L'UE durcit le ton contre les « mesures discriminatoires » de la Chine à l'égard de la Lituanie

La Chine est entrée dans un bras de fer avec la Lituanie depuis que celle-ci a permis à Taïwan d'ouvrir une représentation officielle dans sa capitale Vilnius sous son propre nom en novembre 2021. Or, Pékin ne reconnaît pas le statut d'État à cette île qu'elle revendique comme partie intégrante de son territoire. Face aux « mesures discriminatoires » à l'égard des exportations lituaniennes mais également aux sévères entraves de la Chine visant à empêcher les recours en justice des entreprises européennes dont les brevets sont utilisés illégalement par des firmes chinoises, l'UE a engagé plusieurs recours auprès de l'OMC.
L'Union européenne entend soutenir la Lituanie victime de mesures discriminatoire par la Chine à l'égard de ses exportations.
L'Union européenne entend soutenir la Lituanie victime de mesures discriminatoire par la Chine à l'égard de ses exportations. (Crédits : INTS KALNINS)

L'Union européenne ne veut pas se laisser faire. Sa commission, en charge de la politique commerciale des Vingt-Sept, a constaté que, depuis décembre 2021, la Chine applique « des mesures discriminatoires et coercitives » à l'égard des exportations lituaniennes et des exportations de produits de l'UE intégrant des composants lituaniens. Un fait qu'elle se dit en mesure de prouver. D'autant que les propres statistiques chinoises font état d'un effondrement de 80% sur un an du commerce entre la Lituanie et la Chine pour la période janvier-octobre.

Ça n'est pas tout. L'UE accuse également Pékin d'entraver drastiquement les recours en justice des entreprises européennes dont les brevets, notamment dans les technologies télécoms, sont utilisés de façon illégale par les firmes du géant asiatique.

En effet, depuis août 2020, les tribunaux chinois peuvent interdire aux titulaires de brevets de s'adresser à un tribunal non chinois pour faire valoir leurs droits par une « injonction contre des poursuites » dans un État tiers. Toute violation de cette injonction peut être sanctionnée d'une amende journalière pouvant atteindre 130.000 euros, selon l'UE.

Une disposition que Bruxelles juge « incompatibles avec l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle ».

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Une représentation officielle taïwanaise à Vilnius

À l'origine des mesures chinoises contre la Lituanie, et qui affectent donc l'UE toute entière, la décision de ce pays de permettre à Taïwan d'ouvrir une représentation officielle dans sa capitale Vilnius sous son propre nom en novembre 2021. La Chine, qui rejette toute utilisation officielle du mot Taïwan et ne reconnaît pas le statut d'État à cette île qu'elle considère comme une de ses provinces, a vu d'un très mauvais œil l'initiative lituanienne et a donc engagé des représailles.

Elle a d'ailleurs déclaré, en août dernier, qu'elle romprait ses liens avec la Lituanie dans le secteur des transports, à la suite de la visite du vice-ministre lituanien des Transports à Taïwan. Un mois plus tôt, la Lituanie s'était déjà attiré les foudres de la Chine après avoir accueilli une délégation taïwanaise dirigée par le président du Parlement, You Si-kun.

L'UE a bien tenté de les dénoncer une première fois. En début d'année, la Commission avait déjà saisi l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sans que cela ne fasse avancer les deux dossiers : les mesures discriminatoires à l'égard des exportations lituaniennes et l'entrave aux recours en justice. « Engager une procédure devant l'OMC n'est pas une mesure que nous prenons à la légère », avait, à l'époque, assuré le vice-président de la Commission européenne en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis. « Nous aurions préféré résoudre ces deux affaires importantes à caractère systémique dans le cadre d'un processus de consultation, et nous avons consacré un temps considérable à essayer d'y parvenir, mais en vain. Nous n'avons donc pas d'autre choix », a-t-il expliqué, ce mercredi.

Escalade dans la procédure

L'Union européenne a donc annoncé, ce mercredi, avoir durci son bras de fer avec la Chine à l'OMC en engageant des litiges concernant ces deux sujets. La Commission européenne demande désormais la constitution de deux « groupes spéciaux » distincts, une escalade dans la procédure : il s'agit « d'organes quasi-judiciaires, sortes de tribunaux rendant des décisions juridictionnelles pour régler les différends » entre États de l'organisation.

« De bons partenaires se traitent avec respect et devraient appliquer des conditions de concurrence loyales. Il est de notre devoir de défendre nos droits lorsque la Chine enfreint les règles du commerce mondial » ou, dans le cas de la Lituanie, « soumet un État membre de l'UE à une coercition économique qui a des répercussions sur notre marché unique », a commenté Valdis Dombrovskis.

3,5 millions d'euros investis par Taïwan

D'autant que la Lituanie et Taïwan ont encore resserré leurs liens, notamment économiques, ces derniers temps. Début novembre, le pays de l'est de l'Europe a, en effet, inauguré son bureau commercial à Taipei. Un événement qui faisait suite à l'annonce par Taïwan d'un investissement de 3,5 millions d'euros dans une société lituanienne de technologie laser.

« Je suis heureuse que nous ayons pu ouvrir ce bureau de représentation commerciale », s'était alors félicitée la ministre de l'Économie, Ausrine Armonaite. Elle avait néanmoins tenu à préciser que son pays ne développait « pas de relations diplomatiques » avec Taïwan mais « des relations commerciales », ajoutant que la Lituanie développait « des relations commerciales avec différentes régions ».

Le ministère taïwanais des Affaires étrangères avait, lui, salué « une nouvelle page de relations amicales et coopératives entre Taïwan et la Lituanie ».

« Taïwan et la Lituanie sont des partenaires proches sur la ligne de front contre l'autoritarisme. Nous partageons non seulement des valeurs universelles telles que la démocratie et la liberté, mais nous sommes également confrontés aux défis posés par la reprise post-pandémique et la guerre russo-ukrainienne », avait-il souligné dans un communiqué.

Commentaires 2
à écrit le 07/12/2022 à 20:26
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A l'heure ou l'UE applique des sanctions a tous ceux qui n'ont pas l'heur de lui plaire, il est pour le moins comique de la voir invoquer la liberté du commerce mondial...

à écrit le 07/12/2022 à 14:44
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Bravo ! On ouvre un deuxième front avec la Chine, après celui de la Russie. Ça aidera la Chine à se rapprocher de la Russie, à activer sa campagne de reconquête de Taïwan, et on n'aura plus ensuite qu'à se brouiller avec les USA. Si toutefois on ...

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