Pour stabiliser le yen qui s'effondre face au dollar, le Japon a puisé 43 milliards dans ses (fabuleuses) réserves de devises en octobre

Pour enrayer la chute de sa monnaie flirtant avec un plus-bas record face au dollar (le yen a perdu plus de 20% de sa valeur face au billet vert depuis janvier), le Japon, troisième économie du monde, était intervenu sur le marché des changes en septembre pour la première fois depuis 22 ans en injectant 21 milliards de dollars. Cela n'a pas suffi. Explications.
Tant que les politiques monétaires du Japon et des États-Unis seront en opposition frontale, la BoJ sera obligé de lutter à coups de milliards pour stabiliser le yen. Certes, le Japon a les moyens d'intervenir: au 31 août ses réserves de change totalisaient plus de 1.170 milliards de dollars, selon le ministère nippon des Finances, soit les plus importants avoirs en devises étrangères au monde après la Chine.
Tant que les politiques monétaires du Japon et des États-Unis seront en opposition frontale, la BoJ sera obligé de lutter à coups de milliards pour stabiliser le yen. Certes, le Japon a les moyens d'intervenir: au 31 août ses réserves de change totalisaient plus de 1.170 milliards de dollars, selon le ministère nippon des Finances, soit les plus importants avoirs en devises étrangères au monde après la Chine. (Crédits : Reuters)

Depuis septembre, le Japon intervient sur le marché des changes en procédant à des achats massifs de yens en dollars afin de stabiliser sa monnaie qui flirte avec ses plus bas niveaux depuis 32 ans face au billet vert.

Ainsi, après avoir injecté plus de 20 milliards de dollars sur le marché des changes en septembre pour enrayer la chute de sa monnaie, une première depuis 1998, le Japon a à nouveau puisé dans ses réserves de devises quelque 43 milliards de dollars en octobre - précisément 6.349,9 milliards de yens entre le 29 septembre et le 27 octobre, a déclaré lundi le ministère nippon des Finances.

Depuis le début de l'année, le yen a perdu plus de 20% de sa valeur face au dollar à cause du grand écart qui se creuse entre les politiques monétaires opposées de la Banque du Japon et de la Fed aux États-Unis.

Les analystes font en effet valoir que la montée du dollar face au yen est inéluctable tant que les politiques monétaires du Japon et des Etats-Unis resteront aux antipodes. La Réserve fédérale américaine (Fed) relève actuellement drastiquement ses taux pour tenter de mater l'inflation très élevée aux Etats-Unis, alors que la Banque du Japon (BoJ) poursuit à contre-courant de la tendance mondiale une politique monétaire ultra-accommodante.

Derrière les remontées surprises du yen...

Alors que la devise japonaise baissait de plus belle, jusqu'à tomber à 151,95 yens pour 1 dollar, un plus-bas de trente deux ans (depuis 1990), le yen avait brutalement - et brièvement - rebondi le 21 octobre.

Les acteurs du marché avaient attribué ce mouvement à une nouvelle intervention du gouvernement japonais pour acheter des yens contre des dollars.

Un rebond similaire trois jours plus tard avait également provoqué des spéculations, mais le ministre des Finances nippon, Shunichi Suzuki, s'était contenté de répéter la ligne du gouvernement: surveiller le marché des changes et « répondre de manière appropriée aux mouvements excessifs des spéculateurs ».

... la main du gouvernement qui veut enrayer la spéculation

« C'est étrange qu'ils aient refusé de confirmer l'intervention », a déclaré à l'AFP Carol Kong, spécialiste du marché des changes à la Commonwealth Bank of Australia.

« Une raison possible est que le gouvernement veut entretenir le secret, dans l'espoir que cela maintienne les traders dans l'incertitude, et que cela pèse sur le dollar », a-t-elle ajouté.

De fait, lundi vers 10H00 GMT, 1 dollar s'échangeait pour 148,50 yens.

L'éternel débat sur les atouts et les inconvénients d'une monnaie forte

Un yen faible est traditionnellement perçu comme un facteur positif pour les grandes entreprises nippones car cela renforce la compétitivité des prix de leurs exportations et gonfle artificiellement leurs profits réalisés à l'étranger quand ils sont convertis en yens.

Mais la baisse du yen s'est transformée en dégringolade depuis mars, et cela renchérit sévèrement les importations japonaises au moment où les prix énergétiques et alimentaires flambent dans le sillage de la guerre en Ukraine, ce qui fragilise le pouvoir d'achat des ménages.

Pas de resserrement monétaire en vue à la BoJ

La Banque du Japon (BoJ) a néanmoins confirmé vendredi la ligne accommodante de sa politique monétaire, son gouverneur Haruhiko Kuroda prévenant qu'il ne fallait « pas attendre des hausses de taux d'intérêt (...) de sitôt ».

Malgré une inflation nationale évoluant depuis avril au-delà de son objectif (2% hors produits frais) et ayant accéléré en septembre à 3% sur un an, la BoJ estime que les conditions ne sont pas encore réunies pour un resserrement monétaire au Japon.

L'institution « entend mener sa politique monétaire de sorte que la stabilité des prix soit atteinte de manière durable et stable en s'accompagnant de hausses de salaires », a insisté M. Kuroda.

Certes, le Japon a les moyens d'intervenir: au 31 août ses réserves de change totalisaient plus de 1.170 milliards de dollars, selon le ministère nippon des Finances, soit les plus importants avoirs en devises étrangères au monde après la Chine.

Un grand plan pour revitaliser l'économie

Pour rappel, vendredi dernier, 28 octobre, la remontée du yen était l'une des préoccupations majeurs du Premier ministre japonais Fumio Kishida, lorsqu'il a annoncé vendredi un méga plan de relance pour le Japon, après l'approbation par son gouvernement d'un budget supplémentaire pour financer ces mesures d'aide. Le montant du plan annoncé représente 266 milliards d'euros (39.000 milliards de yens) et son objectif double est de lutter contre l'inflation et contre la faiblesse du yen.

Le gouvernement espère qu'avec les investissements du secteur privé, fortement souhaités, le montant total de ce plan représentera 72.000 milliards de yens (492 milliards d'euros).

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ZOOM

« On ne peut pas contrôler le niveau du yen, mais on peut décourager la spéculation »

Ce lundi, Yasushi Kinoshita, un ancien haut fonctionnaire du ministère des Finances japonais et candidat à la direction de la banque centrale du Japon (BoJ), commentait les actions du gouvernement sur le marché des changes en affirmant que les autorités japonaises ne peuvent pas contrôler le niveau du yen en intervenant sur la monnaie, mais que, en revanche, elles disposent de divers outils pour atténuer les mouvements volatils provoqués par les spéculateurs.

« L'intervention monétaire ne peut pas et n'est pas destinée à faire varier le yen de manière significative à la hausse ou à la baisse, ou à le maintenir à un certain niveau pendant une période prolongée », a déclaré M. Kinoshita, considéré comme un candidat pour rejoindre la direction de la Banque du Japon l'année prochaine.

Et d'ajouter :

« Il s'agit plutôt d'empêcher les spéculateurs de déclencher des mouvements volatils. »

Dans une interview à Reuters, celui qui a joué un rôle clé lorsque le Japon a mené une intervention de vente de yens en 2011, a conclu :

« Les autorités japonaises sont armées de la sagesse et de divers outils pour lutter contre les spéculateurs. »

Partisan d'un resserrement monétaire... mené avec grande prudence

Kinoshita a déclaré que la banque centrale doit finir par sortir de sa politique ultra-libre, mais il a ajouté que la BOJ doit faire preuve de prudence et coordonner étroitement avec le gouvernement le retrait des mesures de relance.

« Tout le monde comprend que la BOJ doit finir par se diriger vers la sortie », a déclaré M. Kinoshita. « Elle doit procéder de manière régulière mais prudente », a-t-il ajouté, car un retrait simultané et trop hâtif du soutien fiscal et monétaire nuirait à la fragile économie.

Kinoshita, qui conserve des liens étroits avec les responsables politiques en place, a été vice-ministre des finances pendant environ un an à partir de 2013, lorsque le gouverneur de la BOJ, Haruhiko Kuroda, a déployé son programme de relance « bazooka » pour éradiquer la déflation.

Il est considéré comme un candidat pour rejoindre la direction de la BOJ lorsque le mandat de Kuroda prendra fin en avril prochain et que ceux de ses deux adjoints arriveront à échéance en mars.

(avec AFP et Reuters)

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Commentaires 5
à écrit le 01/11/2022 à 9:49
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Il y a beaucoup à apprendre de la situation japonaise pour les européens. Nous sommes en train de créer une situation de forte décorrélation des taux (courts/ l’attitude timorée de la BCE) en UE et USA, situation similaire qui est bien sûr exacerbée ...

à écrit le 31/10/2022 à 23:41
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Ah bah mince moi qui croyait qu il n y avait que l Europe qui était concernée par les difficultés…

à écrit le 31/10/2022 à 21:16
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Et oui, quand on choisit la fuite en avant et la mise de la poussière sous le tapis, ça finit par faire une bosse. L'année 2023 va être chaude

à écrit le 31/10/2022 à 19:37
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Quand yen a plus yen a encore...

à écrit le 31/10/2022 à 15:08
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c'est pas eux qui ont annonce un plan de depenses pharaonoique? bon, ben memes consequences que le RU, ca etonne qqun?

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