Négociations commerciales : l'Assemblée nationale se penche sur l'idée d'avancer la date au 15 janvier

L'Assemblée nationale examine à partir de ce lundi un projet de loi permettant d'avancer les négociations commerciales entre les grands industriels et les supermarchés, au 15 janvier contre le 1er mars. L'objectif est de faire baisser les prix en rayons. Ce résultat n'est toutefois pas garanti, même si l'inflation ralentit.
Même pour un changement de calendrier ponctuel, il est nécessaire d'en passer par la loi car la date butoir habituelle figure dans le Code de commerce.
Même pour un changement de calendrier ponctuel, il est nécessaire d'en passer par la loi car la date butoir habituelle figure dans le Code de commerce. (Crédits : Reuters)

Pour la quatrième fois en cinq ans, le Parlement va se pencher sur la législation encadrant les négociations commerciales entre les grands distributeurs et leurs plus gros fournisseurs industriels. Tournant chaque année à la foire d'empoigne, elles permettent, au terme de plusieurs semaines d'âpres discussions, de fixer les conditions (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) auxquelles les E.Leclerc, Carrefour, Intermarché ou Système U vont s'approvisionner pour l'ensemble de l'année auprès de leurs fournisseurs.

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Elles s'étalent d'ordinaire chaque année entre décembre et le 1er mars. Le gouvernement entend avancer cette date finale au 15 janvier. Objectif affiché, faire en sorte que les nouveaux tarifs - si possible, plus bas - s'appliquent au plus vite. Le projet prévoit aussi que les conditions générales de vente (CGV) soient envoyées par les industriels aux distributeurs « au plus tard 45 jours avant le 15 janvier 2024 », leur laissant donc un mois et demi seulement pour discuter.

Ce nouveau calendrier est « une mesure d'urgence » qui porte « uniquement sur les prochaines négociations », avait précisé Bercy fin septembre, indiquant toutefois qu'« une réforme d'ensemble est à l'étude et pourrait faire l'objet d'une mission parlementaire ». Même pour un changement de calendrier ponctuel, il est nécessaire d'en passer par la loi, car la date butoir habituelle figure dans le Code de commerce.

Les « petits » industriels laissés de côté

Dans les faits, ce texte s'appliquera aux seuls fournisseurs dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros, ou à un milliard en cas de chiffre d'affaires consolidé. Selon le ministère de l'Économie, il concernera donc seulement les 75 plus gros industriels de l'agroalimentaire commercialisant leurs produits en France, ce qui représente néanmoins « plus de 50% des parts de marché ». Comme Danone, Coca-Cola, Lactalis ou Heineken par exemple.

Ainsi, les PME et les ETI risquent de devoir mener leurs propres négociations après les plus gros industriels. Ce traitement différencié est problématique pour certains « petits » acteurs.

« Les multinationales vont cannibaliser les budgets de la grande distribution et préempter une grande partie du linéaire disponible », craint le président de la FEEF (Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France), Léonard Prunier, qui demande à ce que les petits passent avant les gros.

Jusqu'à présent, la fédération avait d'ailleurs obtenu que leurs accords soient conclus avant le 31 décembre. Elle souhaiterait que cette date limite soit, elle aussi, sanctuarisée dans le projet de loi. L'ADEPALE, association des PME et ETI françaises de l'alimentation, a de son côté demandé la semaine dernière « la suppression des seuils de mise en place des négociations commerciales (150 millions de chiffre d'affaires) ».

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Des différences entre théorie et pratique

La théorie d'une baisse appliquée plus rapidement grâce à cette nouvelle date butoir ne se concrétisera peut-être pas dans la pratique. L'Ilec, qui porte en France la voix des géants, a ainsi déjà averti que l'issue des négociations serait « contrastée », certains marchés de gros continuant « à augmenter », expliquait fin septembre son directeur général Richard Panquiault, sur RMC. « Quand il y a des hausses, on n'arrive pas à les répercuter, nous industriels » (car les distributeurs peuvent chercher à limiter les hausses de prix en magasin, ndlr), « quand il y a des baisses on est réticents à les rendre. Donc effectivement il y a une forme de rigidité du marché contre laquelle il faut se bagarrer, et pour laquelle cette loi est plutôt une bonne chose », selon lui.

Le leader de la distribution alimentaire E.Leclerc n'avait reçu que des demandes de conditions de vente « à la hausse, pour certaines de 15% » de la part de leurs fournisseurs, a abondé jeudi son médiatique représentant, Michel-Edouard Leclerc, sur BFMTV/RMC. Ce qui crée « une inquiétude » chez Thierry Cotillard, patron du groupement Intermarché/Les Mousquetaires, sur la capacité des distributeurs à « obtenir de la déflation ». Il a même évoqué la possibilité d'une hausse des prix « entre zéro et quatre » pour cent, dimanche dans l'émission Grand Jury RTL-Le Figaro-M6, ce qui serait à l'opposé de la volonté du projet de loi.

La date butoir des négociations fait par ailleurs aussi débat. « Le projet de loi ne change pas grand-chose sur le fond », a estimé Michel-Edouard Leclerc. Certains plaident pour pouvoir négocier toute l'année. Industriels comme supermarchés estiment de toute façon très improbable un retour aux prix de 2019.

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2023 à 13:43
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C'est ça, le libéralisme? Ah! Bon! Pas de quoi pavoiser. Cela ne serait pas plus simple d'effacer ce fatras législatif qui ne vise qu'à donner au parlement l'occasion de se croire indispensable. (en chantant) Tout ça n'vaut pas un bon 49-3!

à écrit le 09/10/2023 à 13:03
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Que l’Etat se mêle de réguler des discussions commerciales entre fournisseurs et clients n’a aucune justification sinon apporter une certaine rigidité dans les prix et cela au détriment des consommateurs…

à écrit le 09/10/2023 à 11:21
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Ah parce que ce n'est toujours pas fait depuis le temps que c'est annoncé !?

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