Japon : le chômage baisse à 2,5%, grâce à une politique monétaire très accommodante

Le ministre des Affaires intérieures japonais a publié, ce mardi, les dernières données corrigées du taux de chômage dans le pays. Au mois de novembre, ce taux s’établissait donc à 2,5%, contre 2,6% en octobre. Des chiffres, bien plus bas qu’en France ou aux Etats-Unis, favorisés par une politique monétaire ultra accommodante qui privilégie la reprise de l’activité économique à la lutte contre l’inflation.
Le Yen japonais perd 15% face au dollar américain sur un an
Le Yen japonais perd 15% face au dollar américain sur un an (Crédits : KIM KYUNG-HOON)

Nouveau record pour le Japon. Le pays affiche un taux de chômage de 2,5% en novembre, d'après les données corrigées des variations saisonnières publiées mardi par le ministère des Affaires intérieures. Un taux qui a légèrement diminué par rapport aux 2,6% de septembre et d'octobre, surprenant le consensus d'économistes de l'agence Bloomberg qui tablaient sur un taux à 2,6% aussi en novembre. Le taux d'emploi nippon et bien plus haut que celui des pays occidentaux. Pour rappel, le taux de chômage en France atteignait 7,3% au troisième trimestre 2022, quand il est de 3,7% aux Etats-Unis en novembre.

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Sans surprise, le secteur des services, notamment l'hôtellerie-restauration, continue de bénéficier de la réouverture totale du Japon aux visiteurs étrangers et de généreuses subventions publiques encourageant le tourisme intérieur. Le gouvernement du Premier ministre Fumio Kishida mène cette politique pro-business depuis début octobre dans l'optique d'augmenter l'activité économique du pays qui a reculé de 0,3% entre juillet et septembre, par rapport au trimestre précédent après avoir rebondi de 1,1% au deuxième trimestre (chiffre révisé). Pour stimuler l'économie, le gouvernement a ainsi annoncé fin octobre un plan de relance massif d'un montant équivalent à 270 milliards d'euros .

Cependant, le ratio entre les offres et les demandes d'emploi, qui avait augmenté les dix mois précédents, est resté stable à 1,35. Ce qui signifie qu'il y avait 135 offres d'emploi pour 100 demandes. « La faible demande extérieure a probablement pesé sur le recrutement dans l'industrie », a estimé Yuki Masujima dans une note de Bloomberg Economics. Selon cet analyste, cela n'augure pas des hausses de salaires suffisamment fortes en 2023, qui seraient capables de générer le cercle économique vertueux que la Banque du Japon appelle de ses vœux.

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Un quasi plein emploi favorisé par des taux directeurs bas

La Banque du Japon fait figure d'exception dans le paysage des grandes banques centrales. Il s'agit, en effet, de la « seule banque centrale majeure à avoir maintenu en 2022 ses taux directeurs à un niveau négatif », affirme Guillaume Dejean. L'institution monétaire a poursuivi une politique accommodante claire depuis la reprise post pandémie de Covid-19 : un taux négatif de 0,1% sur les dépôts que les banques font auprès d'elle (pour les inciter à prêter davantage) et des achats illimités d'obligations publiques japonaises pour plafonner leurs rendements à dix ans à 0,25%.

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Autrement dit, elle favorise une activité économique forte avec une augmentation de la consommation, de la production et des embauches, sans se soucier de l'inflation pour le moment. Pourtant, la hausse généralisée des prix existe aussi dans le pays du soleil levant. L'inflation japonaise hors produits frais a atteint 3,6% sur un an en octobre, un record depuis 40 ans, contre 3% en septembre et 2,8% en août. Des économistes s'attendent à un niveau de 4% en fin d'année.

A l'inverse de la BoJ, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé les taux directeurs de 250 points de base depuis juillet pour lutter contre une inflation qui a atteint 10% sur un an, en novembre, et la Réserve fédérale américaine a porté ses taux de 0% à 4,25 et 4,5% en quelques mois, dans la même optique de combattre la hausse des prix qui a atteint 7,5% (CPI) en novembre.

Des doutes sur le maintien de la politique monétaire ultra accommodante

Mardi 20 décembre, la Banque du Japon (BoJ), gardienne du yen, a tout de même annoncé un assouplissement des taux obligataires japonais. Les créances de l'Etat japonais à 10 ans qui sont aujourd'hui plafonnées à 0,25% vont pouvoir fluctuer entre -0,5% et +0,5% de rendement. Une réforme qui pourrait paraître insignifiante, quand on compare le taux japonais avec celui des obligations d'Etat françaises à 10 ans qui affichent 2,92% de rendement, mais qui a pourtant surpris les investisseurs. Ces derniers se sont mis à acheter massivement des yens, faisant monter la devise, en pensant que la BoJ allait faire monter les taux directeurs et donc le rendement des obligations d'Etat ainsi que la monnaie du pays, fortement dépréciée. « Les marchés veulent y voir (...) le début d'un nouveau cycle monétaire qui pourrait conduire à une première hausse de taux », expliquait Guillaume Dejean, analyste chez Western Union. « On peut imaginer que les annonces de la BoJ pourraient traduire la volonté des décideurs politiques et monétaires pour un Yen plus fort face aux autres devises. », ajoutait John Plassard, spécialiste en investissements chez la banque Mirabaud.

Mais, face à l'euphorie des marchés, la Banque du Japon a tenté de calmer le jeu. « Ce n'est pas une hausse de taux », a assuré mardi son gouverneur Haruhiko Kuroda dans une conférence de presse. Il a ajouté que les responsables de la BoJ étaient unanimes à juger « approprié » de garder un cap monétaire ultra accommodant pour soutenir l'économie nippone et viser une stabilité de la hausse des prix autour de 2%.

Nouveau scandale au sein du gouvernement japonais

Le ministre japonais de la Reconstruction, chargé notamment de piloter la revitalisation des territoires meurtris depuis 2011 par l'accident nucléaire de Fukushima, a démissionné mardi. Kenya Akiba était empêtré dans des scandales politico-financiers. Il a reconnu que son épouse et sa mère avaient perçu pendant des années des fonds de deux groupes politiques dont il est proche, sous la forme de paiements de loyer. Il est aussi accusé d'avoir illégalement rémunéré des assistants lors d'une campagne électorale en 2021. « Je ne pense pas agir de façon illégale », s'est-il défendu mardi devant la presse. Mais il a expliqué avoir démissionné pour « ne pas paralyser » l'agenda législatif du gouvernement.

Le gouvernement japonais est considérablement affaibli par une série de scandales et des révélations en cascade depuis l'été dernier sur les liens entre de nombreux élus du Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice), le principal parti au pouvoir dirigé par Fumio Kishida, et l'Eglise de l'Unification, surnommée « secte Moon ». Une secte religieuse avec laquelle Shinzo Abe, l'ex-Premier ministre était soupçonné d'entretenir des liens et qui est à l'origine de son meurtre par un Japonais s'estimant avoir été escroqué par la secte. Le départ de Kenya Akiba est le quatrième en trois mois au sein du gouvernement de Fumio Kishida, de plus en plus impopulaire dans les sondages. Le taux de popularité du Premier ministre et son équipe gravite depuis des mois autour de 30%, un niveau considéré au Japon comme le seuil de la « zone de danger » pour tout gouvernement.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 28/12/2022 à 9:31
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Encore une preuve que le taux du chômage dépend de l'activité, et non d'une baisse des assurances chômage comme le prétend le gouvernement aujourd'hui. Ce sont les cotisations sociales de moins en moins efficaces qui freinent l'activité économique de...

à écrit le 27/12/2022 à 9:54
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CE qui n'est pas dit dans l'article, c'est que le Japon ne connaît qu'une inflation de 3% au mois d'octobre. Serait ce parce que le dollar US est largement moins présent ? J'en connais qui doivent 'manger' leur chapeau '.

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