Meta autorise certains messages anti-russes, Moscou riposte avec le blocage de Instagram

Meta, la maison mère de Facebook et d'Instagram, a annoncé faire des exceptions à son règlement sur l'incitation à la violence et à la haine en ne supprimant pas systématiquement des messages hostiles à l'armée et aux dirigeants russes. Une décision inquiétante pour l'ONU, qui considère que le flou entourant cette annonce pourrait avoir des répercussions sur la population russe en générale. Le Kremlin n'a en tout cas pas tardé à réagir en déclarant avoir restreint l'accès à Instagram, Facebook étant déjà bloqué dans le pays depuis le début du mois de mars. Une mesure qui s'est accompagnée d'un contrôle renforcé de l'opinion publique russe.
La déclaration de Meta intervient après la publication d'un article de l'agence Reuters affirmant que la mise à jour du règlement s'appliquait à l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Estonie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et l'Ukraine.
La déclaration de Meta intervient après la publication d'un article de l'agence Reuters affirmant que la mise à jour du règlement s'appliquait à l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Estonie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et l'Ukraine. (Crédits : DADO RUVIC)

Meta change sa politique en matière de messages violents, sur fond de guerre en Ukraine. Son responsable communication, Andy Stone, a confirmé jeudi 10 mars que, « en raison de l'invasion russe de l'Ukraine, nous faisons preuve d'indulgence pour des formes d'expression politique qui enfreindraient normalement nos règles sur les discours violents telles que "mort aux envahisseurs russes" ». Et d'ajouter néanmoins : « Nous continuons de ne pas autoriser des appels crédibles à la violence contre des civils russes ».

La déclaration de Meta intervient après la publication d'un article de l'agence Reuters, citant des courriels échangés par des modérateurs de contenus du géant des réseaux sociaux et affirmant que la mise à jour du règlement s'appliquait à l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Estonie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et l'Ukraine.

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Un risque de débordement qui pourrait nuire à la population russe

Pour Emerson Brooking, chercheur résident à l'Atlantic Council, un groupe de réflexion américain, les exceptions autorisées par Meta représentent une tentative de s'adapter à une situation extrêmement mouvante et tendue. « Facebook essaie d'écrire des règles de guerre en temps réel », résume à l'AFP ce spécialiste de la désinformation en ligne. « La guerre et la violence sont liées de manière inextricable, il est impossible de les séparer ».

« C'est très clairement un sujet très, très complexe, mais qui soulève des inquiétudes en matière de droits de l'homme et de droit humanitaire international », juge de son côté Elizabeth Throssel, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, lors d'un briefing de presse à Genève. Pour elle, le flou qui entoure cette annonce « pourrait certainement contribuer à des discours haineux dirigés contre des Russes en général », insistant sur le fait que « cela serait très inquiétant ».

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« On peut penser aux persécutions aux États-Unis contre les Allemands pendant la Première Guerre mondiale ou contre les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale », abonde Emerson Brooking. Il rappelle néanmoins que le changement proposé par Facebook « désapprouve clairement les appels à la déshumanisation de l'ensemble des Russes ».

Elizabeth Throssel a indiqué que le Haut-Commissariat allait parler avec Meta pour avoir des précisions. « Nous allons les (Meta) encourager à regarder de plus près les dégâts qui pourraient accompagner ce changement de politique », a précisé la porte-parole, tout en reconnaissant que le sujet demandait à être examiné de plus près en raison de la complexité des concepts juridiques entourant notamment la liberté d'expression et le contexte particulier d'un conflit.

Ainsi, il est possible « que dans un conflit en cours, appeler à la violence contre ceux qui sont directement engagés dans les hostilité pourrait ne pas être prohibé », a-t-elle laissé entendre, estimant que cela demandait une analyse plus approfondie du Haut-Commissariat et aussi plus d'informations de la part du géant des réseaux sociaux.

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La Russie attaque pour "assistance à des activités terroristes"

Au lendemain de l'annonce de Meta, la Russie a fait savoir ce vendredi 11 mars qu'elle allait engager des poursuites contre le groupe pour « appel aux meurtres » de Russes. Le puissant comité d'enquête de Russie a indiqué lancer ses investigations « du fait des appels illégaux aux meurtres de ressortissants russes de la part des collaborateurs de la société américaine Meta ».

Le Comité engage des poursuites pour « appels publics à des activités extrémistes et assistance à des activités terroristes », et se penche en particulier sur le responsable de la communication de Meta, Andy Stone, qui a annoncé le changement des règles de publication de Facebook et Instagram.

Le Parquet russe a lui demandé de classer le géant de l'internet organisation « extrémiste », et donc d'interdire toutes ses activités en Russie. Il demande aussi au gendarme russe des télécommunications Roskomnadzor de bloquer l'accès à Instagram dans le pays, alors que Facebook n'est déjà plus accessible ou difficilement accessible. En effet, la Russie a bloqué Facebook sur son territoire depuis le 4 mars, en représailles à la décision du groupe californien d'interdire des médias proches du pouvoir (dont la chaîne RT et le site Sputnik) en Europe.

La Russie a ainsi rejoint le club très fermé de ceux interdisant le plus grand réseau social du monde, aux côtés de la Chine et de la Corée du Nord. L'accès à Twitter est lui très fortement restreint en Russie pour des raisons similaires au blocage de Facebook.

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... et bloque aussi désormais Instagram

La demande du parquet russe a semble-t-il été entendue. Ce vendredi, la Russie a e en effet annoncé avoir restreint l'accès à Instagram, qu'elle accuse aussi de propager des appels à la violence contre les Russes en lien avec le conflit en Ukraine. « À la suite de la requête du bureau du Procureur général, l'accès au réseau social Instagram (...) sera restreint en Russie », a déclaré le régulateur russe des télécommunications Roskomnadzor dans un communiqué.

Instagram est extrêmement populaire auprès de la jeunesse russe. Selon les données de Mediascope en janvier 2022, le nombre mensuel moyen d'utilisateurs d'Instagram en Russie est de 67 millions d'utilisateurs, d'après les données citées par le journal économique russe Kommersant. Le réseau social est aussi devenu un outil de vente en ligne crucial pour de nombreuses petites et moyennes entreprises russes, ainsi que des artistes et artisans, qui dépendent de leur visibilité sur cette plateforme pour vivre. C'est également l'un des réseaux sociaux les plus utilisés par les opposants russes, comme Alexeï Navalny, bête noire du Kremlin dont l'équipe continue de publier des messages malgré son emprisonnement depuis plus d'un an.

La Russie est un des pays les plus restrictifs en matière de libertés de la presse et d'expression, et la situation s'est encore détériorée ces dernières semaines avec le blocage de la plupart des médias indépendants qui subsistaient. Le 4 mars, le Kremlin a fait adopter en urgence une loi introduisant 15 ans de prison pour toute diffusion d'informations sensibles pour ce que le pouvoir nomme "l'opération spéciale en Ukraine".

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Twitter fait profil bas, les géants du numérique coupe les ponts

Twitter n'a pour sa part pas fait d'annonce récente concernant une mise à jour de son règlement sur les contenus violents. La plateforme n'a pas supprimé la semaine dernière un tweet du sénateur américain Lindsey Graham, où l'élu républicain appelait à l'assassinat du président russe Vladimir Poutine pour mettre un terme à la guerre. Twitter a par la suite confirmé au site The Daily Beast que cette publication n'enfreignait pas son règlement.

Sous la pression des responsables politiques ukrainiens et de groupes d'activistes, la majorité des piliers technologiques américains ont coupé les ponts avec Moscou depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. Microsoft et Apple ont interrompu leurs ventes de produits dans le pays, tandis que Netflix, Intel ou encore Airbnb y ont suspendu leurs activités.

Jeudi, Google qui ne vend déjà plus de publicité en Russie, a annoncé aux développeurs d'applications qu'il suspendrait « dans les prochains jours » les options de paiement sur sa boutique en ligne dans le pays, empêchant ainsi les utilisateurs d'acheter des apps, des jeux ou des biens numériques. Les utilisateurs russes pourront toujours néanmoins télécharger et utiliser les applications gratuites.

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(Avec AFP)

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