Las Vegas : la fusillade relance le marché des armes à feu

[Graphique] Seulement quelques heures après la tuerie de Las Vegas, les actions de plusieurs fabricants d'armes aux Etats-Unis ont connu une augmentation significative en Bourse. Les investisseurs anticipent une hausse potentielle des ventes d'armes.
Grégoire Normand
Selon un rapport d'IbisWorld, le chiffre d'affaires annuel des fabricants d'armes américains et de munitions s'élève à 13,5 milliards de dollars.

La violence des armes à feu n'effraie pas les marchés financiers. La tragédie qui a fait 59 morts et au moins 527 blessés a provoqué une hausse des cours des marchands d'armes côtés à la Bourse. Dans la journée de lundi, les valeurs de la maison mère de Smith & Wesson, American Outdoor Brands Corporation, ont bondi de 5,6% à 16,10 dollars. L'action de la firme qui fabrique la célèbre Winchester, Olin, a progressé de 6% tandis que l'action de Sturm Ruger, une société du Connecticut, qui fabrique des armes automatiques, a augmenté de 4%.

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Spéculation sur une hausse des ventes d'armes

L'embellie des cours pour les fabricants d'armes à feu américains après des tueries de masse est un phénomène récurrent rappelle CNNAprès la fusillade d'Orlando en juin 2016 qui avait fait 49 morts, la tuerie de San Bernadino ou le drame de Sandy Hook en 2012 qui avait fait 26 morts dont 20 enfants, les cours de Smith & Wesson et les ventes d'armes avaient bondi à chaque fois. Après tous ces massacres, les marchés spéculent sur une hausse des ventes d'armes. Des chiffres mensuels du FBI illustrent d'ailleurs ces pics survenus après les pires carnages.

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L'autre facteur souvent mis en avant par les spécialistes est un renforcement de la législation en matière de contrôle sur la circulation et la vente des armes légères. Les investisseurs et les Américains redoutent un durcissement des règles pour acquérir les armes, ce qui peut provoquer une envolée des ventes. Le New-York Times avait d'ailleurs rappelé que "les plus grandes ventes d'armes ont eu lieu le mois dernier (ndlr : en mai 2016) après l'appel du président Obama pour rendre plus difficile l'achat de fusils d'assaut après l'attaque de San Bernadino". D'après une analyse des statistiques de ventes d'armes à feu aux Etats-Unis réalisée par le quotidien américain, "la crainte d'une restriction des ventes d'armes est la principale raison qui peut expliquer ces pics de ventes devant les effets des tueries de masse ou des attaques terroristes".

Dans son dernier rapport annuel, la firme American Outdoor Brands avait d'ailleurs expliqué clairement que des facteurs politiques pouvaient avoir des conséquences sur leurs performances.

"Les élections présidentielles, les élections pour la Chambre des représentants et celles du Sénat et les politiques et la législation qui en résultent peuvent affecter la demande pour nos produits. En plus, les spéculations autour d'un renforcement du contrôle des armes au niveau fédéral ou local et les peurs liées au terrorisme et au crime peuvent avoir des conséquences sur la demande pour nos produits. "

Un président favorable aux armes

La peur d'un renforcement de la législation en matière d'armement devrait être éphémère. En effet, le président Trump s'est régulièrement prononcé en faveur du port d'armes aux Etats-Unis que ce soit dans son programme, depuis son élection ou même lorsque des tragédies surviennent à l'étranger. A l'occasion des attentats de Paris survenus le 13 novembre 2015, il avait défendu le port d'armes."On peut dire ce qu'on veut, s'ils avaient eu des armes, si nos gens étaient armés, s'ils avaient le droit de porter des armes, la situation aurait été très, très différente". Lors de la campagne présidentielle, il s'est fortement opposé à toutes les propositions d'encadrement de l'accès aux armes à feu. Enfin au mois d'avril dernier, le milliardaire a assuré lors de la conférence annuelle du puissant lobby des armes National Rifle Association (NRA) de son soutien sans réserve, en promettant de protéger les libertés des Américains.

"'Vous avez un vrai ami à la Maison Blanche', a lancé le président républicain devant une foule enthousiaste, promettant "la fin de huit années d'attaques" contre le deuxième amendement de la Constitution, qui garantit pour tout citoyen américain le droit de porter des armes. 'Vous m'avez soutenu, je vais vous soutenir'"

Mais même si Donald Trump est favorable au port des pistolets, les ventes d'armes sur le territoire américain ont baissé récemment, après une montée en flèche sous l'administration Obama, quand les amateurs d'armes à feu avaient fait des stocks en prévention d'un durcissement de la loi.

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Donald Trump au congrès de la NRA en avril dernier. Crédits : Jonathan Ernst/Reuters.

Un puissant groupe de pression

Après son allocution, le groupe de pression n'avait pas hésité salué les mots du chef d'Etat américain dans un message diffusé sur Twitter.

"Après huit LONGUES années, nous avons une nouvelle fois un président qui respecte nos libertés individuelles chéries. "

Il faut dire que les relations entre Trump et la NRA sont au beau fixe. En effet, le puissant lobby, fondé en 1871, avait déboursé 30 millions de dollars pour financer la campagne du New-Yorkais. Et récemment Trump a encouragé les citoyens qui possèdent des armes à voter pour Luther Strange, un républicain pro-armes qui se présente à une élection sénatoriale anticipée.

Par ailleurs, la NRA dépense également des millions de dollars auprès des parlementaires américains. D'après des chiffres rapportés par l'AFP, 86% des républicains membres de la Chambre des représentants auraient reçu des dons de la NRA en 2016 contre 3% des démocrates. De même que 43% des sénateurs républicains ont reçu des fonds de l'association à l'inverse des sénateurs démocrates qui n'ont rien reçu.

Enfin, l'opinion publique américaine est plutôt favorable au droit de porter des armes comme le rapportent les dernières données du Pew Research Center. Entre 1993 et 2017, la part des répondants favorables au port d'armes est passée de 35% à 47%. A l'inverse, la proportion des interrogés en faveur d'un contrôle renforcé des armes est passé de 57% à 51%. Avec de tels résultats, une réglementation favorable à un meilleur encadrement des armes dans le pays qui présente le plus fort taux d'homicide par armes à feu au monde n'est pas prête d'aboutir.

Grégoire Normand
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