Sobriété énergétique : les premiers ratés en Europe donnent des sueurs froides pour l’hiver

L’arrivée soudaine d’une première vague de froid la semaine dernière dans le nord-ouest de l’Europe a fait vaciller les exigences d’économies d’énergie du Vieux Continent, avec une montée en flèche la consommation de gaz, notamment en Allemagne. De quoi alerter le gestionnaire du réseau fédéral outre-Rhin, qui appelle à « des efforts d’austérité soutenus », quelle que soit la température.
Marine Godelier
(Crédits : Eric Gaillard)

Comme un symbole de la stratégie déployée en urgence par le gouvernement. Après le ministre de l'Économie Bruno Le Maire la semaine dernière, le président Emmanuel Macron s'est affiché à son tour en col roulé ce lundi, afin de porter un message clair : les Français devront moins se chauffer cet hiver afin d'économiser de l'énergie, dont l'approvisionnement est mis à mal avec la guerre en Ukraine.

Une « sobriété » qui doit être enclenchée « dès maintenant » afin d'éviter les coupures lors des prochains mois, avait d'ailleurs pressé mi-septembre le gestionnaire du réseau gazier GRTgaz. « Le message à retenir [...], c'est que ce n'est pas au moment de la pointe qu'il faut réduire le chauffage ; c'est tout le temps », avait insisté son directeur général, Thierry Trouvé, lors de la présentation des perspectives pour l'hiver. Autant de messages censés encourager les citoyens à baisser le thermostat, au moment même où l'Europe n'a d'autre choix que de se passer de ses livraisons massives en gaz russe.

En Allemagne, particuliers et petites entreprises ont consommé 14,5% de plus que la normale

Et pourtant, ce message ne semble pas avoir résisté à la première vague de froid qui a saisi le continent. Car, alors que les températures moyennes dans le nord-ouest de l'Europe sont tombées en-dessous de la moyenne sur trente ans la semaine dernière, la demande de gaz est, elle, montée en flèche. En France, selon les données de GRTgaz, la consommation totale a ainsi dépassé les 800 GWh/j dès le 20 septembre, avant de frôler les 1.000 GWh/j le 28 septembre (auxquels s'ajoutent entre 30 et 42 GWh/j pour la zone Teréga, qui gère le réseau dans le quart Sud-Ouest de la France). Soit bien plus que les données enregistrées sur la même période l'année dernière, puisque la demande n'avait pas franchi la barre des 800 GWh par jour en septembre.

Surtout, en Allemagne, où la consommation s'avérait jusqu'à la mi-septembre inférieure à la moyenne des années précédentes, la tendance s'est inversée. La demande de gaz des ménages et des petites entreprises a en effet bondi, pour atteindre 14,5 points de plus que la valeur moyenne entre 2018 et 2021, selon l'Agence fédérale des réseaux. « Une analyse des données montre que les ménages privés consomment actuellement encore plus gaz que les années précédentes », relevait ainsi mercredi le journal allemand Der Spiegel.

« Les chiffres de cette semaine donnent donc à réfléchir. [...] Il faut aussi faire des économies quand les températures continuent de baisser, et ce n'est pas un succès infaillible », a réagi jeudi Klaus Müller, président de l'Agence fédérale des réseaux, dans un communiqué intitulé « La consommation de gaz des ménages augmente trop en ce moment ».

Autrement dit, après ce premier test non concluant, « le gaz doit être économisé même s'il fait encore plus froid cet hiver », selon le gestionnaire du réseau allemand, qui appelle à des « efforts d'austérité soutenus ».

Lire aussi200 milliards d'euros, l'énorme « coup de pouce » d'Olaf Scholz pour plafonner les prix de l'énergie en Allemagne

Baisser de 1°C dès le mois de novembre

De fait, la situation est telle que la Commission européenne a suggéré une réduction de la demande de 10% à 15% en moyenne sur le Vieux Continent par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Et l'Allemagne, qui dans le passé comptait beaucoup sur le gaz russe, devra réduire jusqu'à 20% sa consommation. Le but : économiser quelque 45 milliards de mètres cubes de gaz, une quantité équivalente à ce qu'il viendrait à manquer si la Russie coupait totalement les flux et dans le cas d'un hiver particulièrement froid.

Dans son rapport trimestriel publié lundi, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime d'ailleurs que les mesures d'économie de gaz en Europe seront « cruciales » cet hiver pour maintenir les stocks à des niveaux suffisants en cas de coupure totale du gaz russe et de « vague de froid tardive », puisque l'approvisionnement en gaz naturel liquéfié ne suffira pas à satisfaire une demande élevée.

Dans l'Hexagone, en cas d'hiver très froid, comme ce fut le cas en 2010-2011, l'équivalent de presque 5% de la consommation totale sur la saison ne pourrait pas être pourvu, avec un déficit de 16,2 térawattheures (TWh), selon les dernières estimations de GRTgaz. Soit à peu près autant que ce que les Français pourraient économiser s'ils baissaient de 1°C leur chauffage dès le mois de novembre (17 TWh), a expliqué mi-septembre le gestionnaire du réseau.

La part du gaz dans la production d'électricité a beaucoup augmenté

Pour trouver les ressources nécessaires, il faudra aussi passer par une réduction de la consommation électrique. Car les hydrocarbures participent largement à la production d'électrons, notamment cette année : sur les huit premiers mois de 2022, la quantité de gaz utilisé pour générer du courant a doublé par rapport à la même période en 2021, notamment à cause des déboires actuels du parc nucléaire d'EDF. « Le parc électrique a donc absolument besoin des centrales à gaz pour gérer son équilibre », fait-on valoir chez GRTgaz. C'est d'ailleurs en partie pour cela que la consommation de gaz est bien plus élevée cette année par rapport à l'an dernier.

« On pourrait considérer qu'on n'est pas concerné par le remplissage des stocks de gaz, car on se chauffe à l'électricité, mais c'est une erreur. [...] Dès qu'on économise de l'électricité, on économise du gaz pour produire cette électricité », a affirmé mi-septembre Thierry Trouvé.

Haro sur le radiateur électrique mobile

Ce n'est pas tout : un Français équipé d'un radiateur électrique pourrait même consommer plus de gaz à la pointe que s'il disposait d'une chaudière thermique. Et pour cause, cette dernière demande deux fois moins de molécules de gaz qu'un convecteur électrique pour fournir la même quantité d'énergie, étant donné que le processus de conversion en amont, réalisé dans les centrales électriques, induit une perte de rendement.

« La pire des choses à faire pour économiser le gaz serait donc de s'équiper de radiateur électrique mobile ! Cela augmente la pointe électrique, mais aussi la consommation de gaz, avec deux fois plus de quantité demandée en marginal [quand les autres moyens de production d'électrons, du nucléaire au renouvelable, sont insuffisants pour répondre à la demande, Ndlr] », selon le directeur GRTgaz.

Dans cette situation pour le moins tendue, l'Europe devra donc parvenir à trouver l'équilibre entre sobriété et rationnement, économies d'énergie et destruction de la demande, alors même que la hausse des prix risque d'aggraver la précarité énergétique de certains ménages, et pousse déjà à l'arrêt des chaînes de productions industrielles cruciales pour l'économie du Vieux Continent.

Lire aussiÉnergie : sans économie de gaz, l'Europe ne passera pas l'hiver, prévient l'AIE

Marine Godelier

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Commentaires 15
à écrit le 04/10/2022 à 16:09
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Petit mot doux à l' intention des mondialistes fous à qui nous avons abandonné le pouvoir de nous berner, on a compris après co vide, frigovide... Si demain vous chauffez votre maison à 4 degrés, vous pourrez éteindre votre ...

à écrit le 04/10/2022 à 13:35
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Un rallye automobile a lieu au centre de Berlin (au fond la Porte de Brandebourg) pour l'amitié avec la Russie. "Arrêtez la russophobie !", "Arrêtez de vous incliner devant les États-Unis !" et "On veut du chauffage !".

à écrit le 04/10/2022 à 13:31
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Les premiers raté ...... Trop drôle , c'est à cause d'une cumule de bourdes, de ratés, de bêtises , de mauvaise décisions, d'idéologie etc .... que l'Europe en est là . C'est pas un accident, on est en présence d'un pilote fou qui pense pouvoir...

le 04/10/2022 à 15:50
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Exact, non seulement il n'y a aucune remise en cause de leur part, mais iles mêmes décisions sont prolongées et même aggravées. D'ailleurs, contrairement aux années 1970, les mesures d'économies visent plus à culpabiliser les consommateurs qu'à cherc...

le 11/10/2022 à 18:39
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J'ai relevé cette réflexion de B.Latour : Le contraste entre le calme avec lequel nous continuons à vivre tranquillement et ce qui nous arrive est vertigineux

à écrit le 04/10/2022 à 13:20
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Je suppose que donner des factures impayables à tout le monde pour qu'on accepte l'annulation de la dette (et la monnaie numérique en passant) paraît de plus en plus possible. Reste à montrer aux normies que c'était prévu.

à écrit le 04/10/2022 à 12:57
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"un Français équipé d'un radiateur électrique pourrait même consommer plus de gaz à la pointe" ce qu'on déjà fait les allemands, devant l'annonce de difficultés gazières ça s'est vendu par 'wagons', le charbon va être très sollicité pour produire plu...

à écrit le 04/10/2022 à 9:17
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"14,5% de plus que la normale" : de quelle normale s'agit-il ? Il est logique qu'une vague de froid précoce conduise à une hausse de la consommation par rapport à la même période de l'année précédente.

le 04/10/2022 à 11:00
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a M breton et M macron vous avez peut etre compris mais un peu tard que l'allemagne ne roule que pour elle meme et jamais pour l'europe toujours ces interets avant tous ce qui est le contraire de la france qui prefere detruire son economie

à écrit le 04/10/2022 à 8:56
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Un arrêté publié au Journal officiel le 27 septembre permet à Enedis de couper temporairement l'électricité pour certains clients ayant souscrit une offre en heures pleines/heures creuses. L'information est passée inaperçue, et pourtant, elle a été ...

le 04/10/2022 à 13:10
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"la mesure devrait suspendre l'alimentation du cumulus électrique à distance pendant deux heures" mon cumulus se mettait sous tension à 22h30, au début des HC, le relais faisait 'clac !'. Un signal est envoyé sur la ligne et le système adhoc fait bas...

à écrit le 04/10/2022 à 8:47
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Ce problème est un avertissement. Nous consommons depuis trop longtemps trop d'énergies fossiles. Notre confort passe par la croissance d'un modèle basé sur les échanges et les transports devenu intenable. Changer de cap va demander des années et ...

à écrit le 04/10/2022 à 8:46
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Il ne faut espérer qu'un été le plus chaud possible, les adeptes du froid seront les premiers à gémir dès le premier gel. Et oui l'été il fait chaud et l'hiver il fait froid et cela depuis des millions d'années....

à écrit le 04/10/2022 à 7:27
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Ils s'attendaient à quoi ? Les gouvernements occidentaux refusent de laisser monter les prix du gaz et de l'électricité, donc oui, les gens profitent de l'aubaine et consomment. Le seul moyen de baisser la consommation, c'est d'augmenter le prix, c'e...

le 04/10/2022 à 9:45
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Effectivement le meilleur outil à utiliser pour réduire la consommation d'énergie est le prix de celle ci , il faut laisser la loi du marché jouer son rôle. Pour ma part dès les premiers froids je pars me mettre au chaud en Asie pour quelques mois d...

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