrates ont demandé le rétablissement des dispositions annulées en 2018 et déposé une proposition de loi en ce sens.

De même, quelques jours plus tôt, le vice-président de la Réserve fédérale (Fed), Michael Barr a estimé qu'il était « essentiel que nous mettions en œuvre les réformes finales de Bâle III, qui refléteront mieux les risques commerciaux et opérationnels dans nos évaluations des besoins en fonds propres des banques ». Pour rappel, la Fed est l'une des trois entités distinctes en charge de la régulation des banques aux Etats-Unis avec l'Agence de garantie des dépôts (FDIC) et l'OCC (Office of the Comptroller of the Currency), autorité qui supervise quelque 1.200 banques présentes dans plusieurs Etats américains. C'est d'ailleurs la Fed qui réalise les « stress tests » sur les banques.

« Bâle III, vaste éventail de réformes internationales du secteur bancaire, a été engagé après la crise financière de 2008-2009 afin de renforcer la solidité des banques. De nombreuses mesures ont été prises mais certaines réformes doivent encore être finalisées, tout particulièrement aux Etats-Unis », a expliqué Michael Barr. Or, si la première cause de la faillite de la SVB est incontestablement sa mauvaise de gestion, « un cas d'école » même en la matière, selon le superviseur, c'est bien la surveillance très allégée de la banque qui a permis ces fautes de gestion, notamment le placement de la totalité des dépôts sur des obligations peu risquées mais de duration longue. « L'échec de SVB montre la nécessité d'aller de l'avant dans nos travaux pour améliorer la résilience du système bancaire », a souligné Michael Barr qui est l'un des architectes de la loi Dodd-Frank.

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Des mesures qui pourraient être prises sans passer par le Congrès

En dépit de ces soutiens, les mesures réclamées jeudi par le président Biden « pourraient être prises sans modification législative, sans intervention du Congrès », a indiqué un responsable de la Maison Blanche. Il est nécessaire de« finaliser les réformes post-crise, se demander si la dérégulation n'est pas allée trop loin et réparer les fissures du périmètre réglementaire révélées par les chocs récents », a encore commenté Janet Yellen. Mais aussi d'élargir, et « remédier aux vulnérabilités du secteur non bancaire », des sociétés financières qui assurent le rôle de banques.

Un point de vue qui n'est pas totalement partagé par le secteur. L'Association des banquiers américains (ABA) a ainsi jugé « prématuré d'appeler à des changements de règles par des organismes de réglementation indépendants avant de déterminer dans quelle mesure les régulateurs n'ont pas pleinement utilisé leurs outils et pouvoirs réglementaires existants », selon un communiqué. « Permettre un processus réfléchi et délibéré donnera des résultats meilleurs et plus durables », a affirmé la fédération, qui regroupe des établissements de toutes tailles.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 02/04/2023 à 9:30
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Tant de gesticulations médiatiques chez les démocrates en campagne pour l'élection présidentielle 2024 qui préfèrent la surveillance à la contrainte règlementaire notamment sur le taux de fonds "propres" des banques régionales sous les 250 Mds d'a...

à écrit le 31/03/2023 à 13:05
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Bonjour, Un pas en arrière et un pas en avant s'est mieux pour dansé le tango... Mais la bonne question est de savoir si s'être mieux avant ou après....

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