Crise bancaire : les marchés restent à l’affût de la prochaine victime

Après l’accalmie de ces derniers jours sur les valeurs bancaires, la première banque allemande a été fortement attaquée sur les marchés ce vendredi. Les chefs d’Etat et la BCE ont pourtant réaffirmé la solidité du secteur en Europe. Mais les investisseurs s’interrogent toujours sur un possible effet de contagion des évènements qui ont touché les banques moyennes américaines et Crédit Suisse le week-end dernier.
Malgré des profits de 5,7 milliards d'euros en 2022, les marchés s'interrogent toujours sur la stratégie et le bilan de Deutsche Bank.
Malgré des profits de 5,7 milliards d'euros en 2022, les marchés s'interrogent toujours sur la stratégie et le bilan de Deutsche Bank. (Crédits : Reuters)

Après Credit Suisse, Deutsche Bank ? L'opération de sauvetage de la deuxième banque suisse par la première, UBS, le week-end dernier, a ramené le calme sur les marchés, et même provoqué un vrai rebond des valeurs bancaires étrillées la semaine précédente par les déboires de petites banques américaines. L'engagement des banques centrales et des autorités publiques à soutenir, si besoin, le secteur a également joué un rôle déterminant.

Las, ce vendredi 24 mars, les banques décrochent à nouveau en Bourse. La plus attaquée est la première banque allemande, Deutsche Bank, qui chute de près de 15 % en séance pour finalement clôturer en baisse de 8,53 %. L'indice Stoxx des 600 premières banques européennes cotées recule d'environ 5% à mi-journée et de 2,5 % en fin de séance. Certaines banques, jugées plus fragiles, comme Commerzbank ou Société générale accusent également des pertes importantes. Le tout sur des marchés boursiers franchement baissiers.

Les autorités rassurent sur la solidité du système

Et pourtant, les décideurs politiques européens, réunis ce jour à Bruxelles pour un conseil européen, s'efforcent de calmer les nerfs des investisseurs. « Le système bancaire en Europe est stable », assure le Chancelier Olaf Scholz. « Le secteur bancaire de la zone euro est résilient car il dispose de solides positions en termes de capital et de liquidités », a même indiqué aux chefs d'Etat Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne.

Ce brusque décrochage de l'action Deutsche Bank, qui a entraîné les autres valeurs, aurait comme principale source la hausse ces derniers jours du titre CDS (credit default swap) à 5 ans de la banque (sorte d'assurance en cas de défaut de paiement), qui a frôlé les 220 points de base en matinée (contre 135 points de base mercredi), un plus haut depuis 2018. Mais comme toujours, c'est l'histoire du serpent qui se mord la queue, difficile de savoir si c'est la baisse de l'action qui entraîne le CDS par le fond, ou l'inverse. La banque allemande a également annoncé le rachat d'une dette subordonnée Lower Tier-2, ce qui a été parfois avancé comme un problème potentiel.

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Bref, après la décision des banques centrales (Fed et BCE) de poursuivre, malgré tout, leur politique de hausse des taux, les acteurs de marché se demandent toujours si la crise partie de Californie est désormais résolue, ou s'il existe toujours un effet contagion beaucoup plus large. « La crise bancaire est loin d'être terminée, comme certains veulent le croire », écrit l'économiste Marc Touati. « Nous avons un modèle très solide car très diversifié. (...). A un moment donné, la rationalité revient et les fondamentaux reprennent leur place », rétorque dans La Tribune, Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF).

Who's next ?

« Les investisseurs sont très méfiants, ils se rappellent sans doute la crise financière de 2008, et se demandent s'il y a encore des actifs douteux dans les bilans bancaires ou hors des bilans. Dans cette optique, les marchés s'interrogent sur quelle banque est la plus fragile. Ils se focalisent aujourd'hui sur Deutsche Bank, pour un certain nombre de raisons. Et si Deutsche Bank devait avoir des problèmes, évidemment, il y aurait alors des conséquences sur l'ensemble du système financier, car même si les interconnections entre les banques ont été sensiblement réduites, il y a de nouvelles interconnections avec la finance non bancaire », explique Catherine Lubochinsky, économiste et professeure d'Université.

Et ce malgré les efforts de restructurations, de renforcement des ratios de solvabilité, de surveillance accrue de la gouvernance. « C'est un problème de réaction et de mode de fonctionnement des marchés », ajoute la professeure de finance, « et ce type de fonctionnement des marchés comporte une dimension auto-réalisatrice, ce qui est problématique ».

« Les agences de presse interrogent le plus souvent des fonds de petite taille, ou des fonds spéculatifs, voire même des fonds créés le mois dernier, sans même avoir l'argent pour shorter (vendre à terme) les titres. En revanche, les stabilisateurs des marchés n'expliquent pas ce qu'ils font ou ce qu'ils pensent », regrette, amer, auprès de La Tribune, un banquier, interloqué face aux amples fluctuations des valeurs bancaires ces derniers jours, à la baisse comme à la hausse.

Que vaut une banque ?

A l'instar de Credit Suisse, Deutsche Bank a cependant connu de nombreuses restructurations, de changement de cap stratégique et son modèle d'affaires est encore loin d'être stabilisé. La capitalisation de la banque a fondu à 17 milliards d'euros, contre environ 62 milliards pour BNP Paribas et... 373 milliards de dollars pour JP Morgan ! « La capitalisation de JP Morgan est équivalente à celle des onze premières banques européennes », rappelle un banquier. C'est incontestablement une source de fragilité dans des périodes agitées sur les marchés.

Pour beaucoup, ces turbulences ne sont qu'une prise de conscience tardive des conséquences d'un resserrement monétaire ultra agressif. La hausse des taux a deux effets sur le bilan d'une banque. Un effet positif : elle permet d'augmenter la marge d'intérêt, ce que l'on a bien observé dans les résultats annuels de Deutsche Bank, et dans la plupart des banques (même si cet impact est décalé pour les banques françaises compte tenu des crédits à taux fixes et de l'épargne réglementée). Mais la hausse des taux entraîne également une baisse du prix des actifs qui sont en mark-to-market (valeur de marché). Mais, tout l'actif des banques n'est pas en valeur de marché, comme le portefeuille HTM (hold to maturity) qui est en valeur historique.

Au final, l'impact net n'est pas évident à voir et il dépend de la qualité de la gestion actif/passif, une spécialité française, avance souvent Philippe Brassac, directeur général de Crédit Agricole SA et président de la Fédération bancaire française. Reste qu'une erreur d'appréciation de la valeur d'un actif peut faire rapidement chuter la valeur d'une banque à zéro. C'est ainsi que Credit Suisse a été valorisée 6 % de son actif net.

La BCE en soutien permanent

« Les banques européennes ont levé un montant record de dettes sur les marchés des capitaux cette année, et ce avant que la dernière série d'événements négatifs ne commence à se dérouler », souligne une note de la banque ING. Certes, le programme de refinancement privilégié de la BCE (TLTRO) arrive à échéance, mais « la BCE pourrait choisir d'offrir aux banques un accès à des liquidités supplémentaires ».

Il faut également noter que, sur les conditions de crédit de la dette bancaire, il n'y a pas de stress majeur même si les taux augmentent en raison de la politique monétaire et des craintes de récession. Mais le niveau de stress systémique de la BCE n'a que modérément augmenté, bien loin de ses pics de l'an dernier lors de l'invasion russe de l'Ukraine. Nul doute que la Banque centrale européenne regardera avec attention l'évolution des spreads bancaires, dont l'écartement pourrait conduire les banques à freiner leurs conditions de crédit.

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Commentaires 2
à écrit le 25/03/2023 à 13:00
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la deusch bank aurais du etre declare en faillitte depuis longtemps sa chute vas entrainer le desastre en europe

le 27/03/2023 à 20:30
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Tout porte à croire que les institutions financières douteuses germaniques (cf. BaFin) ne laisseront jamais tomber Commerzbank et Deutsche Bank à l'instar de Wirecard qui a profité d'une large complaisance financière...

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